— La première fois que je l'ai vu, je suis restée bouche bée. J'avais l'impression d'avoir Raph, ou un jumeau de Raph ou une réincarnation de Raph sous les yeux, expliqué-je à mon frère.
Vautré dans mon canapé, décalqué par les deux joints de beuh qu'il vient d'enchaîner, les yeux rouges, Marley m'écoute d'un air interloqué. Comme si tout ceci n'avait aucun sens.
— Tu es bien sûr que c'était lui que tu as vu à...
— Oui ! répond-il vivement.
Il se redresse sur le canapé et éteint son joint dans le cendrier sur la table basse tandis que je finis de découper le melon prévu pour tenter de réduire sa défonce. Il lui faut du sucre. Et du lait, pour absorber le THC de son corps, et de l'eau pour l'éliminer.
— Merci sœurette, fait-il lorsque je lui apporte tout à la table.
Il me baise le crâne dès que je m'installe près de lui, avant d'attaquer ses morceaux de melons. Il cesse soudainement et se lance:
— Ok, c'est ton élève. Il n'y a apparemment rien entre vous, si ce n'est que sa ressemblance avec Raph t'intrigue mais quelque chose ne tourne pas rond dans cette histoire.
Je hoche la tête. J'ai volontairement omis de lui faire part de ma proximité particulière avec Simon et de tout ce qu'il s'est passé depuis que j'enseigne au lycée Molière. Peut-être devrais-je le faire ?
— Le jour de l'enterrement... Je suis tellement anéanti et ne supporte pas que les restes carbonisés de mon meilleur pote soient dans une boite grise en face de moi que je sors de l'église, écœuré, me raconte-t-il la larme à l'œil, mêlons mis de côté. Là, je le vois, ton Simon, à l'entrée de l'église. Il était comme...en retrait, en train d'espionner.
En pleine réflexion, Marley se lève du canapé. Il a comme une illumination.
— Oui c'est ça, il était en train d'espionner la cérémonie en retrait. Et quand il m'a vu me diriger vers la sortie, il m'a discrètement devancé. Quand je suis arrivé dehors, il avait une casquette, ses cheveux dépassaient et il s'allumait une clope, la tête baissée. J'ai eu envie d'une clope alors je lui en ai taxé une. Il n'osait pas me regarder, j'ai pensé que c'était parce qu'il ne voulait pas que je vois son visage en larmes. Je veux dire c'était logique, ça m'arrangeait à moi aussi. Je ne voulais pas qu'il me voit dans cet état là. Ce n'est qu'à la fin, quand il a commencé à partir et qu'il avait oublié de reprendre son briquet que je l'ai interpelé. Il s'est retourné, j'ai alors vu son visage et j'étais tétanisé. C'était son portrait craché. J'ai dégluti en lui tendant son briquet et il a dû sentir le malaise puisqu'il s'est vite empressé de le prendre et il a tracé.
Effarée. C'est ainsi que je qualifierais mon état après le récit de mon frère sur Simon. J'en reste sans voix et presque dans l'incapacité de réfléchir. Tout ce que je parviens à prononcer avec le peu d'énergie qu'il me reste, lui tendant mon téléphone sur lequel figure une photo de Simon, c'est:
— Tu es bien sûr que c'était lui ?
Il jette un regard noir sur mon téléphone.
— Certain.
Ma tête s'écroule en arrière et trouve refuge sur la têtière amovible de mon canapé. Le regard vers le plafond, je revois chaque scène vécue avec Simon ayant éveillé un tourbillon de questionnement en moi.
— Tu vas peut être croire que je délire mais je refuse de croire que ce n'est qu'un hasard si un parfait inconnu, un type lambda, serait non seulement le parfait sosie de Raph, qu'il aurait en plus été à son enterrement puis deviendrait ensuite un de tes élèves.
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Le garçon solitaire
Mystery / ThrillerPersonne ne connaît vraiment Simon Levi, et pour cause, il veut qu'il en soit ainsi. En fait, personne ne cherche vraiment à le connaître. Personne, excepté Margaux Jaspaerd, sa nouvelle professeure de philosophie. Elle, Simon la fascine. Elle, admi...