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JE CROIS QU'AMOUREUSE EST UN MOT UN PEU FORT, ou trop faible. J'ai regardé dans le dictionnaire multilingue et ce mot est différent à chaque traductions. Moi, je le trouve si complexe que j'ai l'impression que je vais m'arracher le cœur si je l'avoue, ce qui est bizarre pas ce que je n'ai jamais vu personne réagir comme ça. Peut-être parce que c'est différent des autres, ou peut-être que je ne suis pas douée ni vraiment courageuse. En tout cas, je sais toujours pas ce que je ressens clairement, je verrais quand elle se trouvera devant moi.

Si c'est de l'amour, est-ce que je dois lui dire ? La question serait surtout, comment lui dire. C'est sûre que quand on s'amuse à se moquer des relations des autres en n'arrivant même pas à garder son meilleur-ami, ce n'est pas facile de gérer ce genre de choses. Sérieusement... J'ai l'impression d'entendre Sasaki parler.

Au moins lui, il devait savoir. Sinon je n'aurais pas appris leur relation des mois après. Il a du se confier à son grand-père, alors que moi, je me coltine sa petite amie, ses yeux de merlan frit et mes idées noires. Super, vachement romantique tout ça !

Le soleil n'a pas quitté l'horizon, il est toujours bien assez haut pour que je ne me perdre pas en chemin. Ça veut aussi dire que mes parents devaient être encore levés lorsque je suis partie. Pour mon père, aucun doute qu'il dort maintenant, la pêche l'épuise et les journées sont plus longues. Pour ma mère... J'ai tellement eu peur qu'elle m'entende dans les escaliers que j'ai décidé de sauter par la fenêtre, comme une voleuse. Je m'en suis sortie sans trop de bleus.

Pas d'égratignures, seulement le cri d'un chat qui se dandine sur les présentoirs de la couturière. Remuant la queue comme cherchant l'attention, il s'enfuit avant même d'avoir fini son cinéma. Normalement, ce genre de choses me ferait me rouler par terre. Maintenant, j'ai l'impression que je n'ai qu'un seul objectif. Ma mère a sûrement raison, en partie : j'ai quelque-chose qui cloche, mais ce n'est certainement pas à cause de Kana. Si je veux la rejoindre, c'est parce que Mei à raison. En partie.

Je cours n'importe comment, escalade maladroitement la rambarde abîmée, tombe et repars tout aussi rapidement. J'espère un jour oublier ce genre de moments où je finis par me ridiculiser parce que j'agis avant de penser. Certes, heureusement que je ne suis pas si prévoyante et sérieuse que d'autres personne, mais j'ai passé tellement de temps à lui courir après que mes chaussures blanches ne le sont plus. Sans oublier celles que j'ai perdues, ça fait beaucoup de paires de chaussures en moins d'une semaine.

Ma penderie ne possède pas énormément de vêtements même si je grandis encore et dépasse ma mère désormais. Dedans il n'y a que quelques shorts, pantalons et T-shirts. Souvent ce sont des vieux à mon pères ou des cadeaux d'autres pêcheurs. Certains datent encore du collège et son des cadeaux de Sasaki, ils ne me vont plus mais je les garde, dans un coin en espérant un jour ne pas déprimer en les regardant. Surtout au vu que ce que c'est : des T-shirt imprimés saumon et jeux de mots sur la pêche... Vraiment, je préférerais en rire ou peut-être même les oublier, eux aussi.

Au moment où je m'approche de la porte, j'essaie de m'arrêter et de reprendre mon souffle. Mais tout s'accélère. Je ne contrôle plus rien et traverse la porte sans m'arrêter de courir. Je finis par trébucher sur le sol et glisser sur l'eau stagnante en roulant jusqu'au rebord. Merde. Ma tête. J'ai envie de vomir.

— Yuri ?! Je lève la tête. Impossible de dire quelque-chose, peut-importe quoi. Je ne fais que haleter comme un petit chien. Kana s'inquiètent encore plus, elle continue :

— Tu saignes !

— Hein ?

J'inspecte mon visage et mes bras avec mes mains sales avant de grimacer de douleur. Kana effleure le côté de ma jambe droite et j'aperçois l'étendue des dégâts : de larges traces rougeâtres décorent ma cuisse et mon mollet, le tout couvert d'une boue étrange. Ce n'est pas si douloureux quand on ne le vois pas, Kana est absorbée par mon morceau de chair, elle ne l'a pas lâché du regard et continue d'en effleurer certaines parties pour y enlever la saleté. Je m'assied à côté d'elle et mes jambes sont plongées dans le bassin. L'eau est gelée. Elle ne s'éloigne toujours pas mais m'a lâché aussitôt, ma jambe droite me pique, pas autant que mes yeux.

ALGUEMOUREUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant