Chapitre 24 : Un père

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Cette cave, son odeur et son humidité ne rappelaient rien de bon à Harry. Enfermé ici avec son filleul, il faisait tout pour ne pas se laisser submerger par les souvenirs qui affluaient malgré lui. Il voyait tout, sans exception. Les cris de douleur d'Hermione étaient comme figés à l'intérieur même des murs, comme résonnant pour l'éternité dans la pierre. Les odeurs et les bruits du passé se mêlaient à ceux du présent, laissant l'élu confus. Dès qu'il fermait les yeux, il voyait la scène se dérouler derrière ses paupières. L'arrivée de Dobby et ses grands yeux innocents, prêts à tout pour aider son ami. La résignation et la terreur profonde au fond du regard d'Ollivander. Le voile qui avait chassé le rêve des pupilles de Luna, qui avait définitivement changé quelque chose en elle. La douleur de l'impuissance qu'il lisait dans toutes les mimiques de Ron, et puis leur arrivée en haut, en passant par la mort de Peter. Les larmes d'Hermione, le sourire maléfique de Bellatrix, Et ce couteau en argent qui fonçait droit sur eux. La petite main de Dobby dans la sienne, qui donnait des dernières forces pour les conduire en lieu sûr. Le sentiment de ses petits doigts qui s'échappaient alors que la vie quittait son corps.
Une main comparable à celle de Teddy. Une petite main, comme celle d'un enfant, qui s'accroche à une présence amie. Mais cette fois-ci, les rôles s'étaient inversés. Harry ne serait plus aidé par quelqu'un d'autre, il devait les sauver tous les deux. Malheureusement pour lui, ils avaient pensé à lui prendre sa baguette, il était donc impuissant.
Les cheveux de Teddy, d'ordinaire d'un bleu si éclatant, avaient viré au grisâtre, comme un caméléon cherchant à s'adapter au milieu. Il tremblait de froid et de peur et Harry le prit au creux de ses bras. Ils allaient s'en sortir, il n'y avait pas d'autre choix possible. Il ne pouvait pas faire souffrir encore plus un innocent ainsi.
La froid engourdissait les membres du sorcier. Il se transforma dans sa forme canine, bénissant encore une fois Pansy pour son projet d'Animagus, et se roula en boule autour de Teddy qui enfonça sa tête dans la fourrure noire de l'animal. Le petit garçon s'endormit mais pas Harry, qui était bien trop alerte et méfiant pour baisser autant sa concentration. Son cerveau fonctionnait à mille à l'heure.
Pourquoi Pansy s'était-elle retournée contre eux ainsi ? Était-ce encore un de ses plans miraculeux, ou bien s'était-elle réellement rangée du côté de Lucius ? Et Drago ...? Rien que le fait de penser au sorcier blond procurait un douloureux pincement au coeur à Harry. Il n'y avait aucun doute, c'était bien Drago, et personne d'autre, qui lui avait lancé ce sortilège. C'était bien Drago, et personne d'autre, qui était à l'origine de cet affreux mal de crâne, mais surtout mal de coeur.
Harry avec peur de s'être fait avoir. D'avoir perdu définitivement Drago. Il n'imaginait plus sa vie sans lui, désormais. Dès leur première rencontre, ils avaient été le jour et la nuit, les deux faces d'une même pièce. Derrière toutes ces moqueries, toute cette méchanceté, il y avait toujours ce même aimant qui les rapprochait. Et quand ils avaient réussi à se comprendre, à se libérer définitivement de ce qui les séparait, ils s'étaient mis ensemble. Et ils vivaient ensemble depuis plus de deux ans. Ils s'occupaient de Teddy ensemble comme une famille. Et maintenant, Drago le trahissait ?
Avait-il décidé de retrouver son père et sa mère, au détriment de leur relation ? Ou bien s'était-il moqué de cette prétendue relation tout du long ? Aussi mal que cette idée pouvait faire, elle faisait son bout de chemin dans l'esprit du Gryffondor. Tous ces moments qui étaient gravés dans sa mémoire, il les remettait en question. Avait-il été trompé ? Ce ne serait pas la première fois. Totalement perdu et désemparé face à ses propres pensées, il souhaitait uniquement pouvoir parler à Drago. Pouvoir lui faire confiance à nouveau sur ce point. Comprendre.
C'était tout ce qu'il demandait.
- Harry ?
Dans le noir, il ne vit personne mais il reconnut sans peine la voix de Luna. Elle devait être encore sous la cape d'invisibilité.
- Je les ai prévenus, chuchota-t-elle par derrière la porte. Hermione, Ron, tout le monde, il viennent vous aider. Je ne peux pas rester.
- Attends ! Répondit Harry un peu fort, puis il continua en baissant la voix. Pourquoi tu ne peux pas rester ? Tu as la cape d'invisibilité !
Teddy remua. Il avait dû remarquer qu'Harry n'était plus sous sa forme de chien, mais il avait besoin de pouvoir parler à son amie.
- Drago a besoin de moi ...
- Drago, pourquoi diable Dra ...
Harry commençait à élever la voix, mais des bruits de pas à l'étage l'interrompirent.
- Je vais devoir y aller. Tu n'es pas le seul prisonnier ici, Harry. Je reviendrai vous voir ...
Et avec l'agilité d'un chat, elle se faufila dans les escaliers sans un bruit, passant par la porte ouverte en haut. Harry ne comprenait pas ce qu'elle avait dit. Il n'était pas le seul prisonnier ? Si Luna avait prévenu tout le monde du square Grimaud, c'est qu'ils n'étaient pas encore captifs des Malefoy. Ce n'étaient donc pas eux. Seuls les noms de Pansy et Drago venaient à son esprit, et une vague d'espoir le traversa. S'ils étaient prisonniers, ils étaient encore du camp d'Harry. Mais en très mauvaise posture.
Il jeta un coup d'oeil à Teddy, profondément endormi.
- Les renforts arrivent. Chuchota-t-il plus pour lui-même que pour son filleul. On va te sortir de là, c'est promis.
- Quelle ferveur à sauver ta famille, Potter. C'en est presque touchant.
Lucius se tenait dans l'encadrement de la porte, baguette à la main, un sourire méchant ancré sur ses lèvres.
- Libèrez Teddy. Gronda Harry en se mettant sur ses pieds, entre le petit garçon et le sorcier.
- Sinon quoi ? Tu vas me lancer un petit expelliarmus ? Mais je ne suis pas Lord Voldemort, ta mère ne pourra plus te sauver sur ce coup-là. Eh bien, approche, il faut bien que tu montres que ce n'était pas que de la chance, tous ces exploits.
Il avait craché ces derniers mots avec dédain, et Harry commençait à perdre patience. Mais il devait garder son calme, il n'était pas en position de faire quoique ce soit. Il se mit à parler, gagnant du temps et cherchant une ouverture du coin de l'œil. Il avait une forme d'Animagus suffisamment puissante pour maîtriser Lucius, mais il devait agir avant que le sorcier aux longs cheveux blonds ne puisse lui lancer un sort.
- Je ne comprends pas pourquoi vous faites ça.
- Pourquoi je fais quoi ? Répliqua Lucius avec sarcasme, sans réussir à masquer la lueur de la curiosité qui venait de s'allumer dans ses yeux gris.
- Pourquoi vous vous attaquez à une de choses les plus chères à votre fils.
- Ted Lupin ? Cher à Drago ? Tu mens très mal, Potter.
Malgré toute sa volonté, il perdait en assurance. C'était là sa faiblesse, ce que l'élu devait exploiter. Lucius voulait récupérer son fils coûte que coûte. Mais il réalisait bien qu'il je connaissait plus si bien la chair de sa chair qu'avant. Et certaines phrases d'Harry ne pouvaient être remises en doute si facilement.
- Observez-le un peu mieux et vous verrez. Mais s'il est venu avec moi, c'était pour le récupérer.
- Non ! S'écria l'ancien Mangemort. Non ! Il est revenu nous voir, et encore une fois il a fallu que tu t'en mêles et que tu viennes aussi. Il est où cet amour si beau que tu veux nous faire voir ? Et où est Drago ? Certainement pas à tes côtés, je ne le vois nulle part.
Maintenant, Harry comprenait les mots de Luna. Il savait pourquoi Drago avait besoin d'elle. Et il ne doutait plus une seule seconde en son petit ami.
- Il n'est pas à mes côtés parce qu'il n'a pas le droit de l'être. Et vous avez trop peur qu'il me rejoigne, donc vous le retienez de son côté aussi. Mais quel père ferait souffrir ainsi son fils ?
- Je ne le fais pas souffrir !
Lucius était hors de lui. Son visage avait pris plusieurs teintes de rouge, alors que ses doigts serraient si fort sa baguette que ses phalanges en étaient devenues blanches.
- Alors pourquoi faites vous tout ça ? Au nom de quoi privez vous votre propre fils de toutes ses libertés, au nom de quoi vous détruisez la vie qu'il a mis tant de mal et de temps à construire ?
- Ne parle pas de quelque chose que tu ne connais pas, Potter.
- Qu'est-ce que je ne connais pas ?
- Comment un père aime son fils !
Les deux hommes restèrent quelques instants à se jauger en silence. Lucius, poussé à bout, respirait bruyamment. Derrière Harry, Teddy n'osait pas faire un bruit, ne prenant pas plus de place qu'une souris.
- Ce n'est pas ça, l'amour d'un père. Répondit le Gryffondor en baissant la voix.
- Mais comment veux-tu le savoir ? Tu n'en as pas eu !
- Si, j'en ai eu plus d'un, même. Sirius, Remus, Albus, Arthur et Hagrid étaient tous des pères pour moi. Et ça, on ne pourra pas me l'enlever. Et Teddy est comme mon propre fils.
- Comme ton propre fils, mais il ne l'est pas ! C'est ça que tu ne comprends pas, et que tu ne peux pas comprendre ! Car tu n'as jamais connu ça en vrai !
- Je crois bien que ce n'est pas moi qui ai un problème de compréhension ici. Un père, ce n'est pas juste une histoire génétique. C'est une figure qui nous soutient et qui nous supporte dans tous nos choix sans exception, qui nous aime sans conditions, et qui ne veut que le meilleur pour nous. C'est quelqu'un qui transmet une partie de son éducation, même s'il n'a pas transmis une partie de sa génétique.
- Tu as tort.
Il n'y avait plus rien d'assuré dans la voix de Lucius. Il tremblait de rage, de peur, de frustration. Ce qu'avait dit Harry semblait l'avoir touché au plus profond de lui même, mais il ne semblait pas prêt à l'avouer, ni à tenter de réparer ses torts. Ce qu'Harry avait dit, il le pensait réellement. Tout ce qu'il venait de citer, c'étaient les différences entre son oncle et tous ces autres sorciers formidables qui l'avaient accepté sous leur aile. C'était ce qui l'avait rendu un peu moins orphelin et un peu moins solitaire. Et il leur devait tout. Il aurait aimé faire comprendre ça à Lucius, pour Drago. Car tout ce qu'il faisait, c'était pour Drago, et uniquement pour lui. Il voulait tenter de sauver une relation déjà éteinte depuis longtemps, et redonner une famille à son petit ami. Mais certaines personnes étaient définitivement pourries, et Lucius en faisait partie. Il n'y avait aucun espoir à ce niveau-là, il avait tenté mais encore une fois échoué.
- Tu ne comprendras jamais ce que c'est de se faire renier par son propre fils. Conclut Lucius d'une voix dure, pleine de douleur.
Et il partit ainsi, faisant claquer la porte de la cave derrière lui, ramenant l'obscurité dans la pièce. Harry entendit distinctement le gémissement de peur de son filleul et se précipita vers lui.
- Tout va bien se passer. Lui assure-t-il en s'agenouillant à côté de lui. Je te le promets.
Et il se transforma à nouveau en chien, offrant à l'enfant un petit abri au milieu de ses longs poils noirs. Encore une fois, il décida de rester éveillé et utilisa ses sens canins plus développés pour écouter les bruits de la maison.

Aimer pour mieux détruireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant