Chapitre 3: Ne nous énervons pas

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— Oui certes, dit Eomer, abaissant sa lame. Mais ceux qui vagabondent sur nos terres feraient mieux de se montrer moins arrogants en ces temps douteux. Dites-moi d'abord votre nom véritable.

— Dites-moi d'abord qui vous servez, dit Aragorn. Êtes-vous ami de Sauron, le Seigneur Ténébreux de Mordor ?

— Je ne sers que le Seigneur de la Marche, Théoden fils Roi de Thengel, répondit Eomer, si tant est qu'ils puisse reconnaître ceux qui lui sont loyaux.. Ces temps sont troubles. Nous sommes devenus plus méfiants à présent avec les étrangers qui arpentent nos terres. Allons ! Qui êtes-vous ? Que savez-vous ?

— Je ne sers personne, dit Aragorn, mais les serviteurs de Sauron, je les poursuis où qu'ils aillent. II en est peu parmi les Hommes mortels qui en sachent davantage sur les Orques, et ce n'est pas par plaisir que je les chasse. Ceux que nous poursuivons ont emmené captifs deux de mes amis. En telle circonstance, un homme qui n'a pas de cheval ira à pied et il ne demandera pas la permission de suivre la trace. Je ne suis pas sans armes.

Aragorn rejeta sa cape en arrière. Ses armes étincelèrent à la lueur de l'astre solaire et Aragorn se redressa.

— Elendil ! Cria t-il. Je suis Aragorn fils d'Arathorn, et je me nomme Elessar, la Pierre d'Elfe, Dúnadan, héritier du fils d'Isildur Elendil de Gondor. Voulez-vous m'aider ou me contrecarrer ? Choisissez vite !

Gimli, Elenwë et Legolas regardèrent leur compagnon avec stupéfaction, car ils ne lui avaient jamais cette attitude noble et fière.

Il semblait avoir grandi, tandis qu'Eomer était ratatiné au pied de sa monture.

Aragorn arborait une expression de majesté pareille à celle des rois de pierres de l'Argonath et Elenwë voyait en lui toute le charisme et tout le rayonnement d'un grand roi.

Durant un moment, il parut aux yeux des elfes qu'une flamme blanche scintillait au front d'Aragorn comme une couronne scintillante.

Eomer recula et une expression de crainte respectueuse se montra sur son visage.

Il baissa ses yeux orgueilleux.

— Nous vivons d'étranges jours, murmura t-il. Les rêves et les légendes surgissent à la vie. Dites-moi, Seigneur, que signifiaient ces sombres paroles ? Il y a longtemps que Boromir fils de Denethor est parti à la recherche d'une réponse, et le cheval que nous lui avions prêté est revenu sans cavalier. Qu'apportez-vous du Nord ?

— Le choix, dit Aragorn. Voici ce que vous pouvez dire à Théoden fils de Thengel : il a devant lui la guerre ouverte avec ou contre Sauron. Nul ne pourra plus vivre comme il a vécu. Mais laissons cela. J'irai bien moi-même voir le roi. Pour le moment, je suis dans le besoin et je demande aide ou au moins des nouvelles. Vous l'avez entendu, nous poursuivons une troupe d'Orques. Que pouvez-vous nous dire ?

— Qu'il est inutile de les poursuivre plus, dit Eomer. Les Orques ont été détruits par nos cavaliers cette nuit.

Un air d'effarement parcourut les traits de nos quatre voyageurs.

— Et nos amis ?! Qu'en est-il de nos amis ? Demanda alors Elenwë.

Eomer se pinça les lèvres nerveusement avant de dire :

— Nous n'avons trouvé que les Orques.

— Cela est étrange, vraiment, dit Aragorn. Avez-vous examiné les morts ? N'y avait-il pas de corps autres que d'Orques ? Ils seraient petits, des corps d'enfants à vos yeux.

— Il n'y avait ni Nains, ni enfants, dit Eomer. Nous avons compté tous les morts et les avons dépouillés, nous avons ensuite entassé les cadavres et nous les avons brûlés. Les cendres fument encore.

— Il ne s'agissait pas de Nains ou d'enfants, dit Gimli avec un léger gémissement de désespoir. Nos amis étaient des Hobbits.

— Des Hobbits ? Dit Eomer. Qu'est ce que cela ?

— Un nom étrange pour des gens étrangers, dit Gimli. Mais ceux là nous étaient très chers. Les hobbits sont des Semi-Hommes.

— Des Semi-Hommes ! S'écria en riant un Cavalier qui se tenait à côté d'Eomer, se moquant. Des Semi-Hommes ! Mais ce ne sont que des personnages d'anciennes chansons et de contes d'enfants. Nous promenons-nous donc dans les légendes ?

— Cela pourrait être le cas. Dit Aragorn. Mais ce sont nos successeurs qui écriront les légendes de notre temps.

— Le temps presse, dit le Cavalier, sans prêter attention à Aragorn. Laissons ces gens à leurs idioties. Ou lions-les pour les amener au roi.

— Paix, Eothain ! dit Eomir dans sa propre langue. Dis aux éored de se rassembler sur le chemin et préparez-vous à partir pour le Gué d'Ent.

Elenwë avait reconnu la langue utilisée par Eomer et s'était permis de s'immiscer dans la conversation.

— Hommes du Rohan, dit-elle dans leur langue, nous ne sommes pas mal intentionnés. Croyez nous.

Eothain haussa un sourcil et demanda:

— Comment se fait-il que vous parliez notre langue, vous qui êtes une elfe ?

— Je suis une elfe de Fondcombe et j'ai étudié toute mon enfance les différentes langues de la Terre du Milieu.

Eothain se retira, apaisé et parla aux autres. Ils partirent bientôt, laissant Eomer seul avec les trois compagnons et trois chevaux.

— Tout ce que vous dites est étrange, Aragorn, reprit-il. Mais vous n'avez pas tout dit.

— Nous sommes parti il y a bien des semaines d'Imladris, comme on la nomme en poésie, répondit Aragorn. J'étais accompagné de Boromir de Minas Tirith. Nous désirions aller à cette cité avec le fils de Denethor pour aider les siens dans leur guerre contre Sauron. Mais la compagnie avec laquelle je voyageai avait une autre mission. Notre guide était Gandalf le Gris.

— Gandalf ! s'exclama Eomer. Gandalf Maisongrise est connu dans la Marche, mais je vous avertis que son nom n'est pas bon pour obtenir la faveur du roi. Il est toujours avant-coureur d'événements étranges : un porteur de mal, disent maintenant certains. 

Eomer fit une courte pause, le temps d'inspirer avant de poursuivre :

— En fait, depuis sa dernière venue, l'été dernier, tout a été de travers. C'est à ce moment qu'ont commencé nos ennuis avec Saroumane. Jusqu'alors, nous le comptions parmi nos amis, mais Gandalf est venu alors et il nous a avertis qu'une guerre se préparait dans l'Isengard. Il a dit que lui-même avait été prisonnier à Orthanc, qu'il avait eu peine à s'évader, et il demandait de l'aide. Mais Théoden n'a pas voulu l'écouter, et il est parti. Ne prononcez pas haut le nom de Gandalf à portée des oreilles de Théoden ! Gandalf a pris Gripoil, le plus précieux de tous les coursiers du roi, principal des Mearas que seul peut monter le Seigneur de la Marche. Gripoil nous est revenu il y a sept nuits, mais la colère du roi n'en est pas moins grande, car à présent le cheval est devenu sauvage et ne se laisse approcher par personne.

Elenwë sentit en cet homme, ce chef de cavaliers, une insondable tristesse. Lui était-il arrivé un quelconque ennui ? Elle était loin de se douter qu'Eomer avait été banni du château de Médulsed par Grima, qui n'était autre que le vil serviteur et espion de Saroumane.

La fille de la Lune Tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant