Chapitre 1 - On s'met dans l'ambiance

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"Très cher journal intime...
..."

Pffff

"Très cher cahier de merde,
J'ai pas envie de te raconter ma vie.
Bien cordialement,
Moi."

Quelle connerie ce truc... La psy nous a dit d'écrire nos ressentis chaque jour et de transformer nos frustrations en énergie positive. De si belles paroles... Moi ça me fait chier. Je peux rien transformer en énergie positive parce que de l'énergie, j'en ai pas.

Je participe à une thérapie de groupe appelée "thérapie comportementale cognitive". C'est une méthode pour te faire passer au dessus de tes angoisses en gros. Je sais pas ce que je fous là... Je suis pas angoissée, je suis fatiguée.

J'ai un trouble neurologique du sommeil qui s'appelle "hypersomnie idiopathique", ça envoit non ?
Ben en vrai, c'est de la merde. T'as tout le temps sommeil, même si tu dors, tu récupères pas, donc t'es somnolente tout le temps et tu galères à faire à peu près tout dans ta vie, côté physique mais aussi côté concentration, mémoire etc.
Y a pire. Y a toujours pire. Mais y a mieux aussi.

Donc je me retrouve dans ce groupe de personnes phobiques et angoissées et on fait des exercices pour aller mieux.
Par exemple, y a une nana qui est terrorisée dès qu'il y a plus de trois personnes dans la pièce. Donc quand on est plus nombreux, elle suit le cours dans la pièce d'à côté et on laisse la porte ouverte pour qu'elle entende.
Il y a un gars, lui, a la phobie du métro. Des qu'il s'en approche, il fait une crise de panique. Alors il a des exercices chaque semaine où il doit rester une minute près de l'entrée d'un métro, puis trente secondes sur un quai, etc. Les premiers temps, j'avais envie de me moquer de ces exercices surprenants mais en fait, c'est assez impressionnant de voir le courage de toutes ces personnes pour affronter leurs peurs et ça m'a rapidement calmée.

Je me souviens aussi qu'au début, je trouvais leurs peurs exagérées, infondées et j'avais envie de les secouer et par exemple de forcer ce gars à prendre le métro ! Mais j'ai vite appris à les écouter et à les comprendre. Et même à les admirer. Se battre de semaine en semaine pour vaincre une angoisse, c'est épuisant. Et ils ne lâchent rien.

A chaque séance, il y a des participants qui reviennent ou des nouveaux qui prennent le train en route ou encore certains qui vont mieux et qui arrêtent de venir. Bref le groupe change à chaque fois.

Moi je ne sais pas ce que je fais là, j'ai pas de phobies. J'ai une grande peur de ne jamais pouvoir profiter de la vie avec ma maladie, mais ça, on ne peut pas y faire grand chose.
Cela dit, comme y a rien qui existe pour les gens comme moi une fois que t'es diagnostiquée, ben pourquoi pas venir là plutôt que d'être seule ?

L'hypersomnie, ça ne touche qu'environ une personne sur dix mille, donc personne ne connaît. Et souvent, j'essaie d'expliquer mais c'est rare qu'on me comprenne sans stigmatiser.

Les réactions les plus courantes ? « Tu t'endors n'importe quand dans la journée en moins de six minutes ? T'as trop de chance ! » « Ah t'es fatiguée ? Oui mais moi aussi tu sais, c'est pas une maladie ça, c'est la vie ! » « C'est un peu dans la tête je pense surtout, faut que tu te secoues un peu et ça ira mieux » « Peut-être que tu devrais voir une psychologue, non ? C'est sûrement une dépression cachée. »

Et bien non, non, non et non. Avant la maladie, j'étais une femme dynamique, positive, qui allait toujours de l'avant. J'étais en forme et j'en profitais, je sortais beaucoup, je travaillais beaucoup et j'adorais ça. Si j'avais su que ça s'arrêterait... Il est très dur d'accepter que je ne serais plus jamais cette personne là, je n'arrive pas à me faire à l'idée car j'étais fière de qui j'étais. Aujourd'hui je ne me sens plus que comme l'ombre d'une nana qui était cool avant...

Bref, mon exercice de la semaine, c'est d'écrire mes ressentis chaque jour afin d'identifier les émotions qui me traversent et les observer sans les juger.

C'est toujours beau sur le papier ces consignes. Mais quand tu te retrouves chez toi, c'est plus compliqué de s'y tenir.
De toute façon, je suis trop fatiguée là, faut que je dorme un peu... 

Charme et Fêlures (terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant