2 : Lady Alice

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 — Lady Alice, souhaitez-vous quelque chose à boire, demanda un jeune homme.

— N'oubliez pas que la prochaine danse est pour moi, lady Alice.

La dénommée Alice rit aux éclats, tête en arrière et prit la coupe de citronnade que lui tendait le fils d'un marquis. Elle répondit positivement à l'autre personne à qui elle avait promis le quadrille. Tous les beaux hommes de ce bal étaient aux pieds d'Alice Cross, fille du vicomte Cross. D'une beauté renversante, elle avait, dès son entrée dans le monde, su séduire beaucoup d'hommes. Avec ses cheveux blonds et son visage angélique, son tout premier carnet de bal avait été rempli en quelques minutes à peine par beaucoup de fils de grands nobles. Sa mère en était d'ailleurs ravie car elle envisageait un mariage majestueux avec un des prétendants présents auprès de sa fille.

La musique du quadrille s'élevait déjà dans les airs et Sir Andy Cartney se redressait pour tendre la main vers la jeune fille. Cette dernière s'excusa auprès de tous ces messieurs et posa sa main dans celle de son cavalier. Ensemble, ils allèrent se positionner au centre de la piste avec tous les autres danseurs. Ils se positionnèrent face à face, firent une révérence puis les pas s'enchaînant les uns après les autres, le temps s'écoula rapidement.

— Aimez-vous danser Lady Cross ?

— Infiniment. Je trouve que la femme se libère en dansant. Spécialement le quadrille où elle accomplit ses pas seule sans être soutenue par son cavalier.

— Vous êtes de ces femmes qui désirent plus de libertés.

— Tout à fait Sir Andy, je ne comprendrai jamais en quoi les femmes sont inférieures aux hommes. Après tout, nous mettons au monde les enfants qui assureront l'avenir de vos terres.

— