4 : Seule

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 Le jeune homme eut un sourire en coin et, sa main tenant toujours celle de la jeune fille, répondit dans un murmure :

— Moi. Ravi de vous revoir mademoiselle Cross.

Le père les regarda tous deux avec de grands yeux et leur demanda s'ils se connaissaient. Son fils se retourna et, s'avançant avec la jeune fille vers son père lui dit :

— Lady Alice et moi-même avons valsés lors du dernier bal donné par les Merrington. Je ne pensais pas la revoir après cette soirée.

Le visage d'Alice s'assombrit et baissa la tête en repensant à la mort de ses parents. Parfois, elle aurait aimé les rejoindre pour ne pas être seule face à ce jeune homme qui la faisait trembler. Et tout le monde devait parler de son deuil et du tragique accident qui avait coûté la vie au vicomte et à sa femme. Lord Camburry remarqua le malaise et ordonna à son fils de la conduire dans le salon afin que l'on serve du thé à sa chère filleule.

Une fois arrivés dans la pièce, Charles fit asseoir la jeune femme et la regarda un bon moment avant de déclarer soudainement :

— Le noir ne vous sied guère Alice.

— Je porte le deuil de mes parents milord. Au cas où cela vous aurait échappé. De plus, je ne pense pas que nous soyons assez proches pour nous appeler par nos prénoms respectifs, dit-elle sèchement.

— Comment cela aurait-il pu ? Tout le monde ne parle que de ça. Et pour ce qui est de nos appellations, je pense, étant donné que nous vivons sous le même toit, que nous devrions éviter les usages traditionnels. Sinon, nous nous ennuierons à mourir jusqu'à ce qu'on vous trouve un mari.

— Nous ennuyer ? Vous voulez dire comme lors de notre danse ? Où nous n'avons pas échangé un mot ?

— N'étiez-vous pas trop occupée à me dévisager ? demanda-t-il en servant le thé et en lui tendant une coupole.

— Vous en faisiez tout autant milord. Et puis pourquoi être parti sans raison ? Nous aurions pu discuter et apprendre à mieux nous connaître.

— Je ne suis pas un de ceux qui se jettent à vos pieds pour chanter vos louange Lady Cross. J'ai été assez aimable, je trouve, en vous invitant à danser, dit-il sèchement. Les rumeurs qui ont couru sur vous n'étaient pas des plus élogieuses.

— Peu importe ce que l'on dit sur moi, répondit Alice en levant le menton, piquée au vif.

— Pas si vous souhaitez vous marier ! Venant d'une fille d'un vicomte, qui se trouve être au plus bas étage de la noblesse, vous m'étonnez.

— Peu importe si mon père n'était pas duc ou marquis. Au moins il était bon et... Et... essaya-t-elle d'ajouter. Oh vous êtes odieux.

Les larmes coulant sur ses joues, elle prit son visage dans ses mains et tourna la tête pour que Charles ne la voit pas. Ce dernier l'observa, sourcils froncés, ne sachant que faire. Et c'est à ce moment là que le duc de Camburry père entra avec un grand sourire. Sourire qu'il perdit rapidement en embrassant la scène qui s'offrait devant lui.

— Que s'est-il donc passé ? Charles qu'avez-vous bien pu faire encore ?!

Son fils haussa les épaules et s'avança vers la cheminée, sa tasse de thé à la main. Son père avait été déjà trop généreux en accueillant cette fille chez eux. Il n'avait pas été tendre avec lui lors de son enfance et pourtant il l'était avec elle. Par quel miracle avait-elle donc réussi à l'adoucir ? Il se retourna et vit le duc tendre la main vers Alice pour l'aider à se lever et à l'emmener hors de la pièce en lui promettant que ça allait s'arranger. Il ne savait ce que possédait cette fille, mais le visage qu'elle avait, les lèvres pleines et ses yeux... Ses yeux feraient tomber tout homme même s'il avait prononcé des vœux de chasteté. Il s'ébroua rapidement en se disant que ce n'était pas une fille pour lui. Après tout, il devait trouver une femme digne de son rang pour lui donner un héritier digne de ce nom. Et ce n'était certainement pas Alice Cross, fille de vicomte, qui allait pouvoir le satisfaire. Il remplaça rapidement son thé par un verre de cognac avant de monter dans son bureau pour travailler avant que son père ne le fustige sur sa conduite.

La jeune fille en question était dans sa chambre en train de fixer le parc du manoir d'un regard triste. Dire qu'elle allait être enfermée avec Charles jusqu'à ce qu'elle trouve un époux. Elle qui pensait qu'il était gentleman surtout au moment où il l'avait invitée à danser. Au final ce n'était qu'un duc prétentieux qui la faisait souffrir alors qu'elle en avait déjà bien assez.

Pourtant, au plus profond d'elle-même, elle avait senti quelque chose lorsqu'il avait posé sa main au creux de ses reins pour la rapprocher de lui. Son cœur s'était accéléré et avait frappé si fort sa poitrine qu'elle avait cru qu'il sortirait. La jeune fille attrapa machinalement son collier du bout de ses doigts, dernier cadeau de son père à sa fille chérie qui représentait un trèfle, emblème de l'Irlande.

— Oh père, comme j'aimerais que vous soyez près de moi en ce moment. Tout serait alors plus simple.

Elle essuya d'un coup sec et rageur les larmes qui coulaient et se ressaisit. Elle ne s'appelait pas Alice pour rien et n'avait pas hérité du caractère de sa mère pour se laisser abattre par un homme qui ne savait rien d'elle. Peu importait les rumeurs qui couraient en ce moment à Londres, peu importe ce que pensait Charles de Camburry. Le plus important c'était qu'elle se ressource elle, Alice Cross avant de trouver un époux qui la comble de bonheur. Elle devait porter le deuil et passer à autre chose par la suite. Elle gémit en pensant qu'elle devrait porter du noir puis du gris pendant un an. Ces couleurs ne lui allaient pas du tout au teint mais elle se devait de respecter les traditions.  

  

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Le Duc de CamburryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant