Le lendemain matin, dans le bureau du principal, Ben dut sortir son mouchoir pour éponger la sueur qui perlait sur son front. Derrière son bureau, Owens venait de taper du poing sur la table.
« Bon sang, Ben ! Je me fiche bien de votre expérience. J'ai des professeurs qui se plaignent, des parents qui m'appellent toutes les cinq minutes pour savoir ce qui se passe ici, ce qu'on trafique avec leurs gamins ! Vous croyez que moi, je peux leur dire la bouche en cœur que ce n'est qu'une expérience ? Bon Dieu, Ben, vous vous rappelez cet élève de seconde qui s'est fait agresser la semaine dernière ? Son rabbin est venu me voir hier. Cet homme a passé deux ans à Auschwitz ! Vous pensez qu'il en a quelque chose à faire de votre expérience ?
– Monsieur Owens, dit Ben en se redressant dans son fauteuil. Je comprends très bien les pressions qui pèsent sur vous. J'ai conscience que la Vague a été trop loin. Je... » Il laissa sa phrase en suspens le temps de prendre une grande inspiration. « Je me rends compte que j'ai commis une erreur. Un cours d'histoire n'est pas un laboratoire. On ne peut pas se servir d'êtres humains comme de cobayes. Et surtout pas de lycéens qui n'ont pas conscience de faire l'objet d'une expérience. Mais oublions un instant que c'est une erreur, que tout cela a dépassé les bornes. Regardons la situation telle qu'elle est maintenant. Aujourd'hui, plus de deux cents élèves pensent que la Vague est une chose formidable. Il n'est pas trop tard pour qu'ils en retirent un enseignement. Tout ce dont j'ai besoin, c'est que vous me laissiez jusqu'à ce soir, et je pourrai leur donner une leçon qu'ils n'oublieront pas de sitôt. »
Le principal l'observa d'un air sceptique.
« Et entre-temps, qu'est-ce que je suis censé dire aux parents et aux autres professeurs ?»
De nouveau, Ben se tapota le front avec son mouchoir. C'était quitte ou double, il le savait. Mais que pouvait-il faire d'autre ? Il s'était mis dans le pétrin, il fallait qu'il s'en sorte.
« Dites-leur que je leur promets que tout sera fini d'ici à ce soir.
– Et comment comptez-vous procéder, exactement ? » demanda Owens en arquant un sourcil.
Il ne fallut pas longtemps à Ben pour évoquer les grandes lignes de son plan. En face de lui, le principal vida sa pipe et scruta l'objet. Un long silence inconfortable s'ensuivit. Finalement, Owens déclara :
« Ben, je vais être absolument franc avec vous. Cette histoire de Vague a considérablement nui à la réputation de notre établissement et j'en suis très contrarié. Je vous laisse jusqu'à ce soir, Ben. Mais je vous préviens : si cela ne marche pas, je serai dans l'obligation de vous demander votre démission.
– Je comprends. »
Le principal se leva et lui tendit la main.
« J'espère que votre pian fonctionnera, Ben, dit-il d'un ton solennel. Vous êtes unexcellent professeur et nous serions au regret de vous voir partir. »
Une fois dans le couloir, Ben n'eut pas le temps de méditer les paroles de son supérieur. Il devait trouver Alex Cooper et Carl Block, et tout organiser le plus vite possible.
Quand vint l'heure de son cours d'histoire de terminale, il attendit d'avoir toute l'attention de ses élèves avant de prendre la parole.
« J'ai une annonce très spéciale à faire concernant la Vague. Aujourd'hui, à dix- sept heures, se tiendra un meeting dans l'auditorium... réservé aux membres de la Vague. »
Souriant comme pour lui-même, David fit un clin d'œil à Laurie.
« La raison du meeting est la suivante : la Vague n'est pas seulement une expérience de cours d'histoire, mais plus, bien plus que cela. À votre insu, la semaine dernière, partout dans le pays, d'autres professeurs ont commencé à recruter et à entraîner une brigade de lycéens pour montrer à la nation tout entière comment créer une société meilleure.

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La Vague
Fiksi SejarahCela commence par un jeu et fini par une dictature Ici vous trouverez l'histoire de La Vague écrite par Todd Strasser. L'histoire est basé sur une incident qui s'est réellement produit en 1969 en Californie.