Aliéné

Chapitre 13

Je ne sais plus quoi faire. Il y a encore quelques heures de cela, j'étais décidée à refuser les avances de Tobia et le pousser à rentrer chez lui, mais mes bonnes résolutions semblent s'être envolées à l'instant même où le loup est réapparu dans mon champ de vision. C'est presque impossible de dire non à un homme aussi mignon, surtout que sa proposition est des plus tentantes.

Epouser un homme très sexy et qui fait passer sa femme en priorité est sûrement le but numéro un de la majorité de le gente féminine.

Mais il ne faut pas que je craque. Je pense que cette relation, c'est un amour impossible. Il ne peut pas quitter sa meute, et je ne peux pas la rejoindre. Je ne doutes pas un instant que les relations à distances sont excluses. Alors je n'ai pas le choix. Je dois lui faire ouvrir les yeux, au risque de le faire souffrir.

Me faisant souffrir moi par la même occasion.

Mon frère est parti il y a peu. Je le revois me souhaiter bonne chance juste avant de monter dans sa voiture et de partir loin. Je me repète ses mots en boucle en espérant qu'elle me donne le courage nécessaire pour affronter l'horrible tête de mule.

Natasha est partie prendre une douche, mais le regard qu'elle m'a lancé avant d'y aller me confirme qu'elle y est surtout pour me laisser seule avec le loup afin de faire ce que Drickes m'a demandé.

-Euh, Tobia ? j'interpelle le loup.

Celui-ci se retourne vers moi, ses adorables billes chocolats rivées sur ma personne. Je déglutis. Je n'arrive pas à croire ce que je vais faire. Je vais faire passer mon bonheur après celui des autres.

C'est une première.

-J'ai réfléchi à ta proposition d'hier, de devenir ta compagne.

Tobia sourie. Il est clair qu'il ne s'attend pas à un refus de ma part. Cet homme est si sûr de lui.

-Alors tu t'es enfin décidé à me mettre dans ton lit ? Et pour toute la vie en plus !

Je fais la moue. Des images de lui et moi s'interposent, tous les deux dans mon lit en train de...

Bon sang, reste concentrée !

-En fait, je me suis plutôt décidée à ne pas te mettre dans mon lit. Dans aucun autre mis à part le tien, chez toi, sur le territoire de ta meute, et seul.

Il est pris d'un rire faux.

-Tu refuses ? Mais pourquoi ? Je nous ai bien observés tous les deux, nous sommes attirés l'un par l'autre, je le vois bien. Je t'attires autant que tu m'attires, et tu ne peux pas me dire le contraire. Ça crève les yeux que tu as envie de me dire oui !

Merde, je suis une si mauvaise actrice que ça ?

J'inspire, prête à déblatérer mon tas de conneries bien répétées.

-C'est faux. Je ne suis pas attirée par toi, tu te fais des illusions. Tout ce que tu crois voir, ce que tu t'imagines, ce n'est que dans ta tête ! Ce que tu ressens pour moi, peu importe ce que c'est, de l'amour ou bien de la simple attirance, ça n'est pas réciproque. Je ne t'aime pas, Tobia !

Je fais une pause un instant, ravalant mes larmes qui menacent de couler. Je ne pensais pas que renoncer me ferait mal. J'étais prête à lui briser le coeur, pas à lascérer le mien au passage.

-Jamais d-de ma vie j-je voudrai être la compagne d'un, d'un, d'un monstre comme toi ! je m'exclame en bégayant, faisant allusion au soir où son loup a pété un câble et s'est mis à tuer tout ce qui bouge.

Je me mords la lèvre pour ne pas sangloter. Je croise les doigts pour que mon air affligée ne gâche pas toute cette mascarade. Tobia reste un instant silencieux, avalant mes paroles avec un certain mal.

Ouais, je crois que la dernière phrase la fait tiquer.

-C'est tout ce que tu as trouvé pour me pousser à renoncer à toi ?

Je reste interdite. Je ne sais pas si Tobia refuse de voir la réalité - une fausse réalité - ou si mon manège n'a tout simplement pas pris.

-Tu ne comprends pas ? Je te dis que je ne veux pas être ta compagne, ni maintenant ni jamais. Je ne t'aime pas, et tu es un vrai idiot si tu crois que...

-Arrête de me baratiner avec tes conneries ! s'énerve t-il, les yeux soudain rougeoyant.

Je ne parles plus. Je ne bouge même plus et c'est à peine si j'ose respirer. Son loup est prêt à prendre le contrôle et qui sait ce qu'il peut me faire sous le coup de l'énervement. Après le coup de boule de la dernière fois, peut-être bien qu'il irait jusqu'à me tuer ce soir. Et je ne sais pas si j'aurais envie de l'envoyer balader avec mes éclairs s'il vient à s'en prendre à moi, ne voulant pas lui faire de mal - physiquement du moins. J'attends un peu, le temps que le métamorphe reprenne un peu son calme.

-Pourquoi penses-tu que j'essaie de te manipuler ? je lui demande posément, néanmoins sur mes gardes.

Un grognement sort de ses lèvres.

-J'ai entendu ton appel avec mon bêta ce matin. Je sais ce qu'il t'a demandé de faire pour me ramener auprès des miens.

Oh.

Je comprends maintenant que ce qui a foiré, ce n'est pas moi et mon minable numéro, ni son côté têtu, mais le fait qu'il a surpris ma conversation avec Drickes. Il l'a entendu me demander de faire partir le loup par tous les moyens radicals possibles. Alors forcément, tout ce que je fais pour lui obéir n'est pas crédible.

-Je suis désolée Tobia de t'avoir balancé tout ça à la figure maintenant que je sais que je n'ai plus besoin de te faire croire à toutes ces bêtises. Mais c'était pour une bonne raison. Il faut que t'y retournes. Autrement, c'est ton frère qui prendra ta place d'Alpha et il n'y aura pas de retour en arrière.

Il secoue la tête.

-Je n'y retournerai pas. J'ai fait un choix, celui de rester auprès de toi, la femme que je veux pour compagne, la seule que je veux dans ma vie. Je t'ai choisi toi, Alethea. Pas ma meute, pas mon poste d'Alpha, mais toi.

Il s'approche, un pas après l'autre. Je n'ose plus bouger.

-Je ne renoncerai pas, peu importe tous les plans tordus que vous mettrez en place avec Drickes. m'avertit-il.

Il continue d'avancer jusqu'à arriver à ma hauteur. Tout près de moi, je sens son souffle se repercuter contre mon visage. Ses yeux, vu de près, brille d'une légère lueur doré que je n'ai jamais remarqué avant. Un spectacle absolument splendide.

-Et maintenant, Alethea, il est temps que toi aussi tu prennes une décision.

Il lève le bras. Sa main se pose sur ma joue qu'il caresse de son pouce.

-Accepte-tu de me prendre pour compagnon ?

Je suis pétrifiée. Je n'ai plus de temps pour réfléchir. Je dois prendre une décision définitive et cette décision je dois la prendre maintenant. Je dois aider la meute, je dois leur ramener leur Alpha. L'amour que nous nous portons tous deux est trop compliqué, mes parents ne laissseront jamais passer ça.

Mais je n'arrive plus à dire non.

-Je... Oui, je l'accepte. je souffle.

Il sourie. Un sourire éclatant, un sourire de pur bonheur. Et là, animé par la joie, Tobia se jette sur mes lèvres, posant les siennes, douces et chaudes, dans un tendre baiser, un acte qui scelle l'amour que nous nous portons, et qui prouvera à tous que nous nous appartenons désormais.

Je suis sur un putain de petit nuage, haut, si haut dans le ciel que je crois même avoir dépassé le paradis. J'ai beau savoir que ce choix était le plus mauvais, je ne peux et n'ai aucune envie de retourner en arrière. Il y aura des conséquences, de grosses conséquences, et je les subirai. Mais plus tard.

Quand j'aurai mis le loup dans mon lit.