Chapitre 5

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Adel arriva sur le parking qui se remplissait peu à peu de voitures chargées de bouées gonflables, de parasols et autres accessoires de plage. Elle accrocha son vélo à un poteau libre, puis marcha avec empressement en direction de la plage. La jeune femme enleva ses baskets et une fois que ses pieds nus furent en contact avec le sable chaud, son sourire s'élargit. La plage s'étendait devant elle, encore vide pour une matinée d'été.

 Elle étala sa serviette juste au bord de l'eau, prit le temps de se tartiner de la crème solaire sur le corps, malgré son impatience, puis se précipita dans l'eau, telle une petite fille excitée de pouvoir jouer dans la mer. 

Adel y entra avec fluidité, sans se soucier le moins du monde de la différence de température. Elle avança jusqu'à ce que son corps soit entièrement dans l'eau salée. La jeune femme attendit qu'une vague un peu plus haute se créa, puis plongea à l'intérieur du rouleau. Elle en ressortit avec grâce, les cheveux collés à son visage. À ce moment-là, Adel était tellement heureuse qu'elle riait bêtement, attirant les regards des autres baigneurs vers elle. Elle commença à nager pour s'éloigner du rivage. Une fois seule dans la mer bleue, scintillante au soleil, la jeune femme fit la planche et se laissa porter par les vaguelettes. Les yeux fermés, elle était comme allongée sur un matelas douillet. Dans ses oreilles, la musique de la mer fredonnait son chant de vagues. Au loin, les percussions d'écumes donnaient le tempo à chaque fois que le rouleau venait s'éclater sur le sable et les ressacs la faisaient danser au rythme de la musique. Le contraste entre la chaleur du soleil brûlant, qui réchauffait sa peau, et la froideur de l'eau salée, sous son corps flottant, créait une sensation indescriptible, mais très agréable. Adel aurait pu s'endormir, se perdre dans l'immensité du bleu de la mer et du bleu du ciel. La jeune femme resta de longues minutes dans la position d'une étoile de mer.

Le hasard le mena au skatepark. Andreas avait envie de rire, de se foutre de tout et d'oublier ses problèmes. La seule personne qui pourrait lui faire prendre un fou rire était son meilleur ami, Damiano. Ils étaient amis depuis leur plus tendre enfance. Il lui partageait et confiait tout, même ses secrets les plus intimes, comme les disputes violentes et fréquentes de ses parents. Ils se connaissaient par cœur et, justement, Andreas savait que son meilleur ami se trouveraient au skatepark, l'endroit où il passait le plus clair de son temps. En effet, il ne s'était pas trompé. Il aperçut son afro dépassant de la foule. Skate à la main, il riait avec un groupe d'autres skateurs.

– Damiano ! cria Andreas, en levant sa main dans les airs.

Ce dernier se retourna vivement en reconnaissant la voix de son ami et accourut vers lui avec un grand sourire. Après un long et complexe check, Damiano demanda :

– Hey, mon pote, qu'est-ce qui t'amène ?

– Bah je suis venu skater un peu avec toi, j'ai rien d'autre à foutre de toute façon !

– Cool ! Let's go ! s'écria son ami de sa voix forte et éraillée.

Tous deux jetèrent leur skate à terre et s'engagèrent sur le quarter. Ils prirent de la vitesse avant d'entrer dans le bowl. Là, au milieu des autres skateurs, ils réalisèrent plusieurs tricks. Andreas effectua un kickflip parfait, avec une aisance déconcertante, puis enchaîna avec un 3.6 flip, suivi d'un ollie, toujours avec autant de facilité. Un léger sourire apparut sur son visage, concentré sur ses mouvements, il ne pensait à rien d'autre.

– Mec, t'as pas perdu à ce que je vois ! s'exclama Damiano, en chatouillant ses côtes pour le taquiner.

Ils s'étaient retrouvés en haut du quarter, après avoir réalisé une bonne dizaine de tricks et prenaient une pause méritée.

– Et moi  je vois que tu ne mets toujours pas ton casque ! Répondit-il,  d'une voix faussement moralisatrice, avant de se désaltérer à grandes goulées.

– En même temps, comment veux-tu que ma crinière de lion rentre dans un casque ? Se défendit-il en prenant une voix aigu.

– Tu devrais les couper. Le conseilla Andreas levant les yeux pour voir son ami qui faisait une bonne tête de plus que lui.

– Jamais de la vie ! S'exclama-t-il outré, ma coupe afro est la chose la plus précieuse pour moi, sans elle, impossible de trouver une petite copine !

– Moi je pense que c'est plutôt ça qui les fait fuir ! L'embêta-t-il, un sourire malicieux aux lèvres.

– Nan, ça les fait craquer ! Contesta-t-il avec assurance, C'est seulement les racistes qui fuient en voyant mon superbe afro, mec. Du coup, ça permet de faire le tri, tu comprends ? C'est stratégique.

– Bon, arrête de dire des conneries, j'ai l'impression qu'il y a que de la merde qui sort de ta bouche. Dit-il en feignant de se boucher les oreilles, puis en lui donnant un coup de coude.

– Ok, je me la ferme. Mais par contre, à midi ça te dit d'aller manger un bon tacos chez Phil ?

– Avec grand plaisir, mon pote !

Ils repartirent et continuèrent à exécuter des figures, non sans se gameler quelques fois, provoquant l'hilarité au skatepark. Lorsque le soleil fut à son zénith, les deux jeunes hommes, affamés et en sueurs, se rendirent au fast food de la ville, afin de savourer un bon tacos mérité.

Pendant ce temps, Adel, trempée, savourait son petit sandwich, assise sur sa large serviette aux rayures pastels. Elle avait passé la matinée dans l'eau. Après sa petite sieste, elle était allée chercher son masque et son tuba et était restée des heures, la tête sous l'eau,à contempler les poissons. Elle adorait cette sensation : respirer dans l'eau. La jeune femme avait assisté au spectacle des fonds marins, avec au programme, le ballet des crénilabres méditerranéens colorés, les allées et venus de bancs de bogues, nageant avec une synchronisation parfaite, ainsi que les rondes des sars de méditerranée, créant un tourbillon de poissons. Et pour décor, une forêt d'algues ondulées ainsi que de sublimes récifs coralliens. Les cheveux pareils aux algues marines, la peau constellée de grains de sels mêlés aux grains de sable, les yeux rougis et brûlants, Adel gardait toujours son sourire aux lèvres.Elle termina son repas, puis s'allongea sur sa serviette afin de calmer son cœur battant avec fureur dans sa poitrine et de contrôler son souffle haletant, tandis que le soleil et ses rayons évaporaient petit à petit les nombreuses gouttes qui recouvraient son corps.

Andreas et Adel songèrent, au même moment, qu'aujourd'hui était vraiment une bonne journée. Ils furent reconnaissants au soleil de l'illuminer, emplissant le monde d'une joie commune. 

Sleep with the fishesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant