Chapitre 22

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Des centaines de gouttelettes transparentes coulaient avec lenteur sur le corps nu d'Andreas. Elles couraient à toute vitesse, dévalant les vallées anguleuses de ses os et les collines formées par ses muscles. La vapeur fumante flottait dans l'air, caressant sa peau burinée par le soleil d'Espagne. Un fin rayon lumineux traversait le hublot teinté, colorant d'une lueur jaune le visage du jeune homme. Ses paupières étaient closes et un mince sourire étirait ses lèvres gercées. Andreas jeta sa tête en arrière et ses yeux océan s'ouvrirent pour contempler les innombrables gouttes qui s'échappaient du pommeau pour venir s'écouler sur son corps. L'eau réchauffait son cœur, apaisait ses blessures.

Au même moment, au cœur de ses pensées, une bataille faisait rage. Avec hargne, les soldats de son esprit s'entretuaient. Andreas était en plein doute. D'un côté, le regard doré de Juan, son sourire arrogant et ses paroles piquantes mettaient à terre ses adversaires tandis que de l'autre, les prunelles émeraudes d'Adel, sa moue joyeuse et ses taches de rousseur dansantes ripostaient avec ferveur. Le jeune homme, complètement perdu dans ce tourbillon de questionnements, ne savait qu'y croire.

Soudainement, dix délicats doigts vinrent effleurer sa peau. Les lèvres roses d'Adel se déposèrent avec douceur sur les siennes. Durant un instant éternel, ils s'embrassèrent langoureusement sous l'eau chaude de la douche, chassant avec violence les soldats aux yeux dorés des pensées du jeune homme.

– Bonjour toi, chuchota-t-elle à son oreille. Malheureusement, je crois que nous sommes attendus.

Leurs deux corps se détachèrent à contre-cœur.

– Allez les jeunes, si vous voulez profiter de notre dernier jour à Grenade, on doit partir immédiatement, les sermonna Humphrey sans méchanceté en les voyant arriver tranquillement.

Le cinquantenaire, vêtu de sa plus belle tenue de touriste, débordait, comme hier, d'excitation. Il les invita à monter à bord du combi et le petit groupe, de nouveau entassé dans le véhicule, repartit à toute vitesse en direction de la Sierra Nevada.

Après une bonne heure de route, ils arrivèrent au milieu de la nature, reine de ces lieux. Tous choisirent un cheval, dans le petit ranch perdu dans les hauteurs. Le jeune homme monta sur une jument à la robe immaculée, blanche comme les nuages qui flottait dans les cieux. Il eut la malchance de tomber sur la plus têtue et rebelle. Celle-ci refusa d'avancer, boudant son cavalier.

– Allez quoi, s'il-te-plaît Esméralda avance ! grogna-t-il agacé en agitant les brides.

La jument se cabra pour montrer son mécontentement, le faisant tomber sur les fesses dans la terre. Andreas, ne s'avouant pas vaincu, réitéra l'action en changeant de ton mais en vain, il se retrouva à nouveau au sol. Adel, hilare, était pliée en deux sur son étalon docile, observant la scène avec des yeux rieurs. Finalement, avec l'aide de la propriétaire du ranch, Andreas réussit à maîtriser sa monture rebelle.

Le petit groupe, à dos de leurs chevaux, flânèrent sur les chemins escarpés de la montagne. Ils admirèrent le paysage à couper le souffle tout en écoutant les bruits de la nature qui chantaient leur plus belle mélodie. Là, perdus au cœur de la faune et la flore, ils se sentaient seuls au monde, un vent de liberté soufflant dans leurs cheveux.

Adel inspirait de profondes bouffées de l'air si pure des hauteurs, remplissant ses petits poumons de l'oxygène montagnard. Ses yeux divaguaient sur le paysage et la silhouette d'Andreas devant elle. L'astre solaire répandait une douce chaleur au-dessus d 'eux qui réchauffait leurs os. Andreas, lui, éprouvait comme à chaque fois qu'il était proche de la nature, un vide serein. Ses idées noires qui pesaient sur son cœur s'envolaient dans la brise fraîche, remplacées par un néant paisible qui valsait dans son esprit. Il esquissait un tendre sourire tout en observant un couple d'oiseau voleter dans le bleu du ciel. Humphrey, qui se chargeait de guider le groupe, était en total harmonie avec la nature, faisant des allers-retours entre la carte entre ses mains et la paysage devant lui. Seul Juan n'avait pas l'air d'apprécier la balade. Durant tout le chemin, le jeune homme poussa des soupirs las, bailla pour montrer son ennui et ne cessa de se plaindre de l'odeur de son cheval en se bouchant le nez. Personne ne fit attention à ses lamentations. Vexé, il passa le plus clair de son temps à tapoter sur son téléphone, une mine boudeuse sur le visage.

Sleep with the fishesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant