Chapitre 8 - Glace

902 104 22
                                    

La baignoire était plus confortable qu'Eliakim l'avait imaginé. Même si l'environnement lui était totalement étranger, il s'y sentait en sécurité parce qu'elle était si petite qu'il pouvait en toucher les bords. Il savait qu'il ne dériverait pas à la merci des vagues, qu'aucun prédateur ne pourrait venir le surprendre dans son sommeil, tout comme il savait qu'elle ne se viderait pas et que Jesse était là, tout près, qu'il viendrait au moindre appel.

Il ne s'était réveillé qu'une seule fois au cours de la nuit, seulement pour se retourner et se rendormir profondément, blotti sous l'eau douce et légèrement tiède. Son sommeil avait été paisible, reposant, et il se sentait en meilleure forme qu'au cours des huit derniers jours. Pour la première fois depuis cette fichue tempête, il avait pu dormir son content et manger à sa faim. S'il n'y avait eu la douleur latente de sa caudale, cela n'aurait plus été qu'un cauchemar facilement oublié.

Quelques heures après le lever du jour, il se réveilla en sentant un contact chaud sur son bras. Clignant des yeux dans l'eau claire, il réalisa que c'était la main de Jesse qui était assis sur le bord de la baignoire et lui souriait depuis l'autre côté de la surface.

— Comment te sens-tu ? demanda-t-il sitôt qu'Eliakim eut repris sa respiration après être sorti de l'eau. Bien dormi ?

— Vraiment très bien. Je me sens beaucoup mieux.

Jesse parut soulagé et ses épaules se détendirent alors qu'il ramenait sa main mouillée sur le bord de la baignoire, et Eliakim tâcha de ne pas montrer qu'il aurait voulu prolonger ce contact.

— La tempête s'est calmée et il fait un temps magnifique dehors, reprit Jesse. J'ai bien l'intention d'aller surfer pour rattraper la météo horrible d'hier. Tu m'accompagnes ?

— Avec plaisir !

Il voulut se redresser dans la baignoire mais la moue pensive de Jesse l'arrêta et il se contenta de rester assis, la tête penchée avec inquiétude.

— Qu'y a-t-il ?

— Je pense à tes jambes... je sais que le changement te fait terriblement mal et que le seul moyen d'atténuer la douleur c'est de le faire régulièrement pour t'y habituer. Mais tu as déjà changé quatre fois hier et... c'est peut-être un peu beaucoup, non ? Alors je réfléchissais à un moyen de t'emmener jusqu'à la plage sans que tu aies à changer à nouveau.

— Oh, fut tout ce qu'il parvint à répondre.

La considération de Jesse et sa gentillesse le désarmaient à chaque fois. Depuis leur rencontre, il lui avait sauvé la vie deux fois — au péril de la sienne — l'avait nourri, soigné et accueilli chez lui. Il avait accepté de l'embrasser pour accompagner chacun de ses changements, lui avait patiemment appris les codes de base des humains, et cherchait désormais un moyen de lui épargner la douleur d'un nouveau changement. Après toutes ces années de solitudes, Eliakim avait perdu l'habitude de ce genre d'affection toute simple, et il ne savait pas comment la lui rendre.

— Est-ce que, si je t'installe dans le fauteuil avec ta queue, ça va le faire ? Je peux mettre une couverture mouillée dessus pour la dissimuler et la garder humide jusqu'à la plage...

— Mais il faudra malgré tout que tu me portes jusqu'en bas et je serai trop lourd et trop glissant. C'est vraiment gentil de ta part, Jesse, mais je vais changer une nouvelle fois. Je te l'ai dit, il faut que je m'y habitue. Et si tu es là pour m'y aider, tout ira bien.

Sa confiance fit rosir Jesse qui tenta d'argumenter mais referma la bouche sans un mot, ne se sentant pas le droit de décider à sa place. Au lieu de ça, il se pencha vers lui et posa doucement la main sur sa joue avant de déposer un baiser léger sur ses lèvres. Eliakim ferma les yeux et entrouvrit la bouche, laissant sa tendresse le distraire du fourmillement insupportable qui naissait à la baise de sa caudale. Au lieu d'être violent comme leurs précédents baisers, celui-ci resta très doux et il se concentra sur la chaleur de la main de Jesse qui enveloppait sa joue, sur le goût sucré et terrestre de sa bouche, sur le désir soudain qu'il avait de pouvoir l'embrasser sans avoir besoin d'un prétexte. Il s'accrocha à son poignet et gémit en fermant les yeux pour chasser ses larmes, et Jesse ne le lâcha pas, l'accompagnant jusqu'à ce que ses jambes pâles reposent au fond de la baignoire et qu'il puisse reprendre son souffle.

Une Romance de VacancesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant