Ils étudiaient la Seconde Guerre mondiale. Le film que Ben voulait leur montrer ce jour- là était un documentaire sur les atrocités commises par les nazis dans les camps de concentration. Dans la salle plongée dans l'obscurité, les élèves ne quittaient pas l'écran des yeux. Ils voyaient des hommes et des femmes émaciés, tellement affamés qu'ils ressemblaient à des squelettes ambulants. Des gens dont les jambes étaient si maigres que leurs rotules saillaient sous la peau.
Ben avait déjà regardé ce film plusieurs fois, et d'autres du même genre. Mais la vue d'une cruauté si inhumaine, si impitoyable, ne cessait de l'horrifier, de le mettre en colère. Tandis que le film défilait, il s'adressa à ses élèves la voix chargée d'émotion.
« Ce que vous voyez s'est produit en Allemagne entre 1934 et 1945. C'est le fait d'un homme appelé Adolf Hitler, un ancien manœuvre, gardien et peintre en bâtiment qui se lança en politique après la Première Guerre mondiale. L'Allemagne avait perdu cette guerre, sa puissance était au plus bas, l'inflation au plus haut, et des milliers de personnes se retrouvaient sans abri, sans emploi, sans rien à manger.
« Hitler y vit une opportunité de grimper rapidement dans la hiérarchie du parti nazi. Il embrassa la doctrine présentant les Juifs comme les destructeurs de la civilisation et les Allemands comme la race supérieure. De nos jours, nous savons que Hitler était paranoïaque, psychopathe... littéralement fou. En 1924, il fut jeté en prison pour ses activités politiques, ce qui ne l'empêcha pas en 1933 d'arriver à la tête du gouvernement avec son parti. »
Ben s'interrompit un instant pour laisser ses élèves se concentrer sur le documentaire. Il montrait maintenant les chambres à gaz et des piles de cadavres disposés comme des bûches. Les prisonniers squelettiques avaient la macabre tâche d'empiler les morts, sous la surveillance des soldats nazis. Ben sentit son estomac se retourner. Comment était-il possible qu'un individu inflige cela à un autre ?
Il s'adressa de nouveau à ses élèves.
« Les camps de la mort constituaient ce que Hitler appelait "la solution finale à la question juive". Pourtant, les nazis n'y envoyaient pas seulement les Juifs, mais tous ceux qu'ils considéraient indignes d'appartenir à la race supérieure. Les détenus étaient acheminés vers les camps depuis les quatre coins de l'Europe, où ils enduraient travaux forcés, famine et torture. Dès qu'ils devenaient trop faibles pour travailler, ils étaient exterminés dans les chambres à gaz. Leurs dépouilles finissaient ensuite dans des fours crématoires. » Ben marqua une pause, avant d'ajouter : « Dans ces camps, l'espérance de vie des prisonniers était de deux cent soixante-dix jours. Mais beaucoup ne survivaient pas plus d'une semaine. »
À l'écran, on voyait les bâtiments qui abritaient les fours. Ben allait dire aux lycéens que la fumée sortant des cheminées venait de l'incinération des cadavres. Mais il s'abstint. Le film en lui-même constituait une expérience suffisamment terrible Dieu merci, l'homme n'avait pas encore inventé un moyen de diffuser les films en odorama, car le pire aurait été de sentir la puanteur, la puanteur de l'acte le plus odieux jamais commis dans toute l'histoire de l'humanité.
Tandis que le documentaire touchait à sa fin, Ben déclara :
« En tout, les nazis ont assassiné plus de dix millions d'hommes, de femmes et d'enfants dans leurs camps d'extermination. »
Une fois le film terminé, un élève près de la porte ralluma la lumière. En balayant la classe du regard, Ben constata que la majorité des lycéens était ébahie. Il n'avait pas voulu les choquer, mais il savait que le documentaire provoquerait cette réaction. La plupart d'entre eux avaient grandi dans la petite ville de banlieue qui s'étendait paresseusement autour du lycée Gordon. Ils étaient issus de familles bourgeoises stables et, malgré l'omniprésence de la violence dans les médias, ils étaient restés étonnamment naïfs et protégés. Même à cet instant, certains faisaient les imbéciles. Le film, dans toute sa misère et son horreur, ne devait leur sembler qu'un programme télévisé parmi tant d'autres. Assis près des fenêtres, Robert Billings dormait sur son bureau, la tête enfouie dans ses bras croisés. En revanche, au premier rang, Amy Smith essuya une larme. À côté d'elle, Laurie Saunders paraissait, elle aussi, bouleversée.
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La Vague
Historical FictionCela commence par un jeu et fini par une dictature Ici vous trouverez l'histoire de La Vague écrite par Todd Strasser. L'histoire est basé sur une incident qui s'est réellement produit en 1969 en Californie.