JOUR 6 | PARTIE 2

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PDV : LOUIS

On passe le portail de SunHouse, le pickup rempli de boîtes de pizza. Papy les avait commandé pour vingt heures trente et on vient d'aller les chercher. Bien sûr, une nouvelle fois, c'est lui qui a conduit. Mais on est toujours fiers de pouvoir faire un tour dans sa JEEP. De vrais gamins...

Je descends de la voiture, et vais à l'arrière pour récupérer le repas de ce soir. Il y a huit pizzas en tout. J'en tends quatre boîtes à Hugo et prends les quatre autres. Ça fait beaucoup de pizzas mais on a dû rajouter une rallonge à la table ce soir pour accueillir Jade et Thomas. Il faut bien qu'il y en ait assez pour tout le monde.

- À table la compagnie ! annonce papy en sortant sur la terrasse.

Seulement, ils attendent déjà tous patiemment autour de celle-ci. Ils sont prêts à manger, affamés et pressés de pouvoir entamer le repas. On pose les tant attendues pizzas sur la table, et maman me tend la roulette pour couper de belles parts. J'ouvre donc la première boite et m'applique pour faire ça bien.

- Quatre fromages ? proclame Hugo pour savoir qui veut une part de celle-ci.

Ils lèvent la main un par un. D'abord Papa, puis Thomas, Hélène et Maman. Hugo me demande gentiment d'en couper une pour lui également. Lorsque plus personne ne se manifeste, je passe alors à la Napolitaine. Je n'ai même pas besoin de demander pour savoir que Jade va en prendre une part. C'est la seule qu'elle mange nous a-t-elle dit quand on a passé commande. J'en sers aussi une à papy et je jette un oeil à Simon, histoire de savoir s'il en veut une. Je remarque alors qu'il a quitté la table et que sa place est vide. Mon coeur saute un battement. Ça ne va pas recommencer comme la dernière fois...

Sans même y réfléchir, je tends la roulette à pizza à Hugo et lui demande de continuer à ma place.

- J'arrive. Je vais chercher la sauce piquante, prétextais-je pour m'éclipser.

Je me précipite à l'intérieur, m'apprêtant à grimper les escaliers pour aller le voir dans sa chambre. Mais avant de mettre mon pied sur la première marche, j'entends du bruit dans la cuisine. Je m'adosse donc à la porte de celle-ci et le regarde poser un plateau sur le plan de travail. Il ouvre ensuite tous les placards à la recherche de ce qu'il est venue trouver. Quand il remarque ma présence, il s'immobilise une seconde avant d'attraper les deux carafes qu'il vient de découvrir dans le vaisselier.

- Ça va ? lui demandais-je.

- Oui, me garantit-il d'une voix joyeuse.

Je suis soulagé de voir que je me suis inquiété pour rien. Il est clair qu'il va bien.

- Je suis venu chercher de l'eau, m'informe-t-il.

Dire que je m'attendais à devoir le ramasser à la petite cuillère. Je me sens con maintenant. Je l'ai rarement vu aussi heureux. Et je ne sais pas comment expliquer ce que je viens faire ici, sans avoir l'air de lui avoir couru après.

- Ah ! Je pensais que... tu pouvais avoir besoin d'aide, dis-je pour cacher la vraie raison de ma venue.

Je me dirige vers le plateau qu'il a posé tout à l'heure et y dépose onze verres que je récupère dans le placard au-dessus de ma tête. Lui, s'occupe de remplir les carafes. Il vient ensuite les disposer sur le plateau qu'il avait prévu à cet effet et devant lequel je suis occupé. Je sens sa présence derrière moi mais j'essaye de ne pas y faire attention. Il se débarrasse de la première carafe, libérant une de ses mains qu'il vient aussitôt placer sur ma hanche. Puis, il abandonne la seconde de l'autre côté du plateau. Je ne m'en rends pas compte tout de suite, mais mon corps se paralyse, perturbé par cette main qui a pris position juste au-dessus de ma fesse gauche.

- Menteur ! murmure-t-il à mon oreille.

Je sursaute presque, sorti de mon état de choc grâce à ses quelques mots. J'entends sa respiration raisonner dans ma tête et je réalise que son nez effleure légèrement ma peau. Je sens alors instantanément mon pouls s'accélérer.

- Je sais ce que tu pensais Lou. Mais je vais bien, ne t'inquiète pas.

