Chapitre 18

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Le lendemain, l'astre solaire les réveilla à l'aube, le rideau n'avait pas pu cacher sa luminosité. Tous d'une humeur joviale, ils repartirent avec entrain en direction de leur prochaine étape : Montanejos. De retour dans le van jaune, les amoureux s'occupèrent comme ils le pouvaient, fouillant de fond en combles le véhicule, découvrant un Rubik's Cube aux couleurs délavés, des porte-clés loufoques et un vieux livre aux pages manquantes, tandis que Humphrey, aux commandes du combi, roulait à toute vitesse, rendant le paysage impossible à contempler. Les vitres grandes ouvertes, la musique à fond, ils parcouraient les champs et les prés, en chantant à tue-tête, les cheveux aux vents. Les heures s'écoulèrent lentement et vint le moment où des bruits étranges provenant de leur ventre se mirent à accompagner la musique de la radio. Ne supportant plus ces bruits et les gloussements d'Andreas et d'Adel, pliés de rire, Humphrey se gara sur le bas-côté et coupa le moteur du combi complètement épuisé.

– On va pique-niquer dans le près ! annonça-t-il en sortant du véhicule, pour le plus grand plaisir des adolescents.

Après avoir relevé le capot du van pour laisser le pauvre véhicule respirer et refroidir, ils prirent les victuailles et traversèrent le près jusqu'à atteindre un arbre imposant. En dessous de celui-ci, Adel étendit une nappe à carreaux blancs et rouges, puis tous s'assirent, ravi de la fraîcheur de l'ombre. Ils engloutirent leur sandwich, terminèrent en moins d'une minute le paquet de chips et pour le plus grand désarroi d'Andreas, la jeune femme dégusta sa part de flan pour qui elle dû supplier Humphrey et le jeune homme de l'acheter. Une fois rassasiés, ils s'étendirent sur la nappe, profitant de la nature qui les entourait.

Ils humèrent l'odeur de l'herbe et des fleurs des champs, écoutèrent le chant des oiseaux qui gazouillaient joyeusement dans l'arbre tout en profitant de la petite brise qui venait caresser leur visage buriné par le soleil.

Alors que le cinquantenaire s'endormit, bercé par les bruits de la nature, les accompagnant avec ses ronflements, les amoureux, main dans la main, se perdirent dans la contemplation du ciel bleu, parsemé de doux nuages blancs, qui flottaient avec lenteur dans la mer céleste.

– Là, il y a une baleine, dit doucement Adel en montrant du doigt le nuage en question.

– C'est vrai. Oh et regarde ici, c'est une guitare ! répliqua Andreas en désignant à son tour une boule de cotons.

Un tendre sourire sur leurs lèvres, Andreas et Adel étaient apaisés, en parfaite harmonie avec l'environnement qui les entourait. La jeune femme respirait profondément, remplissant ses poumons de la précieuse oxygène pure qui se baladait dans l'air. Le jeune homme, lui, ne pensait à rien, son esprit était complètement vide, libéré des pensées sombres qui l'encombraient habituellement.

– Victor Hugo a dit un jour que « c'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n'écoute pas », cita-t-il en se tournant vers le visage rêveur de la jeune femme.

– Il a bien raison, les humains sont trop occupés par des choses futiles qu'ils ne prennent jamais le temps d'observer et d'écouter la nature qui l'entoure et pourtant putain ce qu'elle est belle, remarqua-t-elle, ses yeux émeraudes flânant sur le paysage autour d'eux

– Écoutons-là, dit Andreas en fermant ses paupières.

Durant un instant, qui parut durer une éternité, les amoureux se concentrèrent pour que la mélodie de la nature vint à leurs oreilles. Le bruit du vent faisant frémir l'herbe et les feuilles des arbres, les chants des oiseaux, les airs principaux de la musique, les stridulations des cigales qui créaient un rythme, le beuglement au loin des vaches, le bourdonnement des insectes. Tous ces sons formaient une mélopée harmonieuse et envoûtante.

Après avoir écouté la musique de la Terre, tous deux rouvrirent les yeux sur le ciel et dirent à l'unisson en levant leur doigt :

– Regarde, il y a un cœur !

