Chapitre 15 - Foudre

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C'est le choc, la salle reste dans le silence. La thérapeute a reprit la parole pour le féliciter et nous expliquer des trucs mais honnêtement, je n'ai rien écouté. Je suis sous le choc. Tout s'explique. Pourquoi il ne veut pas montrer son visage, pourquoi il ne parlait pas au début, pourquoi il partait avant nous des séances... Il est en fait complètement effrayé... Ça me fend le cœur. Comment peut-on vivre ce qu'il a vécu et continuer sa vie ? Quelle force. J'ai envie de le prendre dans mes bras, de le féliciter d'avoir ouvert son âme à nous tous mais qui je suis pour lui dire ça ? Ou quoique ce soit d'autre d'ailleurs ?
Il n'a pas rebaissé sa cagoule, je vois toujours ses lèvres, parfaites. Je vois aussi son tatouage qui dépasse du t-shirt et j'essaye de décrypter ce qu'il représente. Peut-être quelque chose lié à son histoire ? Je remonte mes yeux jusqu'aux siens et ma respiration se coupe lorsque je tombe sur ses yeux qui me regardaient déjà. Ses superbes yeux bleus, cette profondeur encore plus insaisissable que j'y decelle... Je suis complètement sous le charme de ce que je découvre semaine après semaine.

À la fin de la séance et pour la première fois, il ne part pas avant les autres, il reste sur sa chaise pendant que tout le monde se dit au-revoir et quitte progressivement la pièce. Faut que je me lance, faut que je lui dise quelque chose après tout ce qu'il vient de lâcher. Je m'approche et commence à ouvrir la bouche lorsqu'il me coupe :

"Si tu t'excuses encore de quoique ce soit, je t'assome avec la chaise."

Et il sourit. Je fonds.

"Promis, j'arrête ! Je voulais juste te remercier pour ce que tu as partagé aujourd'hui. Je suis impressionnée par ton courage."
"Faut pas, j'en ai pas. Maintenant que j'ai parlé, je vais sûrement jamais revenir tellement j'aurais peur de ce que vous aurez fait de ces informations..."
"Ah non, faut pas t'arrêter en si bon chemin et puis... (tu me manquerais trop ? Non, je peux pas lâcher ça...) et puis ici, on se respecte et on peut se faire confiance. On partage tellement de nous que c'est presque comme si on était en famille."
"Hum... J'avoue qu'il y a quelque chose de particulier ici mais ça me fait encore plus peur. Si ça foire ici, j'aurais plus jamais confiance en rien."
"Ça foirera pas."
"Sauf si certaines personnes décident de me prendre en photo et de publier ça dans un journal..." ajoute-t-il avant de me sourire en coin.
"Oh non mais alors ça, je suis tellement désolée, ça n'arrivera plus jamais évidemment !"
"Des excuses encore ? Je vais devoir employer les grands moyens alors" et il se lève pour faire semblant d'attraper la chaise. J'eclate de rire.
"J'ai rien dit, j'ai rien dit !"

La thérapeute s'approche de nous et le regarde :

"On continue un peu tous les deux ?"

Il acquiesce et c'est le moment pour moi de dire au-revoir et de prendre la route pour chez moi. Pwah la puissance de cette séance ! Entre ses aveux et notre discussion agréable juste après, je suis chamboulée. Je ne vois pas passer le trajet retour tellement mon cerveau est en ébullition...

--

La vision de la personne assise sur le palier devant chez moi me sort de mes rêveries ! Mon br... L'autre con ! Mais qu'est-ce qu'il fout là ? J'arrive à sa hauteur.

"Tiens, un revenant ?"
"Salut, comment tu vas ?"
"Comment je vais ? T'es sérieux ?" 
"OK t'es vexée..." 
"Oh ben un peu oui. Tu m'as un peu lâchée par SMS, c'est déjà moche mais en plus après que je me sois démenée pour ton article de merde et que j'ai mis un joli merdier autour de moi. Et là tu te pointes comme une fleur sur mon palier et tu me demandes comment ça va. T'es trop fort sérieux.... "
"J'ai essayé de t'appeler plusieurs fois mais comme tu répondais pas..."

Je regarde mon portable que j'avais laissé en silencieux depuis la réunion. Effectivement j'avais plusieurs appels manqués et SMS.

"J'avais pas vu. Qu'est ce que tu veux ?" 
"Je voudrais évidemment m'excuser pour ma maladresse. Je ne savais pas comment gérer ce que j'avais vu alors j'ai un peu pris la solution de facilité en prenant la fuite. C'était pas cool de ma part et je tenais vraiment à te dire que je suis désolé." 
"Ça m'a fait mal tes conneries. Mais j'apprécie tes excuses aujourd'hui."
"Et puis tout ce que tu m'as appris sur ta maladie, j'en suis vraiment reconnaissant. Le point de départ, c'était qu'on voulait essayer ensemble de la faire connaître un peu plus avec l'article et ce serait dommage que le projet s'arrête là parce qu'on a quelques différends, non ?"
"Heu... Putain t'es culotté quand même. Quelques différends ? Tu m'as lâchée par SMS du jour au lendemain parce que t'as pas eu la photo que tu voulais !" 
"Et je m'en suis excusé ! Mais on ne va pas tout arrêter ce beau projet pour ça, on va quand même sortir l'article et aller au bout du truc, OK ?"
"Ah OK, c'est pour ça que tu es là en fait. Tu veux mon approbation pour publier ton truc ? Putain j'y crois pas..." 
"Mais non, je suis là pour m'excuser, je sais bien que tu ne vas pas renoncer à ce beau projet juste pour nos disputes car c'est plus important que ça..." 
"Arrête ton blabla stp, bien sûr que si, je refuse la publication. Pour la façon dont tu t'es comporté et pour surtout pas en rajouter. J'ai fait du mal à plusieurs personnes avec l'histoire de la photo et je le regrette beaucoup, ça ira pas plus loin." 
"C'est pour ta bande de dingos que tu refuses ? Mais serieux, ça va pas parler d'eux, juste de ce que tu m'as partagé de ta maladie. De toute façon, ça va être publié, j'ai déjà donné le feu vert au rédacteur en chef et on peut plus faire machine arrière."
"Ha mais non, il en est hors de question, tu te démerdes comme tu veux mais je refuse que ça soit publié. Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi donc tu oublies toutes ces infos et tu vas écrire sur ce que tu veux d'autre mais moi, tu m'oublies !" 
"Pfff allez je me casse, tu m'as soûlé. Reste avec tes fous là et t'inquiète pas, je t'ai déjà oubliée." 

Connard. Connard de connard. Pauvre cloche. Mais quel con ! J'ai les larmes qui montent... Il m'a mise hors de moi ce con ! Je monte et éclate en sanglot dès que je referme la porte de chez moi. Mon coloc arrive aussitôt et me prend dans ses bras :

"Oh, qu'est ce qu'il se passe ?"

Je lui raconte la scène et les mots blessants avant d'aller m'allonger, épuisée par toutes ces conneries. 

Charme et Fêlures (terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant