12. La marque

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Point de vue de Victor Fulconis 

— Vic, tu es prêt ?

La voix de Thomas se fait entendre depuis l'autre côté de la porte. Je soupire en attrapant mon téléphone portable pour le glisser dans ma poche.

— Ouais, ouais, une seconde.

J'enfile une veste noire encore plus austère que mon uniforme et tire mes cheveux en arrière avec une petite moue.

Une fête est organisée au lycée. Je n'ai pas la moindre envie de m'y rendre. Je préférerais de loin passer la soirée à bouquiner tranquillement. Mais je suis un alpha et un futur chef de meute et on attend des personnes comme moi qu'elles assistent à tous les événements et paraissent s'y amuser. Alors je m'y amuserai. Ou, du moins, je feindrais de le faire. Je suis devenu une sorte d'expert dans l'art de camoufler ce que je ressens.

J'ouvre alors la porte et sors sans me presser. Les gars de ma meute – une dizaine d'alphas et quatre ou cinq bêtas – sont tous déjà là à m'attendre patiemment.

Je prends la tête du groupe sans même y penser. Derrière moi, Thomas marche à pas mesuré, toujours un peu en retrait, comme il sied à celui qui est pressenti pour devenir un jour mon second, quand je succèderai à mon père. 

Les élèves des autres meutes, dispersés dans le couloir, s'écartent sur notre passage. Personne n'a envie de s'attirer les foudres des Fulconis. Je  n'ai même pas besoin de lever les yeux pour sentir l'air se tendre autour de nous. 

Le claquement de nos pas sur le carrelage se perd dans les échos de la musique qui résonne, encore lointaine mais déjà assourdissante. Le volume monte à mesure que nous approchons. Je serre les poings dans mes poches. Pour moi, cette fête est loin d'être un moment de détente. C'est un spectacle où je dois jouer mon rôle à la perfection. 

La salle de pause des alphas a été transformée en boîte de nuit pour l'occasion. Dès que nous franchissons la porte, l'odeur de sueur, de parfum et d'alcool me prend à la gorge. Les fauteuils et le babyfoot ont été poussés à l'écart pour laisser place à une piste de danse improvisée. 

Les Martiny sont déjà là, regroupés près des boissons. Alessio, leur héritier, se tient parmi eux. Avec un an de moins que moi, mais déjà bien installé dans son rôle de futur chef de meute, il m'ignore ostensiblement. Cela me va très bien. Nos regards ne se croisent pas, comme si, à eux seuls, ils pouvaient déclencher une guerre. Nos deux meutes se disputent la domination du pays depuis des générations. Ici, à Miramar, cette lutte continue sous des apparences plus civiles. Elle n'en est pas moins présente. 

Je passe devant eux sans un mot ni un regard. Dans ma tête, je reste sur mes gardes. Je peux sentir Alessio me surveiller du coin de l'œil. 

Aristide, un bêta de la meute, va chercher des boissons pour tout le monde. Il me tend en premier un gobelet en plastique dans lequel se trouve une boisson à la couleur ambrée. Je la prends en grommelant un remerciement. Je m'ennuie déjà.

Une odeur tenue me chatouille soudain les narines. Je me fige. Je n'ai pas besoin de me tourner pour savoir que c'est lui, même si je pivote tout de même sans y penser. Lucien Chardon. Cet oméga mâle que je ne cesse de trouver sur mon chemin. Qu'est-ce qu'il fout là ? Seul en plus ?

Mes yeux se plissent. C'est la première fois que je le vois sans uniforme, et la vision me déstabilise plus que je ne veux l'admettre. Il arbore un style que je qualifierais sans hésiter de négligé. Ses jambes sont moulées dans un slim noir si serré que je me demande comment il peut seulement bouger, tandis que son sweat-shirt, beaucoup trop large, pend sur son corps frêle. Un loup tire la langue sur le devant du pull, comme s'il se moquait de moi. 

Ce crétin d'alpha (bxb) [en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant