Chapitre 10: Giulian

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Inerte et paralysée, c'est ainsi que je me retrouve suite à l'information de mon frère. Une violente migraine m'ébranle sur le champ, je bouillonne. Le regard que j'échange avec Marley est d'une folle intensité tant il est communicatif. C'est comme si nous essayions d'échanger par télépathie, comme dans le temps, étant petits. Dans la noirceur de ses petits yeux loge une sorte d'appréhension que je ne peux m'expliquer. De quoi est-il inquiété ? Impossible d'interpréter la ferveur de son regard ce qui, bien entendu, fait naître en moi une grande frustration qu'il parvient lui à capter.

— Qui c'est ? m'interroge-t-il fermement.

Je peine à déglutir tant ma gorge est sèche.

— À toi de me le dire, laché-je d'une voix quasi muette.

— J'en sais rien moi, je lui ai taxé une clope pendant la cérémonie de l'église. Toi, comment tu le connais ?

La stupeur m'entrouvre la bouche. Mes pommettes ainsi que mes oreilles brûlent. Quant à son regard, il se tamise de ferveur pour laisser place à une neutralité des plus déconcertantes. Comme s'il m'avait claqué la porte d'accès à nos échanges télépathiques au nez. Comme s'il avait fermé la sienne, pour se concentrer sur le flux de mes pensées à moi.

— Comment il t'a dit qu'il s'appelait ? jacté-je.

— Quelle importance ?

Je le fusille du regard, agacée par son masque d'impassibilité.

— J'en sais rien Margaux. Je demande pas le nom de tous ceux à qui je taxe des clopes.

— Tu es bien sûr que c'était lui ?

Marley jette à nouveau un coup d'œil sur la page instagram de Simon. La curiosité de Giulian en est titillée, alors il nous rejoint.

— Maggie je suis certain que c'était lui. Avec plus de cheveux et moins de barbe mais c'était lui. C'est ton nouveau mec ? m'interroge-t-il avec un mépris qu'il ne tente même pas de dissimuler.

Je le toise tout en assimilant ses dires, pensive. Sans rien dire je m'empare de son paquet de cigarette. Je me sers. Giulian glisse aussitôt son zipo dans ma paume derrière le canapé. Et sans plus tarder, je laisse le tabac pénétrer ma cage thoracique. 4 mois d'abstinence à l'eau !
Simon à l'enterrement de Raphaël ? C'est si gros que je refuse d'y croire. Mon cerveau refuse presque de considérer cette information. Tout deviendrait bien trop louche.

— C'est sûrement un de ses potes, lance Giulian devant le compte de Simon qu'il visite avec Marley.

— J'étais son pote, on était ses potes Gigi ! Il n'avait que nous. Et Raph n'était pas du genre à trop se mélanger.

— Peut-être un ami d'enfance ou...j'sais pas moi, un cousin alors.

— Un membre de sa famille ! C'est ce que je me suis dit ! La ressemblance était tellement frappante que...

Mon frère se tait et glousse.

— C'est pour ça Margaux ? C'est parce qu'il lui ressemble ?

Je ne saisis pas où il veut en venir, j'ai cessé de lutter. Et lorsque je me retourne vers lui, je fais face à un regard revolver. Empli de dégoût, parsemé de dédain. Bon sang ! À quoi pense-t-il ?
Mon incompréhension face à l'hostilité qui émane de lui est remarquée puisqu'il me déclare:

— Tu devrais avoir honte.

— Honte de quoi ? je m'emporte.

Il quitte si vivement le canapé que j'en sursaute.

Le garçon solitaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant