3

17 4 0
                                    






J'arrive dans la salle et la voit assise sur son bureau, avec un béret sur la tête. On ne peut être plus dans le cliché.


- « Bonjour Amira, rentre » me dit-elle en français avec un très fort accent.


Je me contente d'hocher la tête et part m'asseoir à ma place. Quelques minutes plus tard, la professeure ferme la porte de la classe et commence son cours. Elle commence à introduire son cours, avec des fautes grammaticales abjectes bien sûr, en nous parlant du livre sur lequel nous allons travailler.


- « Qui peut me dire qui a écrit le livre "Les Misérables" ? » demande-t-elle aux élèves, avec son éternel accent et son sourire béat.

- « C'est une comédie musicale "Les Misérables" non ? » demande une des filles de la classe.


La classe se met à rigoler, tandis que la professeure repose la question. Je lève les yeux au ciel et me met à écrire dans mon cahier les informations concernant Victor Hugo. Quand j'ai choisi l'option Français, je ne m'attendais pas à ce que le niveau soit aussi bas. Vous l'avez sûrement deviné, je parle français couramment. Je suis née en France et j'ai grandi là bas, j'ai ensuite déménagé aux Etats-Unis il y a dix ans de cela maintenant.

Le temps passe, et la professeure se met à nous lire la quatrième de couverture du livre qu'elle a entre les mains, et pour une française comme moi, c'est un calvaire que d'écouter une personne qui inverse le féminin et le masculin. Personne au lycée ne sait que je suis bilingue, ce n'est pas une information que j'ai jugé nécessaire de divulguer. Après avoir massacré la langue française, elle se met à me regarder avec insistance. Elle a dû remarquer mes mimiques.


- « Il y a un problème Amira ? » me dit-elle cette fois ci en anglais.

- « Pourquoi ? »

- « Je vous vois depuis tout à l'heure vous savez, si vous pensez que vous parlez mieux français que moi, prouvez le moi. » me dit-elle en me tendant le livre.



Tout le monde se met à nous regarder, je déteste attirer l'attention sur moi. Les deux filles qui m'ont insulté me regarde en rigolant, tandis que les autres se mettent à chuchoter entre eux. D'un coup, je croise le regard de la fille de tout à l'heure, qui me lance un sourire qui se veut encourageant. Je ne sais pas pourquoi, mais à cet instant, lorsque j'ai croisé son regard, j'ai eu l'impression d'être soutenue, pour la première fois depuis que je suis arrivée dans ce lycée. C'est donc sous les regards ahuris des élèves et de la professeure que je me lève et me dirige vers elle, je prends le livre et me met à le regarder.

Je me met à regarder les élèves qui me regarde sans trop comprendre, tandis que la fille me fixe avec ce même sourire, en se balançant sur sa chaise. Je prend une grande inspiration, et me met à lire la troisième de couverture avec un français qui se veut irréprochable. J'entends les murmures des autres, mais je ne m'arrête pas, et continue à lire le texte jusqu'à la fin. Après avoir terminé, je me tourne vers la professeure qui me regarde avec des gros yeux, je pose le livre sur la table et lui chuchote en français :


- « Je suis née en France, et votre béret est insultant. » lui dis-je avant de retourner à ma place sans me préoccuper des regards autour de moi.


Je m'assois, et les regards sont toujours tournés vers moi. Je crois celui de la fille de tout à l'heure, qui elle rigole doucement. La professeure enlève son béret, prends quelques secondes pour reprendre ses esprits et continue son cours.

L'heure passe rapidement, et la cloche du midi retentit dans tout le lycée. Comme d'habitude, les élèves s'empressent de ranger leur affaire alors que la professeure n'a même pas encore terminé ses explications. Quel manque de politesse.

Je range mes affaires, mais au lieu de remettre mes écouteurs, je me dirige vers la professeure pour lui présenter mes excuses. Je n'aurais pas dû lui tenir tête de la sorte, même si elle le méritais.


- « Madame je peux vous parler ? » demandé-je à la professeure qui effaçait le tableau.

- « Je voulais te parler aussi Amira, assis toi. » me dit-elle en français en me montrant la chaise devant son bureau.


Je tire la chaise vers moi et m'assoit dessus. Elle part fermer la porte de la salle et s'assoit à son bureau à son tour, en me souriant. Au moment où j'allais présenter mes excuses, elle lève sa main et me fait signe de me taire.


- « Je sais ce que tu veux faire, tu veux t'excuser, j'ai raison ? »

- « Oui. »

- Tu n'as pas à t'excuser. C'est plutôt moi qui te doit des excuses, je n'aurais pas dû faire cela.

- Ce n'est pas grave.

- Tu es très doué Amira, de tous les étudiants de dernière année, tu es celle qui a le plus de capacité : tu as une note moyenne excellente, tu es bilingue en plus... as-tu commencé à réfléchir concernant ton orientation ?

- Il y a l'université de la région, je pense m'y inscrire.

- Amira. Tu as un potentiel énorme, ne va pas te gâcher dans cette petite université. J'ai entendu dire que certaines grandes universités en France accueillent des étudiants internationaux. Tu devrais y jeter un oeil.

- Oh... j'y réfléchirai.

- Tiens, voici des brochures qui pourrais t'éclairer.


Elle me tends trois brochures d'université française, situé à Paris. Je les regarde rapidement puis reporte mon attention sur la professeure, qui me regarde toujours en souriant.


- Merci madame.


Je les prend et les fourre dans mon sac sans chercher à comprendre. Je me lève et me dirige vers la porte.


- Amira ? me dit la professeure avant que je quitte la salle. Je me retourne et la regarde, en attendant qu'elle me dise ce qu'elle me veut encore.

- Promet moi de les lire.

- J'essaierai. dis-je en me forçant à sourire.


Je sors de la salle et me met à marcher dans les couloirs. Je prends mes écouteurs, les met à mes oreilles et part en direction de l'endroit où je mange le midi. 

Seule, bien sûr.

Everything is written.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant