Angels Hunters Tome 1 - Emergence

Chapitre 8 - Une vision du passé

Assise sur le rebord de sa fenêtre, Keylhä contemplait une fois de plus le coucher du soleil. En cette fin de journée, le ciel se teintait d'une palette de couleurs toutes plus magnifiques les unes que les autres. Le bleu laissait peu à peu la place à l'orange, au pourpre et au rose qui se mélangeaient parfaitement, comme les notes d'une symphonie. L'air devenait plus frais à mesure que l'humidité de la nuit tombait. La jeune fille frissonna et se frotta les bras pour se réchauffer. Elle entendit la cloche de la cathédrale de la cité sonnée, elle compta le nombre de coups ; dix-neuf. Elle regarda encore une fois les montagnes auréolées de couleurs, puis elle ferma la fenêtre, un peu à contrecœur avant de se diriger vers la salle de bain.

Allongée dans la baignoire, de l'eau fumante jusqu'aux épaules, elle repensa aux évènements de ces dernières semaines ; la mort de ses parents et de sa sœur, la quasi-destruction de son village, les deux hommes qu'elle avait tués. Puis la disparition de Liam, son combat pour sauver Zack, sa blessure. Tout cela lui donnait le tournis. Si les deux premiers jours après son réveil ici elle avait été dans une sorte de brume, il n'avait pas fallu longtemps pour que les horreurs de l'attaque ne lui reviennent toutes en tête.

Lyon avait raison. Le contrecoup avait été violent et elle avait littéralement fait une crise de nerfs, obligeant Sirhüs à intervenir pour la calmer. Elle n'avait pas passé une nuit tranquille depuis son arrivée. Quand la douleur à son épaule ne la tirait pas du sommeil, c'était ses cauchemars qui prenaient le relais. Plusieurs fois, elle s'était réveillée en hurlant, couverte de sueur et tremblante de peur. Ces cris, alarmant systématiquement Lyon ou Angel dont les chambres se trouvaient à côté de la sienne.

Elle voyait sans arrêt des images dans lesquelles les habitants étaient en proie avec les flammes, ensevelis sous les débris, ou suffoquant sous la fumée. Mais, ce qui revenait sans cesse, c'étaient ses parents et Elza courant vers elle, puis le bâtiment exploser. Keylhä avait arrêté de compter le nombre de fois, où la porte de sa chambre s'était ouverte à la volée et où Lyon était entré en trombe alors qu'elle hurlait dans son sommeil. En plus de devoir faire face à tout ça, elle devait aussi se faire à l'idée que, visiblement, elle possédait des pouvoirs dont elle ignorait jusqu'alors l'existence.

La jeune fille ne pouvait pas s'empêcher de repenser à cette force qu'elle avait ressentie dans la ruelle et lors de son affrontement avec la néphilim.

Elle ne comprenait pas pourquoi, mais la sensation lui avait d'abord paru étrangère avant de se transformer en quelque chose d'autre ; quelque chose de familier.

Submergée par le flot de questions qui se jetait contre son crâne, Keylhä poussa un soupir d'exaspération et enfouit sa tête sous l'eau comme pour tenter d'échapper à tous ces problèmes. Elle ouvrit les yeux et regarda le plafond de la salle de bain danser au rythme de l'eau. Ses cheveux, flottant autour d'elle, formaient une masse noire qui se mouvait tels des tentacules. Ainsi immergée, elle sentit les tensions de son corps s'apaiser.

Tout à coup, elle entendit un bruit sourd. Elle émergea, et observa autour d'elle. Quelqu'un frappait à la porte de la salle de bain, et elle leva les yeux au ciel quand elle reconnut la personne qui toquait.

— Qu'est-ce que tu fais ici, espèce de pervers ? demanda-t-elle en soupirant.

— Pervers ? Tu n'exagères pas un peu ?

— Je ne t'ai pas autorisé à entrer dans ma chambre ! hurla la jeune fille en décochant un regard noir vers le panneau en bois.

Celle-ci s'ouvrit subitement et une haute silhouette se dressa dans l'entrebâillement. Keylhä poussa un cri strident.

— Non, mais ça ne va pas ? Sors de là tout de suite !

Une main sur la poignée, Lyon posa immédiatement l'autre sur ses yeux.