14 | PARTIR

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MA MAIN GAUCHE EST ACCROCHÉE AU CADDIE. L'autre remontre mon débardeur tout les quart d'heures, sans oublier ma frange, que je dois relever dès qu'elle m'empêche de voir les marches. Sasaki ne se plaint plus, Kana ne pose plus de question, tout est silencieux hormis le son de mon estomac : ce n'est pas la faim, c'est le stress.

J'ai l'impression d'avoir échangé les rôles avec Sasaki... Lui qui avait si peur de partir est maintenant devant, il s'occupe tous nous porter vers la sortie. Kana est complètement muette, ce qui change vraiment de d'habitude et est aussi plutôt inquiétant. La seule bonne novelle, c'est que plus personne ne nous cherche. Ou en tout cas personne ne sait où nous sommes Sasaki et moi. C'est une bonne chose d'avoir laissé son téléphone au troisième étage, même si nous ne savons pas combien de temps à passé depuis que nous sommes partis. L'atmosphère est aussi mauvaise. J'ai l'impression que Sasaki est en colère de l'avoir écrasé. Et pourtant... Il a quand même eu le courage de le faire.

Je ne sais pas ce que j'aurais fais à sa place, parce que son Grand-Père est très important pour lui. Mei aussi, il a beau m'avoir défendu et s'être excusé de ce qu'il s'est passé, si je ne l'avait pas surprit avant il lui aurait certainement répondu.

Ce qui est sûr, c'est que ces deux là doivent être inquiets. Pour lui. Peut-être même plus que je le suis pour cet idiot, ou peut-être pas. Est-ce que c'est mieux de savoir ce qu'il se passe plutôt que d'en avoir aucune idée ? Je soupire.

Chaque pas ne m'évoque plus la peur de tomber, mais plutôt celle de blesser. Pas moi, les gens, les autres ; Sasaki, Kana, les gens qui les aiment.

En faisant ça je me demande si je fais réellement ce que je souhaite.

Je me demande si je ne fais rien autre que du mal aux gens, aux gens que j'aime.

Et surtout si je ne lui fais pas plaisir, à ma mère, à Mei, aux professeurs.

Je n'ai pas envie d'imaginer monsieur Oisumi, le grand-père de Sasaki pleurer sa disparition. Encore moins entendre Mei se plaindre, d'une chose qu'elle ma fait subir pendant trois ans.

En haut, le vent souffle. Il s'incruste dans les ruines et siffle, hurle, fait trembler les escaliers et les murs. Personne ne réagit, pas même Kana : ses mains sont aimantés au caddie, je ne les sens même pas frissonner.

Sasaki tire le chariot un peu plus fort ce qui nous fait monter cinq marches d'affilées. Je le suis tant bien que mal, même si le froid me tétanise et même si je ne suis pas sûre. Je ne suis plus sûre de rien.

Ce dont je suis sûre, c'est que je ne veux pas rentrer. Je ne veux plus revoir l'école, le stade abîmé et ces uniformes débiles. Je ne veux plus entendre monsieur Terada parler d'amour, de mort ou de ce satané auteur de génie.

J'aimerais voir la mer, plonger la tête dedans.

Je veux que le temps s'arrête... que mes jambes se gèlent.

Pour qu'elles ne tremblent plus, qu'elles ne me lâchent plus.

— Yuri !

Je sors de ma torpeur et vent à arrêter de souffler. Kana se tient devant moi, au dessus de moi. Ses mains entourent mon visage. Elle pleure...

— Kana...


JE SUIS LA PLUS ÉGOÏSTE, je le sais très bien.

Partir, c'était mon choix, pas le leur. Et maintenant c'est moi qui a peur. C'est moi qui fait pleurer les gens. Qui les fait souffrir.

Les mains de Kana son sèches, elles sont également glacées.

ALGUEMOUREUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant