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Nous sommes tous assis autour de la grande table en verre. Le poulet accompagné de pommes de terre sautées fait par ma mère est délicieux. Elle a au moins le mérite d'être une bonne cuisinière au dépit d'être une bonne mère. Je suis assise entre Grégoire et Tommy. L'ambiance est plutôt décontractée. Les Maltais racontent de nombreuses anecdotes qu'ils ont vécu dans cette grande baraque. 

Au dessert, ma mère apporte une délicieuse mousse au chocolat/caramel. Je vois les yeux d'Eliot en face de moi pétiller. Mon père commence à nous servir quand ma mère fait tinter son verre avec le dos d'une cuillère. Elle se racle la gorge et prend la parole :

- J'aimerai tout d'abord tous vous remercier pour tous les efforts et le sang-froid dont vous avez fait preuve en traversant toutes ses étapes. Vous êtes mes rayons de soleil à chaque instant de ma vie. Je n'ai jamais cessé de penser à tous les trois. Si je ne vous ai jamais reparlé c'est que votre père me l'interdisait...

En prononçant ces mots, son visage se durcit. Elle reprend :

- C'est moi qui l'ai quitté, je voulais...enfin je devais partir ! Maintenant que je suis là avec vous, je regrette d'être parti mais je vous dois la vérité... Votre père me trompait tous les soirs avec sa secrétaire. Puis quand il rentrait, il m'insultait et me frappait en buvant des litres d'alcool. Un soir, la veille de ma disparation, il m'a battu jusqu'au sang. Je n'osais pas hurler au risque de vous faire peur, vous étiez si jeune. J'étais défigurée, je ne voulais pas que vous me voyiez dans cet état...Je n'ai pas eu le choix, je devais m'en aller. Je savais qu'il ne vous ferait aucun mal...

Je la vois vaciller. Elle tombe sur sa chaise et une larme coule sur sa joue. Je n'arrive pas à croire ce qu'elle raconte. Pourquoi ne les a t-elle pas emmener avec elle ? On a toujours le choix dans la vie même dans se genre de situation. 

- J'ai ensuite quitté la France et je suis partie vivre en Espagne chez ma tante le temps de reconstruire ma vie. C'est là que j'ai rencontré John.

Ses yeux larmoyants brillent au rappel de ce souvenir.

- Nous avons appris à nous connaître et nous t'avons eu, toi, Judith...

Elle n'ose pas me regarder en face. Je n'arrive pas à croire ce qu'elle raconte. Je n'ai aucune preuve mais je sais que ce n'est pas elle ma mère. Je ne peux m'empêcher de crier :

- Arrête de mentir à tout le monde ! Je suis pas ta fille, tu le sais très bien !

Cette femme forte et froide me fixe de ses yeux verts avant de me dire sèchement :

- Que tu le veuilles ou non, c'est moi qui t'es élevée !

Voilà ! Je le savais ! Je connaissais la vérité depuis longtemps mais je n'osais me l'avouer. Cette affirmation me fait l'effet d'un coup de poignard dans le cœur. J'espérais profondément que toutes mes peurs n'étaient que le fruit de mon imagination mais apparemment je me trompais. Tout s'explique : sa distance, sa froideur, son ton sec à chaque fois que je lui demande quelque chose... Je réponds entre les larmes qui roulent sur mes joues :

- Tu gâches chaque seconde de ma vie comme tu l'as fait pour Emy, Grégoire et Joë ! Tu ne sais pas toi, ce que c'est de vivre avec une mère absente, tu ne connais pas l'abandon, la souffrance ? J'espère qu'un jour tout ce que tu nous as fait subir t'arriveras ! Je ne te le pardonnerai jamais ! T'es qu'un monstre sans vie !

Ces mots jaillissent de ma bouche avec tant de haine et de colère. Grégoire pose sa main sur ma cuisse en signe de réconfort. Je sais qu'il est tendu, son autre point est serré et ses épaules sont repliées. Tout le monde reste figé sans oser prononcer un seul mot. Ma mère ahuri répond :

- Et toi tu n'es qu'une jeune fille insolente qui a gâché les seuls moments heureux que je partageais avec ton père !

- Valérie ! la coupe mon père.

Alors là s'en est trop ! C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Comment peut-elle oser dire une chose pareille ! Je m'approche de cette femme et la gifle de toutes mes forces. Ses yeux sont remplis de colère. Je regrette aussitôt mon geste. J'hurle de toutes mes forces :

- L'avantage c'est que tu ne pourras pas gâcher ma relation avec Grégoire ! T'as les boules hein !? Tout ce que tu veux c'est que j'ai une vie aussi merdique que la tienne ! Mais tu sais quoi, je te ressemble en aucun point et c'est ça qui t'énerve, c'est pour ça que tu me détestes...

Grégoire m'attrape par le bras et m'entraîne dans sa chambre avant que la situation ne vire au carnage. Je m'écroule sur son lit à côté de lui. Je n'arrive toujours pas à croire qu'en l'espace de deux mois, le monde s'est littéralement écroulé autour de moi. 

- Tu sais que le pire dans tout ça, c'est que je m'en fou totalement que ça soit pas ma mère biologique. Je ne me suis jamais entendu avec elle, c'est pas demain que ça changera !

- Si tu le dis... Moi je n'arrive pas à réaliser tout ce qui se passe en ce moment. Y a trop de truc là ! Demain ça sera quoi encore ? Mon père est en vie et veut nous reprendre ? Non mais vraiment j'en peux plus là !

Il souffle en s'affalant sur le lit à côté de moi. Je peux le comprendre, j'ai exactement le même avis que lui. Chaque jour qui passe, un voile se lève sur les vieux secrets enfouis à deux milles pieds sous terre.

- Après faut voir l'avantage...J'ai la plus belle et la plus cool des copines et en plus elle habite sous le même toi que moi.

Je souris et l'embrasse tendrement. Je ne sais pas comment il fait pour toujours être si optimiste et heureux. Il se positionne au-dessus de moi et passe sa langue le long de mon coup. Je gémis doucement et passe mes mains dans ses cheveux bouclés. Notre baiser se fait de plus en plus intense. Il passe sa main sous mon haut et dessine de petits ronds avec son pouce sur le bas de mon ventre. Je lui enlève son polo et enroule mes mains autour de sa taille. Sa silhouette en V musclée me rend folle. 

- Je veux le faire maintenant... 

Il s'arrête visiblement surpris par ma demande. Il passe une main dans ses cheveux et s'allonge sur un coude afin de me regarder. 

- Désolée, je disais ça comme ça, t'inquiète pas, dis-je pour combler le silence.

- Euh...Je pense pas que ça soit le bon moment Ju'... Je veux pas que notre première fois soit un pansement...

Je fais une moue déçue mais au fond, je pense qu'il a raison. Je ne suis même pas sûre d'être totalement prête. Je pose ma tête sur son torse et me laisser aller à la rêverie.

Spring will be rebornOù les histoires vivent. Découvrez maintenant