28. Austin

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  Avez-vous déjà eu la sensation de renaitre et mourir à la fois ? Moi, oui. À l'instant précis où je me suis reculé pour cesser d'embrasser Hailey comme si ma vie en dépendait.

Je n'ai jamais cru en la puissance d'un baiser, ni même au message qu'il pouvait transporter avec lui. Mais celui-là...

L'éternité et l'instant présent réunis dans un souffle partagé. Une bouffé d'air asphyxiante d'une intensité cruelle et douloureuse.

— Ça va ? demande Lindsay Wall, une main posée délicatement sur mon épaule.

— Ouais. Faut juste que je parle à tout le monde.

Je dois abréger mon temps à la Résidence parce que chaque seconde de plus est une torture. Je respire le même air que Hailey. Je l'entends pleurer – encore à cause de moi, s'allonger sur mon lit, essayer de reprendre son souffle, renifler dans mes draps et tout ça, je ne le supporte pas. Je ne le supporte plus.

Je dois partir. La laisser aux mains de gens bien plus compétents que moi pour faire la part des choses.

Tout ça... C'est trop d'un coup. Le deuil de Luca qui me revient dans la gueule comme un putain de boomerang, le retour de Hailey, l'arrivée d'une trentaine de prodiges d'âges complètement aléatoires, la gestion d'un passé difficile à accepter qui s'attaque à ma mémoire chaque fois que je me sens un peu mieux, la découverte de ma famille et un père pas tout à fait vivant mais pas tout à fait mort. C'est beaucoup trop.

Je manque d'air.

— Je vais réunir tout le monde dans le grand salon. Calme-toi cinq minutes avant de parler.

Lindsay embrasse ma joue dans un geste protecteur et virginal mais je ne réagis pas et la laisse faire comme elle le sent. J'ai besoin de respirer.

Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer.


   Sept minutes plus tard, je débarque dans le grand salon. Tout le monde est là. Gardiens, prodiges, directeurs...

Les plus anciens de la Résidence m'écoutent depuis la cuisine étant donné que notre salon n'est pas extensible. Stan et Sam restent bras-dessus, bras-dessous, me rappelant constamment qu'un amour sain est possible malgré nos vies parfaitement défectueuses. Lola et Lindsay se placent de chaque côté de Léo alors que je le sens se détendre à leur contact.

Emily, Samuel, Ethan et Julia sont assis sur le grand canapé face à l'écran plat devant lequel je me trouve. Théo, Kylie, Mattéo et Julian font front commun assis en tailleur sur le sol entre le long canapé et la table basse, analysant le moindre de mes mouvements pour connaître la teneur de cette réunion.

Cassie, Erika et Jo restent debout et immobiles, attendant déjà les mauvaises nouvelles comme si cette vie paisible leur semblait impossible à long terme.

Les générations zéro squattent les poufs à l'écart de nous mais non moins attentifs à ce qu'il se passe.

Nina, Enzo, Isaac, Maddy et Aria prennent place de l'autre côté de la pièce, assis sur les marches des escaliers menant au premier étage tandis qu'une quantité astronomique de mini-prodiges de seconde génération essuient le sol du salon avec leurs fesses.

Les gardiens et Liam, quant à eux, restent à l'écart dans le salon secondaire, déjà partiellement informés de ce qui se trame. Kate, William, le docteur Clifford et le directeur des gardiens, Mike Bailor, s'appuient contre le mur, les mains croisées sur la poitrine. Kade Daners reste à l'écart des autres, incapable de se fondre dans la masse comme s'il avait été le gentil de l'histoire. Choix très intelligent de sa part.

FULLERTOWN - Domination (3) [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant