Chapitre 9

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Des heures.

Des heures sont passées depuis mon départ du territoire de la meute Sombre, des heures que je subis à nouveau ce silence glaçant, cette solitude si pesante. Hasna fait bien un peu de bruit lorsqu'elle bouscule des objets en sautant sur les meubles, ou lorsqu'elle se met à faire ses griffes sur son perchoir, mais pas de boutade, de rire, de grognement, d'aboiement agressif, de parole de loup complètement insensée...

Est-ce que Tobia me manque ?
Peut-être bien, oui.

Juste deux jours à le supporter tourner autour de moi sans arrêt m'ont fait m'attacher à lui, ce loup noir au sale caractère qui m'a agressée, griffée et bavée dessus. Un baiser de sa part a suffi à m'électriser, un baiser qui ne veut d'ailleurs rien dire si ce n'est un " merci " des plus agréables. Il est arrivé, a démontré sa reconnaissance en posant ses lèvres chaudes contre les miennes, et ça s'est arrêté là. Il n'y a rien de plus que de la gratitude derrière ce baiser.

Je ne serais pas ici sinon.

Je secoue la tête, désespérée par mes pensées d'ados puérils. Un homme hyper séduisant m'a embrassée et maintenant je ne cesse d'y penser alors que je sais très bien que nos routes ne se recroiseront sans doute jamais. De toute évidence, cela fait trop longtemps que je n'ai pas eu de relation amoureuse.

Même pas un seul flirt depuis presque dix ans.

Ennuyée, je termine de rédiger un long rapport à ma mère sur ce qu'il s'est passé ces deux jours - juste ce qu'elle a besoin de savoir, que j'ai soigné un loup et que l'on m'a bien payée. J'ai opté pour un message, je ne veux absolument pas discuter avec ma mère, ou pire, avec mon père qui peut décrocher à sa place.

Oh non, ni maintenant ni même dans aucune autre vie.

Après avoir envoyé le message, je vais dans la cuisine me préparer quelque chose à me mettre sous la dent puisque j'ai sauté le déjeuner. Je fouille dans les placards et en sors un paquet de biscuit déjà entamé lorsque quelque chose m'interpelle. En général, Hasna me suit toujours lorsque j'entre dans la cuisine, toujours prête à me réclamer une petite douceur, or, je ne vois l'ocelot nul part autour de moi.

-Hasna ? je l'appelle, soucieuse.

Peut-être est-elle malade ?

La petite chatte n'apparaissant toujours pas, je décide de la chercher, délaissant les biscuits sur le plan de travail. Je ne la trouve pas dans le salon, ni dans ma chambre, en fait je fais le tour de toutes les pièces sans la trouver. Comme toutes les fenêtres et portes sont fermées, et que je suis certaine de l'avoir fait entrée en même temps que moi, je me dis qu'elle doit sûrement s'être cachée dans, genre, une très très bonne cachette. Mais j'entends un feulement agressif retentir, troublant ce lourd silence.

Ouais, assurément pas le bruit d'un animal malade.

-Hasna ? je l'appelle encore, avant de me figer net.

Un grognement purement félin retentit à nouveau, atténué comme si l'animal est à l'extérieur de la maison. Je repère du mouvement sur ma droite. Hasna est là, allongée sous le meuble télé, ne laissant dépasser qu'un bout de sa patte tachetée. Ses yeux luisent dans l'obscurité sous le meuble. Elle ne bouge pas, ne miaule ni ne feule, mais je le vois. Elle a peur. Je me demande bien ce qui peut la mettre dans cette état.

Mais j'ai l'impression que je vais vite le savoir.

À l'extérieur, l'animal qui semble rôder autour de ma maison s'arrête de grogner. Je me mets à espérer qu'il soit parti, même si je suis sûre du contraire. Soudain, du verre éclate non-loin de moi. Lorsque je me retourne, ma fenêtre est brisée et un lynx, de mauvaise humeur, se tient là, prêt à me sauter à la gorge.

AliénéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant