Tout combattre par le rire, telle était leur devise. Mais maintenant, au milieu des retrouvailles, des effusions de joie, il sentait qu'il ne rirait plus jamais de sa vie. Pas sans lui. Il n'osait pas poser ses yeux sur son corps sans vie. Pas encore. Pourtant il était là, allongé comme s'il dormait. D'un sommeil dont il ne se réveillerait jamais. Adossé à la pierre froide de la grande salle, il contemplait tristement le plafond enchanté. Une larme solitaire dévala sa joue pâle, et il se leva précipitamment. Il avait besoin d'air, il ne pouvait pas rester ici. Il passa devant des dizaines de familles qui pleuraient leurs morts, mais aussi d'autres qui se retrouvaient dans les cris de joie, et faillit percuter quelqu'un alors qu'il se ruait hors de la salle.
- Excusez-moi, dit-il rapidement en levant les yeux vers celui qu'il avait dérangé.
Ces cheveux pâles, ces yeux aciers. Il ne les connaissait que trop bien, et ce n'était pas pour lui faire plaisir. Il retint cependant la cague de rage qui menaçait de le submerger à tout instant, et s'écarta d'un pas vif. Il se retrouva sur le pont de bois avant même de réaliser où il allait, et ce fut trop pour lui. Tant de souvenirs lui revenaient, tant d'émotions étaient libérées dans son cœur. Il se noyait sous la vague. Un torrent de larmes coulait sans s'arrêter alors qu'il se laissait tomber à genoux sur le bois abîmé par les éléments. Une écharde s'enfonça dans sa main gauche, mais il n'y faisait pas attention. Il poussa un long cri, une plainte déchirante qui fit s'envoler les oiseaux dans le soleil levant. Comment un nouveau jour pouvait recommencer sans lui ? Comment la vie pouvait-elle continuer sans lui ? Que des questions sans réponse qui venaient s'ajouter au vide qui se creusait dans sa poitrine.
Fred. Penser son nom était comme recevoir un coup de couteau en plein cœur. Il n'osait même pas le dire à haute voix. Il ne comprenait même pas comment tout cela avait pu arriver. Tout s'était passé si vite, comme si ce n'était pas réel. Pourtant, il avait bien aperçu le corps sans vie aux cheveux flamboyants dans la grande salle. Son visage était figé dans un sourire qui resterait pour l'éternité. Celui d'une blague qui ne connaîtrait jamais de chute. Car c'était lui qui avait chuté. Son frère jumeau. Son âme-sœur. Sa moitié. Et il avait laissé George derrière, désespéré et seul, sans personne pour l'aider à se relever. Oui, il y avait encore le reste de sa famille, et il devait être heureux de les savoir en vie. Mais il n'y arrivait pas. Plus la moindre étincelle de bonheur n'atteignait son cœur qui semblait être mort en même temps que son jumeau. Tout ce qu'il ressentait était un immense chagrin, sur lequel il n'arrivait pas à mettre de mots. C'était tout simplement trop. Ses cris et ses larmes n'y changeaient rien. Rien ne pourrait y changer, il en était convaincu. Paradoxalement, son absence était trop présente, tout, partout et tout le temps, lui rappelait son frère. Il ne voulait même pas l'oublier. Il préférait mille fois vivre une éternité avec cette douleur, cette constante sensation de vide que d'oublier.
Comment peut-on vouloir oublier son âme sœur ? Lui tourner le dos ainsi, sans raison ? C'était impensable. Et même s'il le voulait, il n'en aurait pas la force. Non, il devrait se relever, sortir de l'ombre de Fred et continuer ce qu'ils avaient commencé. C'est ce qu'il aurait voulu. Les jumeaux n'avaient jamais évoqué leur mort, avant. Il y avait comme une conviction, un non-dit, qu'ils allaient mourir ensemble. Qu'ils feraient tout ensemble. Qu'ils resteraient ensemble de leur naissance jusqu'à leur mort, et qu'ils passeraient dans l'au-delà ensemble. Jamais ils n'auraient pu imaginer cette séparation. Elle était bien trop douloureuse, bien trop cruelle pour qu'ils ne fassent que l'évoquer. Et maintenant, ils étaient là.
Un sur terre, seul avec sa douleur, ayant pour mission d'enterrer son jumeau et de continuer à vivre pour deux. Un de l'autre côté, veillant sûrement de là-bas sur sa famille, attendant patiemment son frère aux côtés de tous ceux qui étaient déjà partis. Sirius, Lupin, Tonks ... La vie était bien injuste, pensa-t-il amèrement en se relevant doucement.
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Aimer pour mieux détruire
FanfictionTome 2 de Haïr pour mieux aimer, terminé ! La guerre. Il y a des morts, il y a des larmes. Mais il y a aussi la joie de la victoire, le soulagement de la fin. Et alors, on apprend à se relever, ensemble et plus fort. On continue d'avancer, sans trop...