35. Austin

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           Août


Cela fait des mois que je traine ici. Depuis avril en fait.

J'ai fixé les portes automatiques de cet hôpital deux bonnes centaines de fois. Je connais presque chaque biographie des professionnels de santé qui y entrent et y sortent tous les jours. J'ai vu ma mère, Meredith, y sortir chaque soir entre dix-huit et dix-neuf heures trente. Parfois avec Kloé. D'autres fois sans.

— Tu comptes loucher sur la porte encore longtemps ? chuchote Théo à côté de moi.

J'avoue, j'étais stressé pour le grand jour alors j'ai choisi de venir avec du renfort. Étant donné que Théo bosse pour moi comme assistant, il n'a rien d'autre à foutre que suivre mes ordres. En soit, ce n'est pas un vrai job. Je le paie en liquide mais il est content d'avoir son argent de poche pour faire toutes sortes de tâches qui me font horreur. Du genre, répondre aux messages et commentaires sur les réseaux sociaux ou encore faire des apparitions publiques pour dire que j'ai choppé la crève. Ce qui n'est absolument pas vrai étant donné que je suis incapable de tomber malade.

— Si je t'ai fait venir, c'est pour que tu m'aides. Pas pour que tu me casses les couilles, je grommelle en lui jetant un regard mauvais.

— Austin, tu te serais très bien démerder sans moi !

Je ne réponds rien et fixe les portes automatiques, encore et encore jusqu'à apercevoir le carré long brun et la silhouette fine et petite de Meredith. Elle est jolie, même avec les quelques rides symbolisant les années passées et ses cernes signifiant sa fatigue.

J'aperçois rapidement la fille de seize ans à ses côtés. Je sais qu'elle est de fin d'année, c'était l'un de leur sujet de conversation un jour. Née le vingt-quatre décembre. Elle disait à sa mère qu'elle voulait fêter sa naissance en juillet parce qu'elle en avait marre d'entendre que ses cadeaux de Noël seraient aussi ses cadeaux d'anniversaire.


  Kloé apparaît en jupe en jean bleu clair, un tee-shirt blanc à rayures noires rentré à l'intérieur de son bas.

— Je suis épuisée, marmonne-t-elle alors qu'elle tapote ses joues pour se réveiller.

— Tu as vécu des journées plus difficiles que celle-ci, sourit Meredith.

— Bien sûr, mais je sais pas... Aujourd'hui, c'était intense ! Entre le mec avec son hémorragie, celui avec un clou dans le front et les dizaines de femmes avec des endométrioses que tu m'as demandé d'apaiser... J'ai juste envie de retrouver mon lit.

Des conversations comme celles-ci, j'en ai entendu des dizaines. À chaque fois qu'elles sortent de l'hôpital, Kloé raconte toutes ses histoires. Elle adore aider les gens en les apaisant de leur souffrance grâce à son Don de Guérison. Le même que le mien.

Je ne bouge toujours pas et Théo s'agite à côté de moi, attendant une réaction qui ne vient pas. Ses neurones pensent trop vites, et rapidement, il change totalement de visage, arborant celui des grands jours de guerre.

— Bon, ça suffit tes conneries !

L'instant suivant, il envoie son poing dans mon ventre avec une force démentielle avant de prendre mon poignet et le briser en deux. Le seul fait que je ne crie pas vient des pouvoirs qu'il exerce sur ma parole pour contenir mes hurlements.

— Tu me remercieras, murmure-t-il avant de nous sortir de notre planque pour hurler. J'ai besoin d'un médecin ! S'il vous plait !

Comme un seul homme, Meredith et Kloé courent dans notre direction. Une fois à notre hauteur, la mère inspecte rapidement mon poignet sans jamais regarder mon visage.

FULLERTOWN - Domination (3) [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant