11. Léo

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(Normalement, d'après une enquête rapide sur le nom de vos chouchous, vous devriez sourire en voyant le nom du narrateur)

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   J'ai peur.

Celui qui ose dire que l'inconnu n'a rien de terrorisant est un sombre crétin.

Je sais que je ne devrais pas l'avouer à cet instant, dans le quatre-quatre appartenant à Quentin Layers, conduit par Austin. Je sais que je devrais être fort pour eux puisque c'est exactement ce qu'ils attendent de moi : que je sois solide. Que je sois indestructible. Que je sois parfait dans mon rôle de sauveur. Et je m'en sens capable.

Austin croit en moi et cette simple idée réussit à inhiber mes doutes, même ceux se promenant dans mon estomac depuis ce matin et essayant de propulser mon petit-déjeuner en dehors de mon corps.

Alors oui, à cet instant, j'ai peur. On a tous peur de quelque chose, matérielle ou non. Par exemple, j'ai peur de jouer du piano.

C'est triste, non ? Quand j'étais petit... Enfin encore plus petit que maintenant... Maman m'écoutait jouer de cet instrument jour et nuit. Elle adorait m'entendre pianoter diverses musiques. Mozart, Beethoven, Bach, Stravinsky, Debussy... J'ai interprété au moins une fois chacune de leur composition, à quelques exceptions près.

J'adorais le piano. C'était même ce que je préférais au monde. J'adorais cette sensation d'apaisement qu'il provoquait en moi. Je me sentais bien. Chaque fois que j'adonnais à cette activité, la musique laissait s'envoler mon esprit prodige et je réussissais à tout contrôler grâce à ça. Je n'ai pas eu à vivre les crises de panique, les sombres dépressions, les caprices et les colères. Tout ça grâce à mon Steinway&Sons.

Puis, un jour, je me suis mis à le haïr sans égal et je ne l'ai plus jamais approché. Pourtant, si je devais être tout à fait honnête, ça me manque parfois.

Je sais qu'il y en avait un exprès pour moi à la Résidence et j'ai probablement louché dessus une bonne centaine de fois mais je n'ai jamais rejoué. Tant pis. Ce sont des choses qui arrivent. Il y a pire dans la vie.

Bref.


  Lorsque je grimpe dans le quatre-quatre noir avec Austin au volant, Lola sur le siège passager et les jumeaux de part et d'autre de mon corps, je commence sérieusement à me demander quelle région de mon cerveau s'est dite que mes visions seraient bonnes à écouter. Moi, Léo Nake, un oppresseur. La situation est si comique qu'elle me donne envie de rire. Et c'est ce que je suis en train de faire apparemment lorsque je remarque le regard d'Austin fixé sur moi à travers le rétroviseur central.

- Ça va aller Léo. Tu es prêt.

Ses paroles sont apaisantes et je ne comprends pas pourquoi, mais venant de la bouche d'Austin, je les gobe comme si ses mots devenaient forcément une vérité générale pour tout le monde.

Austin Miller est un génie. Un vrai surdoué en tant que prodige. Je veux dire... Vous en connaissez beaucoup des Dominants ayant passé un an sans rien faire avec leurs pouvoirs et ayant gagné cinq niveaux de domination en deux mois ?

J'aime l'idée que les gens me trouvent encore meilleur que lui. Quand je suis arrivé à la Résidence, il me faisait flipper à cause de son regard gris perçant. Il fronçait les sourcils chaque fois qu'il me croisait, il grognait quand mes yeux bleu clair se posaient un peu trop longtemps sur lui et, surtout, il insultait quiconque osait lui parler de ses activités en dehors de Fullertown.

Puis Hailey est arrivée et elle a tout changé de manière radicale. Pour lui comme pour moi. Hailey est la première personne à qui j'ai eu envie de parler sans qu'on me tire les vers du nez. Attention, je ne dis pas que j'aurais aimé qu'elle soit mon amoureuse mais je l'aimais bien. Elle n'était pas comme Lola, Lindsay, Samantha ou Emily. Elle était bien plus humaine que prodige et cela me rappelait ma maison avec mes parents. Je me sentais bien lorsqu'elle était tout près. C'est elle qui a déclenché mon Don de Clairvoyance, même si elle n'en a aucune idée. Le soir des courses hebdomadaires, juste avant qu'elle fasse cric-crac avec Austin, j'étais tellement bien dans mes baskets que je me suis laissé aller un peu trop longtemps et mon Don est apparu. Je savais déjà le résultat de chaque course et les temps de chaque coureur, au centième près.

FULLERTOWN - Domination (3) [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant