Chapitre 22

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J'arrive bientôt au terme d'un trajet que j'aurais pu effectuer les yeux bandés tant je l'ai parcouru. Dans un sens puis dans l'autre. Des centaines de fois. Je gare la voiture - que ma mère m'a gentiment prêtée - devant le portail d'une maison jumelée et coupe le moteur. Ça me fait tout drôle de me retrouver ici. J'y ai passé la moitié de mon temps libre ces trois dernières années.

Je déplie le pare-soleil et vérifie mon reflet dans le miroir rectangulaire. Cela peut paraître idiot, mais j'ai accordé un soin tout particulier à mon apparence. J'ai cette volonté inexplicable de me montrer sous mon meilleur jour. D'impressionner Louis. Mes cheveux sont comme il les aimait. Ils tombent en vagues douces mais néanmoins bien dessinées juste au-dessus de ma poitrine. Mes yeux noisette sont encadrés par un fard à paupières rosé ainsi que du mascara, et ma bouche est recouverte d'un rouge à lèvre brun assez discret. J'aime bien le résultat et la façon dont mes taches de rousseurs ressortent sur ma peau pâle.

Tout à l'heure, en quittant la maison, ma mère m'a demandée où je me rendais avec sa voiture. Je n'avais pas envie de lui dire que j'allais voir Louis. Cela aurait suscité des questions embarrassantes et des recommandations à n'en plus finir. Alors j'ai menti et répondu que j'allais boire un verre avec Camille. Elle ne m'a pas cru. Je l'ai lu dans son regard. La plupart des mères savent lorsque leurs progénitures mentent – elles ont un sixième sens pour cela - et, malheureusement, c'est également le cas de la mienne. Cependant, alors que je m'attendais à une avalanche de questions, il n'en a rien été. Au contraire, elle a affiché une mine résignée et a laissé couler. D'une part, parce qu'elle a confiance en moi, d'autre part parce qu'elle a probablement suspecté un rendez-vous galant avec ma tenue plus sophistiquée qu'à l'accoutumée. La perspicacité, l'indulgence et la bienveillance sont des qualités que j'apprécie beaucoup chez ma mère. En partant, elle m'a simplement recommandé d'être prudente.

J'écarte la portière, réajuste machinalement mon tee-shirt et ouvre le portail avant de traverser le jardin. L'appréhension me gagne. Que va-t-il se passer ? Qu'allons-nous bien pouvoir nous dire ? A chaque pas je me demande si j'ai bien fait d'accepter cette invitation. Je suis sur le paillasson de la porte d'entrée, la boule au ventre et les dents serrées. J'ai le doigt sur la sonnette - mais je n'ai pas encore appuyé - que la porte s'ouvre déjà.

Je retiens ma respiration.

Il est là. Pareil à lui-même. Toujours aussi beau.

Louis.

Ses yeux bleus se posent sur moi et un sourire ému s'étire de part et d'autre de sa face. J'ai le souffle coupé et l'estomac qui décroche. Après un instant de flottement, nous nous embrassons timidement sur les deux joues puis il s'écarte pour me laisser entrer. Un flot de souvenirs m'assaille lorsque je pose un pied sur le carrelage du couloir de l'entrée. Je connais chaque pièce par cœur. A gauche, la chambre parentale, à droite, une salle de bain et, plus loin, le salon avec la cuisine. Je retire mes chaussures, comme j'avais l'habitude de le faire, et les range à côté de la commode. Il me fait signe de le suivre au salon et je lui emboîte le pas.

- Je t'en prie, installe-toi, dit-il en désignant le canapé d'un geste de la main.

Nerveuse, je prends place tandis qu'il rejoint la cuisine. Je saisis la première chose qui me tombe sous la main : un coussin décoratif, que je triture nerveusement. J'ai besoin de me calmer et de faire retomber la pression sanguine.

- Cécile n'est pas là ? je demande en m'attendant à la voir surgir à tout moment dans l'encadrement de la porte.

La réponse tarde à venir et je braque mes yeux sur Louis, dos à moi. Il avale ce qu'il reste d'un verre d'eau avant de répondre :

En effervescence [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant