FULLERTOWN - Domination (3) [EN COURS]

7. Austin

  C'était elle. Hailey. Je l'ai senti. Le souvenir qu'elle a choisit, elle seule en connaissait jusqu'au moindre détail. Cela fait bientôt une heure que notre connexion s'est brisée et pourtant, les frissons et les tremblements continuent d'envahir mon corps brutalement. Je n'arrive pas à y croire.

Elle n'a jamais utilisé son Don de Passagère sur une telle distance et pourtant, j'avais l'impression qu'elle était à côté de moi. Non, en moi. Comme si nous ne faisions qu'une seule et même personne.

- Ça va ? me demande une petite voix encore une brin aiguë malgré un début de mue.

Léo m'observe. Il jauge attentivement mon degré de déstabilisation et j'avoue qu'il a bien raison de prendre ses précautions. J'ai bien conscience d'être imprévisible une grande partie du temps même si je fais des efforts progressifs pour lutter contre cet aspect de ma personnalité.

- Je ne sais pas trop.

C'est la vérité. Est-ce que je vais réellement bien ? Je n'en sais rien. Vais-je mal pour autant ? Je ne crois pas.

Mon état actuel se situe quelque part entre ses deux notions.

- Comment était-elle ?

Je suis convaincu que je devrais m'abstenir de lui répondre, faire comme si je n'avais pas compris ce qui se passe à une cinquantaine de kilomètres de notre emplacement momentané. Pourtant, la Hailey de tout à l'heure n'est plus la Hailey que je connais. Je le sens. Et Léo aussi de par mes réactions.

Un instant plus tard, ma bouche s'ouvre et se referme, cherchant les bons mots pour ne pas tétaniser mon poulain. Si je ne lui dis rien, il paniquera. Si je lui en dis trop, il paniquera. Cela ne me laisse qu'une légère marge de manœuvre entre les deux. L'informer sans l'apeurer.

- Amochée, fatiguée et esquintée émotionnellement.

Torturée, épuisée et avec des émotions qu'elle ne devrait pas avoir !

J'avoue que je devrais être soulagé de la savoir de nouveau elle-même sentimentalement parlant mais ce n'est pas le cas. Tout ce que j'ai ressenti pendant cette connexion, c'est son éternelle souffrance, omniprésente dans son aura. Elle me semble totalement tétanisée par des angoisses qu'elle aurait du oublier, ce qui fait que, en ce moment, je préfèrerai largement qu'elle ne se souvienne pas de tous ses démons. Moi inclus.

- Il ne nous reste plus beaucoup de temps... marmonne Léo.

- Oui. Comment tu te sens ?

- Je pense que je suis prêt. Lola s'est bien occupée de moi.

Vous n'imaginez pas à quel point entendre cela m'enlève une épine du pied. Que dis-je ! Un putain de poignard plutôt. Je n'aurais jamais cru que Léo se laisserait aller aussi facilement avec ma meilleure amie mais je suis bien content que ça ait été le cas.

- Tu penses pouvoir passer ton niveau 8 de Maitre de la Terre juste avant de partir ?

Rien n'enlève cet élan de peur chaque fois que j'imagine Léo de l'autre côté du décor. Je flippe totalement pour lui.

Primo, parce que ce n'est qu'un gamin, très fort pour son âge, mais un enfant quand même. Secundo, parce que je discute suffisamment avec Théo, Mattéo et Kylie, pour savoir que les techniques de torture de Jessica Biethier s'étendent bien au-delà des seuls prisonniers. Tertio, parce qu'il y a l'autre connard !

Léo va très probablement se retrouver confronté à son grand frère. Imaginez le tableau.

Léo Nake, quinze ans, terrorisé par tout ce qui sort de l'ordinaire, en manque d'affection, timide, puissant mais fébrile tout de même, un petit mètre soixante-dix – et encore, ça dépend des semelles de ses chaussures.