Chapitre 42

5 1 0
                                    

Nous sommes la veille du quinze août et Mathéo m'a proposé de venir passer la soirée chez lui ainsi que la journée du lendemain. Son père est encore absent et je me demande s'il revient parfois à la maison ou si Mathéo a le sentiment de vivre seul. Sa belle-mère s'est envolée pour Madrid afin d'avoir le privilège de passer quelques jours avec lui et je suppose que Mathéo devrait faire la même chose s'il souhaitait voir son père plus souvent.

Sa sœur ainée possédant déjà son propre appartement, Mathéo m'avoue avoir chassé son frère cadet pour avoir la paix. Comme son frère se trouve chez leur mère, nous disposons donc de l'appartement pour nous seuls. Cela me permet de faire le tour du propriétaire sans risquer de tomber par surprise sur un des membres de sa famille. En visitant, j'ai exactement le même ressenti que la dernière fois : l'intérieur est lumineux, imposant et démesuré. Cependant, ni les rayons du soleil couchant, ni les immenses toiles de maître aux couleurs bigarrées ne parviennent à égayer l'atmosphère glaciale et inhospitalière. Avec l'énorme cuisine en inox, j'ai même l'impression de me trouver dans un laboratoire.

- Tu as toujours habité ici ? j'interroge en imaginant mal trois enfants grandir et s'amuser dans un endroit comme celui-là.

- Nous avons habité un pavillon jusqu'au divorce de mes parents. Ma mère y habite toujours.

Je m'approche des baies vitrées qui donnent sur une grande terrasse face au lac. On ne peut pas ôter ça à cet appartement sans charme : la vue y est absolument magnifique. Les toits bruns de la ville s'étendent jusqu'au rivage émeraude, on aperçoit les petits points blancs des voiliers vogués sur le lac, plus loin des collines verdoyantes, et enfin, limitant l'horizon, des chaînes de montagne escarpées. Le père de Mathéo a certainement déboursé une somme faramineuse pour l'acquérir.

- Est-ce ton père qui a décoré l'appartement ?

Il me rejoint près de la fenêtre et offre son visage aux lumières du soleil.

- Non, il a fait appel à un designer de renom. Comment tu le trouves ?

Je me mordille la lèvre et avoue avec une certaine réserve :

- Ce n'est pas la décoration que j'aurais choisi.

Il éclate de rire et attrape mes doigts pour y entrelacer ses mains. Ce geste doux et simple me provoque de drôles de palpitations dans la poitrine et un fluide chaud se répand dans mon estomac.

- Tu as beaucoup trop de tact... Personnellement, je déteste la décoration. Mon père a dépensé une fortune pour que son appartement ressemble à un affreux blockhaus.

- Je penchais plutôt pour un laboratoire.

- Je n'y avais pas pensé, mais cela me semble assez juste, admet-il en portant ma main à ses lèvres. Tu as faim ?

J'acquiesce vigoureusement. Je meurs de faim. Il passe sa main dans mon dos, m'effleurant à peine, et me conduit à la cuisine où il ouvre un réfrigérateur américain. Signe que son géniteur est peu présent, les étagères sont à moitié vides. Il en sort un saladier qu'il pose sur le plan de travail et ouvre la porte du four.

- J'ai essayé de cuisiner avant que tu n'arrives.

Une odeur délicieuse de viande et de tomates me chatouille les narines.

- Ça sent bon. Qu'est-ce que c'est ?

- Des lasagnes.

Il retire le plat du four et je relève la tête, impressionnée.

- Pour quelqu'un qui ne sait pas cuisinier, ça a l'air très réussi.

Son regard pétille lorsqu'il se pose sur moi.

En effervescence [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant