25 mai 2020
Je jette mollement ma valise et mon sac de couchage dans le coffre du mini-bus. Mes amies ne sont pas encore arrivées, bien qu'une partie de la promo soit déjà là. Il est sept heures du matin, ce n'est pas une heure humaine pour aller à la fac, mais on ne m'a pas demandé mon avis. Quand j'aurais avalé mon café, je serais déjà de meilleure humeur et surtout : je serai plus réveillée.
D'une main absente, j'ajuste mes lunettes de soleil sur ma tête. Mon sac à dos sur l'épaule et mon thermos à la main, j'avise les gens présents. Un grand jeune homme marche droit sur moi, un air ravi sur le visage. Il passe une main dans sa chevelure brune indomptable. La sangle fluo de son sac jure avec sa tenue aux couleurs sobres. Le bas de son pantalon gris foncé a été retroussé au-dessus de ses chaussures de marche. Il porte le pull vert forêt de notre promotion, tout comme moi. Ses iris bleu sombre me détaillent avec amusement tandis qu'il tend une main vers ma tête.
— Pas encore réveillée ?
Paolo ébouriffe mes cheveux en m'adressant un sourire éclatant. Je repousse sa main en grimaçant. Trop de paroles, pas assez de caféine.
— Non.
— Eléa et Théo sont en retards ?
— Comme d'habitude.Mon ami regarde l'heure et fronce les sourcils. Je sais ce qu'il va dire, il leur reste un quart d'heure pour arriver. Mes deux amies sont caractérisées par leur capacité à être en retard, quelle que soit la situation.
J'observe du coin de l'œil mes professeurs en train de préparer le trajet. Ils ont étalé une carte sur le capot d'un des trois minibus et se mettent d'accord sur les derniers détails. Pendant ce temps, certains étudiants discutent à voix basse. Il est vraiment tôt pour moi. J'aperçois quelques personnes déjà assises dans les bus, en train de se rendormir.
— Nora !
Je me retourne, laisse tomber mon sac au sol et saute dans les bras d'Eléa. Elle me serre contre elle avec force, puis nous nous écartons. La jeune femme a relevé ses cheveux blonds en un chignon lâche. Quelques mèches ont été coincées à la va-vite dans son élastique, et d'autres tombent devant son visage. Ses iris chocolats parcourent mon visage, puis se concentrent sur notre ami. Les deux échangent une bise.
— Bois ton café, ordonne-t-elle en gloussant.
Je lève les yeux au ciel, légèrement agacée même si elle a raison. Quelques secondes plus tard, j'entends la voix de ma troisième amie. Une grande brune, en K-way et pantalon gris arrive dans le petit parking. Elle a attaché ses cheveux en queue de cheval haute comme à son habitude. On échange une courte étreinte puis ses orbes cannelle observent le reste des gens. Elle adresse un regard entendu à quelques personnes, puis se tourne vers nous :
— On monte ?
— I thought you'd never ask.Je pensais que tu le ne demanderais jamais.
— Elle a besoin de son café, souffle Paolo.
Théo pouffe et envoie un coup de coude dans les côtes de notre ami. Puis elle s'approche des professeurs. Ils discutent rapidement et elle choisit le bus de Romain, le doctorant de la troupe. Les deux femmes posent leurs sacs dans le coffre tandis que Paolo tire sur la porte coulissante. Je rentre et m'installe au bout de la rangée, installant le sac entre mes jambes. Puis j'ouvre le thermos et avale du café. Le liquide chaud glisse lentement dans ma gorge tandis que je ferme les yeux.
— T'es vraiment addicte, se moque Eléa en s'installant à côté de moi.
Je lui adresse un regard noir. Elle vient de gâcher mon moment, alors je prends une seconde gorgée. La caféine rejoint mon sang avec douceur, cela me permet de sortir du sommeil une fois pour toutes. Je deviens tout de suite plus alerte.
— On a cinq heures de route ?
Eléa hoche la tête. Paolo s'installe derrière nous et Théo prend la dernière place sur notre rangée. Je souffle en calant mon coude contre la fenêtre. Les longs trajets en voiture n'ont jamais été ce que je préférais, mais si je veux aller sur le terrain, je n'ai pas le choix. Ma cheville me lance, se rappelant douloureusement à ma conscience. J'installe mon pied dans une autre position, pour soulager mon entorse. Mon amie capte mon mouvement du coin de l'œil, et souffle :
— Tu veux que je prenne ton sac pour te laisser plus de place ?
— Non, ça va aller.Elle n'insiste pas, connaissant mon caractère. J'ajuste la position de mon pied en jetant un regard à mon attelle. Ça va être sympa ça.
D'autres personnes rejoignent notre voiture, remplissant les dernières places et Romain s'installe derrière le volant. Il propose à Noélie, une étudiante assise à côté de lui, de mettre de la musique, ce qu'elle accepte. Elle connecte son téléphone en bluetooth au véhicule et du rap commence à résonner dans l'habitacle. Je grimace, on va encore devoir subir la musique des autres. Génial.
Eléa me donne un petit coup de coude et me tend un écouteur. Je souris et l'accepte. Les notes d'une chanson pop surpassent le son de notre camarade, ce qui me détend.
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Affleurement¹ : zone où les roches affleurent, ça veut dire sont visibles à la surface de la Terre
Lithologie² : nature des roches, ça veut dire quel type de roche (ex : granite, marbre, calcaire, etc.)
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La Force de la Nature [PUBLIÉ CHEZ Hlab]
Hombres Lobo« On ne peut pas s'éloigner de soi-même. » Aliénor « Nora » Beauchamps, jeune étudiante en géologie, part pour deux semaines d'expédition dans les Alpes provençales. Le voyage d'études de la jeune femme et le secret qu'elle abrite se trouvent bou...