25 mai 2020
La soirée est bien animée et j'ai beaucoup bu. Mais le besoin de sortir fumer une cigarette se fait ressentir. Alors je préviens mes amies et rejoins l'extérieur non sans peine, puisque ma démarche est chaloupée. Toutefois, je ne m'en inquiète pas. Il n'y a personne dans ce trou paumé et, j'ai le droit de vivre.
Mes pensées sont confuses et contrairement à mon habitude, un sourire est accroché à mes lèvres. Ces parties de loup-garous et ces jeux d'alcools étaient agréables.
Je pousse sur la porte et l'air frais de la nuit s'engouffre dans mes poumons. Il y a une petite terrasse avec une fenêtre et un banc à côté. Des chaises en plastiques et des tables ont été repoussées contre le mur, derrière le banc. Je n'ai pas envie d'aller très loin alors je reste à côté de la porte.
D'une main maladroite, je cherche mon paquet de clopes dans ma poche, ainsi que mon briquet. Puis je pose ma bouteille de bière sur le rebord de la fenêtre. Mon dos trouve un appui stable contre le mur tandis que je coince l'objet de mon désir entre mes lèvres. Malgré l'alcool qui embrume mon esprit, je parviens à allumer cette cigarette et savoures silencieusement cette première bouffée.
Mes yeux se ferment à moitié tandis que j'expire avec lenteur. C'est fou ce que ça fait du bien...
— Non seulement t'es bourrée, mais en plus tu fumes.
J'ouvre les yeux en vitesse et cherche la provenance de cette voix, mais je ne trouve rien. Il fait nuit noir et même si j'ai repéré un peu les lieux de jour, je suis bien incapable de situer les minibus ou la forêt autour de moi. Les bienfaits de l'alcool. Le geste brusque manque de me faire perdre l'équilibre, mais ma main s'appuie contre le mur pour me stabiliser. Est-ce que je viens de rêver ?
— Pathétique.
Le ton dégouline de dégoût alors que je continue à chercher son propriétaire. Et, enfin, je croise un regard cuivré dans la pénombre, tirant sur le vert à l'extérieur des iris. Mon esprit s'embrume. Mon corps se fige. Qui es-tu ?
Ma confusion doit se lire sur mon visage, parce que l'abruti sourit en coin. Mais c'est une expression narquoise, dédaigneuse, pas bienveillante ou amusée, comme celles de Paolo. Lui, il me témoigne son mépris. J'attrape ma cigarette entre mes doigts, malheureusement ce simple geste est vacillant. J'expire et inspire de nouveau de la fumée. Peut-être que mon esprit me joue des tours.
L'odeur épicée du jeune homme enivre mes neurones, se mélange savamment à l'alcool et fait tourner ma tête. Il s'approche, je recule mais le mur me bloque. La porte est à deux pas, toutefois mon esprit n'est pas suffisamment fonctionnel pour le comprendre. Un gouffre me sépare de la sécurité de l'auberge.
Il s'avance dans la lumière de la terrasse, les mains nonchalamment plongées dans les poches de son jean noir. Ses bras musclés, recouverts de tatouages ne frissonnent pas au contact du vent. Ses cheveux bruns sont presque mi-longs, en partie plaqués en arrière. Son regard envoûtant me cloue au sol et me sonde à la fois. Il porte un t-shirt noir qui moule parfaitement son torse, laissant deviner des abdos bien dessinés. Mes yeux suivent la ligne de sa mâchoire carrée pour rejoindre ses lèvres charnues et se perdent dans ses iris troublants.
— Qu'est-ce que tu fous là ? demande-t-il d'une voix dure.
Le fil de mes pensées se trouble. Si c'est encore possible.
— Ah je vois, tu es une louve sans meute ? ricane-t-il. Tu sais le risque tu nous fais courir en te baladant avec des humains toute la sainte journée ?
Ses iris quittent les miennes pour me reluquer de haut en bas. Étant en partie libérée de son regard acéré, je souffle et la pression sur mes épaules se relâche. Mon corps était paralysé par son aura magnétique et j'avais arrêté de respirer. Malgré mon soulagement, je sens son regard brûlant parcourir mes vêtements, observer les moindres plis de tissus et analyser tout ce qu'il voit. Mes muscles se crispent à chaque passage. Bien trop vite à mon goût, il recommence à me fixer dans les yeux.
— Tu es blessée ? C'est quoi ? Une entorse ?
Il se moque ouvertement de moi, rit en continuant de s'approcher. L'espace entre nos deux corps est bientôt réduit à cinquante pauvres centimètres. Ma respiration se bloque dans ma gorge. Je me sens écrasée par sa présence menaçante et l'alcool dans mon sang n'arrange rien à cette situation. La chaleur qui émane de son corps pourrait me rassurer s'il ne me faisait pas me sentir autant en danger. Mes dents mordent l'intérieur de ma joue, dans un geste presque désespéré pour garder mon sang-froid. Il me prend la cigarette des mains, tire dessus, puis l'écrase dans le cendrier à côté de moi.
— Tu n'es pas capable de te transformer, n'est-ce pas ?
Le jeune homme souffle sa fumée à mon visage, me faisant tousser au passage. Mon silence est peut-être éloquent pour lui, parce qu'une étincelle de mépris passe dans son regard. Mais la vérité est que j'ai perdu ma capacité à parler. Ma bouche refuse de m'obéir.
— Quoiqu'il en soit, tu n'as rien à faire sur mon territoire. On ne veut pas de louve ici, encore moins qui rejette leurs origines au point d'en perdre leurs capacités garous.
VOUS LISEZ
La Force de la Nature [PUBLIÉ CHEZ Hlab]
Werewolf« On ne peut pas s'éloigner de soi-même. » Aliénor « Nora » Beauchamps, jeune étudiante en géologie, part pour deux semaines d'expédition dans les Alpes provençales. Le voyage d'études de la jeune femme et le secret qu'elle abrite se trouvent bou...