Ils tournèrent leur visage vers l'autre et rirent ensemble avant de s'embrasser tendrement. Humphrey se réveilla en grognant car il fut sorti de son sommeil par leurs gloussements. À contre cœur, le petit groupe quitta leur petit jardin d'Éden pour remonter dans le van bouillant et terriblement étouffant. Deux heures plus tard, ils arrivèrent à Montanejos, dégoulinant de sueur.

– Bon, bonne nouvelle, nous allons nous baigner dans le site balnéaire de Montanejos ! s'écria Humphrey.

– Trop bien ! s'exclamèrent les adolescents.

– La mauvaise nouvelle, c'est qu'on va devoir marcher un petit peu.

– Oh, soupirèrent-ils avec aucune motivation.

– Mais ne vous inquiétez pas, c'est pas très long.

Sous un soleil de plomb, le groupe marcha dans la nature, traversant l'intérieur de Montanejos. Andreas et Adel ne firent que râler et se lamenter tout du long du trajet. Après d'éternelles minutes, ils découvrirent enfin une eau turquoise entourée d'immenses roches recouvertes de végétations luxuriantes. Ils crièrent de joie et se précipitèrent vers le bord de l'eau. Une fine cascade ruisselait d'un des rochers. Le paysage était à couper le souffle.

Andreas et Adel enlevèrent à la hâte leur vêtements pleins de transpiration et firent la course pour arriver le premier dans le lac. Ils se jetèrent et coulèrent dans l'eau fraîche en une explosion spectaculaire.

– Eh ! s'insurgea Adel alors que le jeune homme venait de l'éclabousser.

La jeune femme riposta et s'ensuivit une bataille acharnée entre les deux adolescents. Hilares, les amoureux avalaient de l'eau et buvaient la tasse entre deux éclats de rire. D'humeur chamailleuse, ils se poussaient en tentant de noyer l'autre, sous le regard rieur d'Humphrey.

– C'est bon, c'est bon ! Tu as gagné, admit Adel après avoir ingurgité un litre d'eau.

Andreas fier et narguant relâcha son emprise, libérant la jeune femme de ses bras. Mais il n'avait pas prévu que son oncle aller arriver, tel un taureau, en fonçant sur lui. 

– Fiston, tu ne t'en sortiras pas comme ça s'exclama le cinquantenaire en se jetant sur lui.

Humphrey, qui se prit au jeu, retrouva toute l'énergie de sa jeunesse et éclaboussa le jeune homme, ne lui laissant pas le temps de riposter. Contrarié, Andreas admit sa défaite avec une moue boudeuse et le cinquantenaire sortit victorieux de la bataille.

– Tu t'es bien battu,  le complimenta son oncle, ça faisait longtemps que je ne t'avais pas vu jouer dans l'eau !

Épuisés et rafraîchis, ils s'étendirent sur les rochers chauds aux bords de l'eau et séchèrent sous le soleil qui effaçait, petit à petit, les gouttes sur leurs corps.

– J'ai une petite surprise pour vous, dit Humphrey tout sourire.

– Ah oui ? Demanda intriguée Andreas en se redressant.

– Ça vous tente une petite balade en canoë ?

– Ouais carrément ! s'écria Adel.

Après avoir attendu avec impatience dans une longue queue interminable, le petit groupe récupéra leur canoë et écoutèrent d'une oreille peu attentive les instructions. A trois sur un kayak, ils eurent un mal fou à manœuvrer l'embarcation. Andreas s'énerva, ce qui fit rire Adel.

– C'est quoi cette merde, pourquoi on tourne en rond bordel ! répétait-il sans cesse alors qu'Adel ne pouvait contenir son fou rire.

Heureusement, ils réussirent à prendre la main et filèrent sur l'eau à toute vitesse. Émerveillés par la beauté du site, ils firent le tour du lac puis se rendirent dans une petite grotte touristique où ils s'amusèrent à écouter les échos de leur voix.

Andreas, Adel et Humphrey quittèrent avec regret Montanejos. Ils roulèrent vers Valence en contemplant le soleil rouge disparaître doucement à l'horizon. Bercés par les mouvements de la voiture, les adolescents s'endormirent enlacés. Ils passèrent la nuit dans un camping à l'entrée de la ville. Avec gentillesse, le cinquantenaire laissa le lit du combi aux amoureux et dormit dans une tente qu'ils montèrent sous les étoiles. Tous sombrèrent dans le sommeil à l'instant où ils fermèrent les yeux, avec un sourire aux lèvres.

Sleep with the fishesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant