12 | PASSAGE

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SASAKI NE SAIT PAS CHUCHOTER. Alors que Kana et moi essayons de nous faire aussi discrète que possible, lui, ne fait que poser des questions en criant.

— Aides-moi à boucher les trous du cadis au lieu de paniquer. Ça nous évitera pas mal de trucs.

— Éviter quoi au juste ? La découverte d'une nouvelle espèce mi-humaine mi-carpe ?

— Miquoi ? Demande Kana.

Sasaki soupire, il ne s'est pas vraiment habitué.

Je ne répond pas, trop occupée à scotcher une foutue bâche en plastique sur un cadis rouillé. Le même cadis dans lequel Kana avait flâné il y a deux jours. Oui, deux jours ! J'ai perdu la notion du temps depuis le gage. J'étais tellement coincée dans ma routine que je comptais les jours jusqu'à l'infini, maintenant, j'ai l'impression d'avoir pris dix ans en soixante-douze heures. Mes cernes n'avaient jamais atteint le commencement de mes pommettes jusqu'à maintenant.

Sasaki reste là, les bras ballants tandis que je galère. Kana s'est hissé un peu plus sur le bord mais sa queue tricolore est toujours dans l'eau. Elle me regarde travailler, sans vraiment être intimidée par mon idiot de meilleur ami.

— Dis, tu pense qu'elle est magique ? Me demande t-il.

— Tu peux LUI demander, je ne pense pas que tu appréciera sa réponse mais ça m'éviterais de devoir jouer les portes paroles pendant que JE galère.

Il souffle encore. Il peut continuer, je ne lâcherais pas le morceau cette fois.

Sasaki se retourne vers Kana, ses yeux – bien que dans le noir – débordent de curiosité et de peur. Il s'accroupit devant elle et essaie de paraître gentil.

— Kana. . . Est-ce que t'es magique ?

Kana ne comprend pas, faisant perdre Sasaki encore une fois. Il s'assoit et laisse Kana jouer avec ses orteils, vaincu. Elle est toujours aussi émerveillée et n'est absolument pas lassée de cette partie du corps humain.

De mon côté, le Yukata que je porte beigne dans l'eau stagnante, mes fesses avec. Je coupe un nouveau bout de scotch à l'aide de mes dents et vient le coller entre les trous pour maintenir la bâche, de quoi y ajouter un peu d'eau.

La dernière fois, Kana s'était sentie étrange lors de notre escapade. Elle m'avait raconté que ses écailles devenaient rêche et coupantes, (un peu comme du papier de verre) et qu'elle avait aussi un peu de mal à regarder le soleil sans sentir son corps brûler. J'en ai déduis qu'elle manquait certainement d'eau tout du long et qu'il aurait fallu trouver un stratagème pour l'hydrater durant quelques heures.

— Bravo inspectrice. S'était agacé Sasaki, les bras seulement occupés à trembler.

Ce n'était absolument pas le moment d'avoir peur, encore moins d'un personne aussi innocente que Kana. Quand je lui ai dis ça, il s'est encore énervé :

— Je te signale que Mei et sa copine bizarroïde n'est pas joignable. Peut être qu'elle les a noyé et qu'elle les garde pour le goûter ? Avait-il dit.

Kana craint bien moins Sasaki que lui la craint. Même encore maintenant, après lui avoir expliqué qu'elle ne mangeait ni ne noyait d'être humains, il reste septique. Je pense que ça un rapport avec moi, enfin, je ne pense pas qu'il soit obsédé par mes relations mais ça doit quand même l'inquiéter. Au moins un peu. C'est pas tout les jours que l'on tombe amoureux d'une fille-poisson, encore moins quand l'on a seize ans.

De ce côté là, je ne peux pas vraiment lui donner tord. J'évite juste de trop en parler et essaie de me concentrer au maximum sur ma tâche. J'espère que Sasaki comprendra bientôt pourquoi je fais ça, même si c'est complètement insensé. Dans un crachotement éreinté et désagréable, j'arrache un dernier morceau de scotch et le colle sur les bords du cadis, enfin terminé.

ALGUEMOUREUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant