Chapitre 6 : Sous-sol

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Edwin et moi avions organisé des tours de garde, pour que nous ne nous retrouvions pas dans la même situation que moi, la nuit dernière. Il avait le premier tour. Je m'allongeai donc dans mon lit, après avoir pris un morceau de notre repas du soir. J'eus quelques difficultés pour m'endormir. Sûrement parce que je n'avais pas encore confiance en ce garçon mystérieux, taciturne, mais c'était le seul lien avec l'espèce humaine que j'avais pour le moment et je souhaitais le garder. Par précaution, j'avais gardé mes vêtements et caché mon couteau dedans.

Deux heures après, je fus réveillée par Edwin. C'était mon tour. Je ne me sentais pas du tout reposée. En me postant à la fenêtre, je pouvais avoir une vue dégagée et sur la rue, et sur le reste de la ville, en levant un peu les yeux. Le ciel étoilé me regardait. J'avais oublié à quel point la nuit pouvait être plus belle que le jour. La lumière de la Lune n'éclairait qu'une partie de la ville et, au loin, le Mur. En plissant les yeux, je pouvais remarquer une lueur étrange provenant d'une partie du Mur, comme s'il y avait quelque chose derrière. Une grande installation électrique. Ou un quartier d'une ville. Au Nord de notre position.

C'était la décision qu'il me fallait. Une destination où aller, après que nous ayons trouvé une solution pour sortir de notre situation.

Il me restait une demi-heure de garde. Une demi-heure de temps à tuer. Une demi-heure pour trouver un moyen de sortir. Je décidai donc d'explorer plus précisément le bâtiment. En descendant au sous-sol, je remarquai une trappe en métal. Sans difficulté particulière, elle s'ouvrit quand je tirai dessus. Un escalier s'enfonçait dans la pénombre. Il ne faisait pas assez clair pour que je puisse descendre sans risque, et de toute façon, en bas, je ne verrais rien qui puisse m'aider. Mais une idée me vint en tête. Les égouts. Un immeuble comme celui-ci était forcément relié à un réseau d'évacuation des eaux usées.

Le reste de la nuit se passa sans encombre, j'occupais mes tours de garde en regardant les étoiles et en tentant de retenir chaque constellation. Mais, avec aucun souvenir, la tâche était plus difficile.

À l'aube, Edwin me réveilla. Le temps que je me remette de ce réveil matinal, et je lui expliquai mes trouvailles de la nuit. Il sortit alors une lampe-torche à dynamo de sa poche et me la tendit, sans un mot.

Un faisceau puissant baigna l'escalier d'une lumière blanche et crue. En descendant dans l'ombre, nous tombâmes sur une cave, vide. L'humidité faisait suinter les murs et le carrelage au sol n'était réduit qu'à des vestiges de mosaïque, laissant clairement voir la terre en dessous. De cette terre fertile poussait de l'herbe. Des meubles et des coffres entreposés là, il n'en restait rien, créant ainsi un écho pour chaque son que nous produisions. Notre respiration, le bruit de nos pas, les gouttes d'eau tombant du plafond sur le sol.

Mes attentes furent complètes quand, au sol, je vis une plaque d'égout ronde, verte de vase. En combinant nos efforts, nous pûmes la décaler de sorte que nous puissions passer la lampe torche. Une échelle de métal descendait. De notre point de vue, nous ne voyions pas le fond. Les barreaux semblaient rouillés, mais, à vue d'œil, pourraient soutenir notre poids.

Nous remontâmes plier nos bagages, ranger le campement et effacer toute trace de notre passage.

Un dernier coup d'œil dehors, par acquis de conscience, pour vérifier si le danger était toujours présent. C'est quand je vis un deuxième aileron, aussi grand que celui qui pointait déjà hors de l'eau, que je fus convaincue que la meilleure solution restait de partir par les égouts.

C'est à ce moment que je pensai à la voiture. Pour aller vers le Mur, elle était indispensable, car, autrement, la marche à travers les rues inondées, les bâtiments désaffectés et avec les nombreux dangers qui nous attendaient là-bas, serait impossible et sûrement très longue. Le problème n'était pas là. Pour l'instant, il fallait que nous sortions de là, et le plus vite possible.

En décalant un peu plus la plaque d'égout, nous pûmes passer entièrement notre corps.

Je commençai à descendre les barreaux, Edwin me suivant, quelques mètres au-dessus.

La descente se faisait de plus en plus longue. Mes cuisses commençaient à chauffer et je forçais sur mes bras pour que tout le poids ne se porte pas uniquement sur le barreau de fer piqueté de rouille qui me soutenait. La lampe d'Edwin ne parvenait pas à percer la pénombre profonde sous nos pieds.

Puis, l'inévitable arriva.

Un moment d'inattention et mes bras, endoloris eux aussi par l'effort constant, lâchèrent, emportant tout mon poids sur le fin barreau sur lequel je me tenais, qui, évidemment, craqua.

La chute fut longue. Ou courte, je n'en sais rien. Pour moi, je sentais juste l'air sifflant à mes oreilles. Rien ne défilait autour de moi.

Puis, le noir.

DeepOù les histoires vivent. Découvrez maintenant