Chapitre 7 : Lettre surprise

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La bouteille tinta contre le comptoir sombre de la tête de sanglier, brisant le silence de la pièce.

- Fais attention petit, grommela le barman qui essuyait ses verres avec un torchon à l'air sale.

George marmonna une excuse sans lever les yeux et but deux bonnes gorgées à même la bouteille. Le whisky pur-feu enflamma sa gorge quelques instants, et il baissa les paupières pour en profiter. Les effets de l'alcool commençaient à se faire sentir, mais ce n'était toujours pas assez. Malgré la sensation de flottement qui venait avec le liquide ambré, il n'arrivait pas à libérer son cœur et son esprit de ce fardeau pourtant si lourd et si dur à porter.

- L'alcool ne changera rien, fiston.

Aberforth tira le tabouret à sa gauche et s'installa dans un grognement en se plaignant de son âge. Il attrapa la bouteille de Whisky des mains du roux, qui protesta vivement.

- Ne te fais pas plus de mal qu'il ne t'en fait, ça ne sert à rien.

- Personne ne me fait de mal ! s'exclama George, déjà un peu ébréché. Ju ... Juste vous et ...

Mais déjà le vieil homme le prenait par le bras et le tirait hors du bar, jusque dans la rue de Pré-au-Lard. Il ferma soigneusement la lourde porte en bois derrière eux, et prit la direction de la rue principale, traînant son cadet sans tendresse. Il ne s'arrêta de marcher qu'une fois arrivé devant l'enseigne indiquant « Weasley, Farces et attrapes pour sorciers facétieux ».

- Je ... pas à la maison ...

George avait de plus en plus de mal à aligner ses mots. Il avait peut-être trop bu, tout compte fait. Mais il voulait encore plus, ce n'était pas assez ! Il avait encore bien trop mal, pourquoi Aberforth ne voulait-il pas lui rendre sa bouteille ? Il avait payé pour, non ? Il se laissa tomber sur le banc contre la vitrine et manqua de passer de l'autre côté en perdant l'équilibre. Il n'arrivait pas à réfléchir correctement, comme si un grand brouillard s'était installé dans son esprit. Le vieux sorcier resserra les pans de sa cape et s'assit à nouveau à ses côtés. Il ne resta pas silencieux très longtemps.

- Je ne l'ai pas oubliée. J'ai bu, au début, mais ça ne faisait rien, ça ne changeait rien. Je me suis dit que la douleur allait s'atténuer au fil des années, mais non. Elle est toujours là, aussi brûlante qu'au premier jour. Et je sais que ... qu'Albus en a souffert aussi. Jusqu'au bout.

A cause de l'alcool, ou pas, George ne fit aucun effort pour retenir la longue plainte qui lui brûlait les lèvres. S'il ne pensait pas toujours très clairement, il avait parfaitement compris ce que lui avait dit le patron de la tête de sanglier et il aurait préféré ne pas le comprendre. La douleur autour de son cœur s'était intensifiée, et était maintenant à la limite du supportable. Combien de temps lui restait-il avant de devenir complètement fou ? Il se demandait.

- Vous ... C'est pas ... très réconfortant ... articula George difficilement en regardant son aîné.

- La vie n'est pas réconfortante, fiston. Je croyais que vous, votre génération, vous aviez fini par le réaliser. Surtout toi. Tu n'es pas ami avec Harry Potter ?

- Si ! s'exclama le roux sans aucune hésitation, presque vexé qu'on remette leur amitié en question.

- Eh bien toi en particulier, tu devrais le savoir. Ce qui lui arrive, à ton ami, est-ce réconfortant ? Est-ce juste ? Non. C'est comme ça, il n'y a pas besoin d'épiloguer. Et il s'en sort très bien d'ailleurs.

- Il ... va pas bien ...

- Je m'en doute qu'il ne va pas bien, toi non plus, moi non plus. Mais ça, on s'en fiche. Je te dis juste de ne pas attendre que la douleur disparaisse.

Aimer pour mieux détruireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant