Une Romance de Vacances

Epilogue

Leurs deux voix se mêlaient au rythme paisible de l'océan et au chant des oiseaux, s'envolant sous le ciel limpide de Fairhaven. Le sable était chaud autour d'eux, une journée typique de l'hiver australien en milieu du mois du juillet. Sur la serviette ombragée par un parasol, Zoe et Lilou s'endormaient peu à peu, bercées par le chant envoûtant d'Eliakim et de Jesse. Elles avaient à peine quatre mois, Betty avait accouché de Zoe la première, suivie par Violet qui avait donné naissance à Lilou cinq jours plus tard, mais elles semblaient grandir à vue d'oeil. Eliakim était fasciné, lui qui n'avait encore jamais vu de bébés humains, et il adorait ses petites nièces. C'était lui qui avait eu le réflexe en premier de chanter pour elles et elles s'endormaient bien plus vite lorsqu'elles étaient bercées par sa voix merveilleuse à laquelle se joignait celle de Jesse.

Cela avait permis aux jeunes parents de prendre un peu de repos et de planifier correctement leur déménagement, puisqu'ils ne pouvaient plus vraiment continuer à partager un appartement maintenant qu'ils étaient six. Le tout était encore en train de se faire, mais ils avaient trouvé quelque chose en bord de mer qui semblait très prometteur.

Une fois les petites endormies, Eliakim se releva et tendit la main à Jesse pour l'aider à se mettre debout et en profiter pour lui voler un baiser au passage.

— Je veille sur elles, assura Ruth en s'installant avec un livre. Allez vous baigner, tous les deux.

Ils ne se le firent pas dire deux fois et coururent vers l'océan pour y plonger la tête la première en se débarrassant de leurs vêtements qu'ils jetèrent sur le sable. La douleur de la transformation était devenue presque supportable, au fil des derniers mois, et la nouvelle prothèse de Jesse était une merveille de magie et de technologie, s'adaptant parfaitement à sa morphologie sirène comme à sa morphologie humaine. Il ne serait jamais aussi rapide et gracieux qu'Eliakim, mais il s'en sortait de mieux en mieux.

L'année avait été fantastique pour eux, l'USM était un cadre privilégié pour faire des études en toute tranquillité d'esprit et en apprendre davantage sur des sujets que les humains maîtrisaient à peine. Lewis avait fini par apprendre l'identité de son mystérieux correspondant, qui s'était avéré être le bel Ewen au sourire ravageur qui lui tournait déjà autour depuis la rentrée, et même de l'autre côté du monde, Eliakim et Jesse ne manquaient pas de demander de leurs nouvelles lorsqu'ils appelaient le soir. Ils étaient aussi tous à peu près sûrs que Clarence craquait complètement pour leur prof d'histoire et que c'était réciproque, mais leur ami gardait le silence et ils le respectaient.

Filant l'un à côté de l'autre dans les vagues, ils firent la course en riant, épousant les courants et se faufilant entre les planches de Judy et Brynn qui étaient en week-end, menaçant de les faire chavirer. Le surf manquait beaucoup à Jesse mais il s'était fait une raison et savait qu'il lui faudrait encore un moment avant de parvenir à s'y remettre et à retrouver un niveau correct. De toute façon, nager avec Eliakim était presque aussi agréable que de filer sur une planche.

Sur la plage, Spencer et Nick leur firent signe en s'approchant mais, au lieu d'entrer dans l'eau, ils s'arrêtèrent sur le sable en agitant le bras pour les faire venir jusqu'à eux. Intrigué, Jesse échangea un regard avec Eliakim qui n'en savait pas plus que lui, et ils nagèrent vers l'endroit où ils avaient laissé leurs vêtements pour se retransformer et s'habiller.

— On a un cadeau pour vous deux, annonça Violet qui les avait rejoints avec Betty. Pour vous remercier de nous permettre de dormir grâce à vos berceuses, pour fêter le succès de votre première année universitaire, et aussi un peu pour célébrer l'anniversaire de votre rencontre.

Ils se décalèrent tous d'un pas, dévoilant les planches qu'ils avaient apportées. Elles étaient très simples, des planches de débutant sans prétention, mais elles signifiaient énormément.

— On s'est dit qu'il était temps que tu t'y remettes, Jessy, sourit Spencer. Et que tu reprendrais plus vite tes marques si tu devais enseigner à Kim. De toute manière, on sera là pour vous aider.

C'était un cadeau merveilleux et Jesse commença par leur sauter au cou pour les remercier, avant de se tourner vers Eliakim avec un large sourire qui faisait étinceler ses yeux. Son frère avait raison, il était plus que temps qu'il s'y remette et qu'il apprenne à sa sirène comment se tenir sur une planche.

— Prêt pour ta première leçon de surf, mon coeur ?

— Je n'attends que ça...

La planche se cala tout naturellement sous le bras de Jesse, forme rassurante et familière qui lui avait tellement manquée, et il réalisa une fois de plus la prouesse de sa jambe artificielle, qui prenait peu à peu une mémoire musculaire qu'il avait cru perdue à tout jamais. Grimper sur sa planche lui parut aussi naturel que de respirer et il glissa facilement sur la première vague, le coeur battant à la volée sur le cri de joie qui remontait du plus profond de ses tripes. Eliakim le suivit, bien moins assuré, mais ils avaient tout le temps du monde devant eux pour qu'il gagne en aisance et devienne aussi habile sur sa planche que Jesse l'était avec sa nageoire. Ce dernier l'encouragea avec amour, découvrant la délicieuse sensation complice de lui apprendre l'une des choses qu'il aimait le plus au monde. Eliakim suivit soigneusement ses conseils, ravi à la perspective de pouvoir chevaucher les vagues avec lui comme ils chevauchaient les courants sous-marins lorsqu'ils nageaient ensemble.

Bien évidemment, il perdit l'équilibre et but la tasse de nombreuses fois, mais ça en valait la peine pour tomber dans les bras de Jesse qui l'embrassait à chaque fois avec tout l'amour et la tendresse du monde, ivre de ce bonheur qui semblait couler dans ses veines.

— J'ai tout ce que j'aime, souffla-t-il contre ses lèvres. L'océan, ma famille, ma planche et toi.

Eliakim lui rendit son baiser, savourant l'implication de cette phrase. Ils avaient un banc et ils s'aimaient, et c'était tout ce qui comptait.