Plusieurs réalités

Armin et Annie: Trop bien pour être ici

"Tu es une bonne personne, Armin."

Se rappelait-il, assis seul sur la pierre froide.

"Toi aussi, crois-moi. Tu peux l'être, je sais que tu peux l'être."

Lui avait-il assuré.

"Tu ne me connais pas, tu ne sais rien de moi. Je ne suis pas une bonne personne."

À l'époque il n'avait pas compris ce qu'elle avait voulu dire par là, mais maintenant il le savait. Lentement il leva la tête vers le cocon de cristal qui reposait là, chaque jour de la semaine depuis plusieurs années. Il se leva et s'en approcha, posant sa main sur le cristal glacé. Il vivait désormais dans le passé, accompagné de ses souvenirs et de ses regrets. Souvenirs de Bertolt ou les siens? Il s'en fichait. Chaque fois qu'il se réveillait, il sentait un poids sur ses épaules. Un poids accablant qui l'isolait des autres, lui faisant se sentir désespérément abandonné.

"Ne savais-je réellement rien sur toi? Dis, as-tu été fausse tout du long, avec moi? N'y a-t-il pas eu un seul instant, une seule fraction de seconde où tu as été sincère?"

À chacune de ses questions, d'autres souvenirs lui revenaient, se jouant dans sa tête comme des portions de films dont la bande aurait été rayée.

"C'est à propos du monde extérieur, regarde. Mon grand-père me l'a laissé avant de partir.

- Un livre sur l'extérieur? Mais à quoi peut bien te servir une telle bricole? C'est interdit d'en avoir, en plus.

- Mais le savoir, pardi! Lis un peu, regarde les images, imagine ce qu'il raconte, ce livre. Le monde a l'air si vaste, dehors...

- L'extérieur te fascine-t-il autant?"

Armin avait souri en hochant vivement la tête.

"Depuis toujours je n'attends que cela. Voir cet horizon, tous ces endroits à explorer, goûter cette eau salée... Mais tu le gardes pour toi, n'est-ce pas?

- ... Promis. Maintenant cache le bouquin, avant que quelqu'un d'autre ne le voit."

Pendant qu'il cachait le livre, Annie lui avait posé quelques dernières questions.

"L'as-tu montré à beaucoup de monde?

- À Eren, à Mikasa, et à toi.

- Qui sont-ils, pour toi?

- Des amis. Proches.

- Et moi? Qui suis-je, à tes yeux?

- ... Tu es..."

Il avait hésité, et lorsqu'il allait le dire, la cloche de regroupement avait sonné, et ils avaient dû partir. Il comptait aller la voir dans les brigades spéciales, au retour de sa première expédition, mais... La dernière fois où il l'avait revue, c'était après avoir appris qu'elle était le titan féminin, et qu'il fallait la piéger pour l'enfermer.

Bon nombre de fois, il s'était retrouvé à espionner les environs du centre des brigades, hésitant à tout avouer à Annie pour qu'elle s'enfuit, comme si... Il espérait tout au fond de lui que ce n'était qu'un coup monté contre elle, qu'il s'était trompé, et qu'elle n'était là que par hasard. Mais il n'y avait aucun coup monté. Et Annie était bel et bien le titan féminin. Et à présent elle était là, dans ce cocon de cristal, dans le sous-sol d'une base militaire.

"Tu viens souvent me parler, toi.

- ..."

Il avait rougi, ne sachant pas exactement quoi dire. C'était après le repas, lorsque tout le monde avait quitté le réfectoire.

"C'est parce que tu es tout le temps seule, alors... Je me suis dit que je pouvais te tenir compagnie.

- Tu ressens de la pitié, pour moi?

- P-pas du tout!

- Sache que je ne t'ai rien demandé.

- Je sais.

- Alors de quoi veux-tu me parler, aujourd'hui?"

Elle avait posé sa mâchoire dans sa main, prête à écouter. Il avait sorti le plan d'un nouvel appareil tridimensionnel. C'était un plan qu'il avait dessiné lui même, voulant simplifier davantage les commandes et permettre à l'équipement de stocker plus de gaz.

"C'est... Assez travaillé."

Avait-elle dit après une demie heure d'explications d'Armin. Bien sûr, de sa part à elle, cela voulait dire énormément, et Armin s'était couché le sourire aux lèvres.

"Bon... À demain."

Il tourna les talons et monta une à une les marches de l'escalier, sachant très bien que le lendemain... Rien n'aurait changé.