Mon coeur va littéralement exploser, envahi par une tension incontrôlable. Je tente de maîtriser ma respiration qui devient plus bruyante et déglutit difficilement. Il n'a apparemment pas mis longtemps à comprendre que si j'ai couru jusqu'ici quand j'ai vu qu'il avait quitté la table, c'est parce que je m'inquiétais pour lui. Je me sens doublement gêné.

- Excuses-moi...

- De quoi ? T'es mignon quand tu t'inquiètes pour moi, reconnaît-il sur un ton presque moqueur.

En disant cela, il exerce une pression plus importante sur ma hanche, faisant bruler mon corps de la tête aux pieds. Puis, il la retire enfin et passe à côté de moi pour s'emparer du plateau. J'ose à peine bouger. Si je me retourne, il va forcément remarquer que je suis aussi paniqué qu'une biche sur le point de se faire dévorer par un prédateur. J'aimerais pouvoir mettre ça sur le dos de n'importe quoi d'autre, mais je sais que c'est lui qui m'a mis dans cet état. C'est pourquoi je reste bêtement face au plan de travail, ridiculement immobile. Je pose juste le dernier verre sur le plateau avant qu'il ne parte. Il était resté coincé dans ma main pendant tout ce temps.

- Tu viens ? dit-il en se dirigeant vers la sortie.

- J'arrive. J'ai un truc à faire, répondais-je la voix tremblante.

Il souffle du nez et sort sans rien dire. Je préfèrerais être enterré vivant plutôt que d'avoir à revivre un moment pareil. Je pris pour qu'il n'ait pas remarqué ma réaction face à son geste un peu trop tactile. J'ai chaud, qu'est-ce que j'ai chaud... Pourquoi j'ai chaud ? Comment ça se fait qu'au simple contact de sa peau contre la mienne, mon corps a pété un plomb ? J'ai même du mal à ignorer la légère déformation de mon jean quelques centimètres plus bas. Je serre les poings, énervé par ce que je ressens. Je ne veux pas apprécier ça. Je n'aime pas ce qui m'arrive. Ça me fait peur...

J'attends d'être complètement sûr qu'il soit sorti et court jusqu'à la salle de bain pour me passer de l'eau sur le visage. Je peux enfin laisser mon souffle s'exprimer. Je suis aussi essoufflé qu'un athlète après un cent mètres. Je ferme les yeux et essaye de faire comme si il ne s'était rien passé. Si je ne descends pas rapidement rejoindre les autres, ils vont se demander ce que je fabrique. Je n'ai pas vraiment envie d'avoir à me justifier. Je ne sais pas ce que je pourrais inventer pour cacher ma réaction face à la proximité dont Simon a fait preuve avec moi durant ces dix interminables secondes.

Lorsque je reviens enfin à table avec tout le monde, aussi rapidement que possible, je me sens terriblement gêné. Pourtant, personne n'a vu ce qui s'est passé. Je n'ai à avoir honte de rien, si ce n'est devant le principal concerné. Mais je sens la plupart des regards rivés sur moi. Ils sont tous sagement en train de déguster leur pizza et son surpris de ne me voir revenir que maintenant. Je vais donc m'asseoir sans dire un mot, à côté de mon frère, au bout de la table.

- Tu pouvais la chercher longtemps la sauce piquante, me sort Hugo. Elle était déjà sur la table.

Il me tape dans le dos, et me pousse mon assiette dans ma direction. Il m'a servi une part de Margherita. Il savait que c'est celle-là que je prendrais en premier.

- Ah c'est ça... Je l'ai cherchée partout dans le frigo, sautais-je sur l'occasion pour expliquer mon absence.

J'attrape ma part de pizza et lève les yeux timidement vers Simon, assit en face de moi. Son sourire en dit long... Il essaye de se retenir d'étirer les lèvres plus qu'il ne le fait déjà et je lis comme une certaine gêne dans son regard. Il baisse rapidement les yeux, ne réussissant pas à soutenir mes deux prunelles bleues. Ce n'est pas une émotion que j'ai l'habitude de lire sur son visage. Depuis le début, il a toujours fait preuve d'une certaine assurance devant moi. Alors, son expression, là, en face de moi, me donne finalement l'impression d'avoir le dessus pour une fois. J'aimerais avoir envie de lui lancer ma part de pizza en pleine figure, mais ce n'est pas le cas. Ce n'est pas son comportement qui me dérange et qui m'a énervé tout à l'heure. C'est le mien...

Your Heart Know The WayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant