Ainsi, mon pressentiment était bon.
La maison dans laquelle nous avions dormi réduite en miettes. De gros blocs de béton tombaient autour de nous. Edwin slalomait avec la voiture pour tenter de les éviter. Il le faisait très bien avec les plus grands morceaux, mais une grêle de petits graviers s'abattait sur nous, nous écorchant les bras et le visage.
Cela ne voulait dire qu'une chose. Primo, que nous ne sommes à en sécurité à aucun endroit nous allons. Et secundo, nous étions forcément surveillé. Personne d'autre que nous ne savions que nous nous étions installé là-dedans. La personne (ou l'intelligence artificielle d'ailleurs) qui était derrière tout ça avait des yeux partout et pouvait contrôler tout ce que nous faisions, l'endroit où nous nous installions, les vivres auxquels nous accédions, les dangers que nous rencontrions ... Une sorte de sentiment de danger perpétuel. Ou de manipulation. À mon avis, ce n'était pas l'endroit que cette personne avait prévu comme notre nouveau foyer.
J'eus la malheureuse idée de jeter un regard en arrière. De notre semblant de cocon, ne serait-ce qu'amical que nous nous étions créé, il n'en restait rien. Les quelques morceaux de murs et de tuiles qui tombaient encore n'étaient pas plus gros que mon pouce. On pouvait voir quelques tuyaux de canalisations qui dépassaient des fondations, mais l'eau commençait déjà à tout remettre à niveau, remplissant la cave dans de grands courants boueux.
Nous n'avions plus de foyer officiel, plus d'endroit où dormir, où manger, où commencer un semblant de nouvelle vie.
Perdue dans mes pensées, je ne vérifiais pas la direction que prenait Edwin. La maison blanche et moderne. Le seul bâtiment à l'air neuf dans cette ville. La seule véritable trace humaine non-hostile sur laquelle nous étions tombés.
Il n'y avait pas de grandes différences à proprement parlé. Accolée au Mur, elle était toujours là, blanche, immaculée, lisse.
Nous décidâmes naïvement d'en faire le tour.
Ce fut sûrement la meilleure décision que nous prîmes de notre aventure. Car effectivement, de l'autre côté du bloc blanc se trouvait une ouverture. Il n'y avait pas de porte, pas de système de rail. La construction était juste ouverte comme si elle avait été bâtie ainsi, alors que je me rappelle très bien d'en avoir fait le tour, la dernière fois, sans découvrir quoique ce soit d'aussi significatif.
Un trou. Une ouverture béante, comme une bouche noire, sans lumière. L'obscurité était presque quelque chose de matériel. La noirceur de l'ouverture était quasiment palpable. Comme un deuxième Mur mental qu'il fallait passer pour parvenir à faire ne serait-ce qu'un pas. Edwin devait avoir le même sentiment que moi, car il y jeta un caillou. Un son de rebond retentit en écho. Puis s'arrêta jusqu'à ce que nous ne l'entendions plus.
Je ne savais pas comment réagir. Dans ce cas-là, je l'avais compris précédemment, mon cerveau suivait son instinct. Là, c'était chercher la protection. Car, dans l'ombre du Mur, face à cette brèche dans la surface blanche du bâtiment, c'était la seule chose dont j'avais besoin. Du réconfort. Mon cerveau réagit instantanément. En commandant à mon bras de prendre la main d'Edwin et de la serrer très fort. Par chance, il ne se dégagea pas. Mais il fit un pas en direction de cette porte.
Je ne bougeai pas. L'appréhension que j'avais ressentie face au Mur se décuplait devant cette ouverture. Seul le contact physique avec le garçon tarissait légèrement ce flot de mauvaises émotions qui me submergeait.
Me tirant en avant, il fit un deuxième pas, m'encourageant silencieusement à progresser. J'en fis un premier, difficilement. Puis un deuxième, me portant au niveau d'Edwin. Et nous marchâmes ensemble, main dans la main, vers ce que je ressentais comme être l'entrée des Enfers. Effectivement, cela ressemblait fortement à la scène finale d'un film d'action romantique. Mais non, c'était bien réel, et j'avais bien vécu ces moments mélodramatiques de marche lente vers cette bouche sombre.
Nous nous arrêtâmes devant la porte, le bout de nos chaussures à la limite de l'ombre de l'obscurité. Il nous fallut quelques minutes pour nous décider à y entrer, dans cette noirceur qui colle à la peau, qui obscurcit l'âme et qui ne vous lâche pas.
Une sensation de piqûre dans la nuque.
La chute sur le sol.
L'inconscience.

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Deep
AdventureSur une Terre inondée par la montée conséquente des eaux, une jeune rescapée de la catastrophe tente de survivre dans ce nouvel univers hostile et inconnu.