Chapitre 9 : Dialogue

14 2 0
                                    

Un rayon de soleil me chauffait le visage et me réveilla doucement.  Le premier réveil agréable que j'avais eu depuis plusieurs jours. À mes côtés, Edwin dormait encore. Il n'avait l'air pas aussi grand et imposant que quand il me portait ou conduisait la voiture. À bien y réfléchir, il était même plutôt mignon. Bon. Je n'avais pas d'autres concurrents pour comparer mais quand même. 

Pourquoi avais-je ce genre de pensées. Les seuls mots que nous avions échangé étaient des petits bouts de phrase sans grand intérêt sur une direction à suivre ou une information à donner. En même temps. Qu'avions-nous à nous dire. Aucun souvenir des deux côtés, seulement ce que nous étions en train de vivre ensemble. 

Je ne pouvais pas penser à ça. Pas maintenant, alors que nous ne nous connaissions que depuis quelques jours, que nous tentions de survivre dans ce monde foutu en l'air par la race humaine, et que chaque jour avait déjà sa dose de frayeur, d'angoisse et d'action. Nous n'avions pas besoin de tenir plus à l'autre que nécessaire. Pas pour le moment.

Il remua à côté de moi. Je détournai vivement le regard de peur qu'il m'ait remarqué en train de le regarder dormir. Je parvins tant bien que mal à m'asseoir, sans trop de douleurs. 

Edwin balança ses jambes par dessus le bord du lit, me lâcha un vague "bonjour" pas réveillé et descendit préparer un petit-déjeuner à base de pain sec, de beurre et de viande lyophilisée. Dans les caves de la maison, en fouillant un peu, Edwin était tombé sur une réserve de nourriture. Évidemment, les trois-quarts étaient moisis, périmés ou trop humides pour être consommable, mais le quart qui restait était suffisant pour nous deux, pendant encore une dizaine de jours. De plus, nous n'avions pas consommé encore toutes les rations qui nous ont été données à notre réveil. 

Quand les bruits de cuisine se furent tus, un bruit de pas se fit entendre depuis les escaliers. Edwin entra dans la chambre, un plateau repas dans les mains et un sourire aux lèvres. C'était la première fois que je le voyais sourire. Il était évident que je le trouvais mignon maintenant. 

Il déposa le plateau sur la couette, s'allongea près de moi et nous commençâmes à manger. Le repas dura longtemps. Nous discutâmes plus que de raison. Car évidemment, c'est quand je me plains intérieurement que nous n'avions jamais échangé plus que des bribes de phrases que nous nous mettons à dialoguer comme deux vieux amis. Il savait pour la Terre. De la même manière que les souvenirs m'étaient revenus en partie, il était au courant qu'il était issu d'une de ces familles survivalistes, qui avaient planqués leurs enfants dans des bunkers comme le nôtre. Par contre, il n'était pas au courant pour les événements qui sont survenus dans cette ville, car, évidemment, il n'avait pas eu accès aux dossiers confidentiels. Ce fut un départ de sujet de conversation. Lui raconter ce que j'avais découvert, et surtout expliquer la présence d'un gigantesque mur autour de la ville. Si sur le coup aucun mot ne pouvait sortir de nos bouches, maintenant, une multitude de questions nous venaient à l'esprit. 

Pendant plusieurs heures, nous eûmes une discussion. Nous parlions de tout et de rien, sous-entendant des dires tendancieux parfois, nous rapprochant aussi bien amicalement que physiquement. À mon grand damne. Car pour une question pratique, nous ne pouvions pas nous plaire mutuellement. 

Le moment fatidique arriva. Nous devions commencer à sortir du cocon que nous avions créé. Difficilement. Il sortit du lit avec lenteur, comme s'il ne parvenait pas à s'arracher à ce moment de partage. Il empaqueta les affaires dans nos sacs respectifs, les remplit avec les rations de survie de la cave. 

J'avais un mauvais pressentiment. Il fallait que nous partions et vite. Même maintenant. Nous prîmes rapidement nos affaires. J'étais tellement mise à mal par ce sentiment d'inconfort que je ne réagis même pas quand le garçon me prit dans ses bras pour m'asseoir sur le siège passager de la voiture. 

Je n'arrivais qu'à stresser plus Edwin en lui répétant qu'il fallait partir. Mon instinct de survie me jouait peut-être des tours, mais je n'allais pas vérifier. Quand on a un mauvais pressentiment, il fallait quasiment tout le temps s'y fier. 

Écrasant la pédale de l'accélérateur, nous eûmes le temps de nous éloigner d'une centaine de mètres. 

Avant l'explosion.

DeepOù les histoires vivent. Découvrez maintenant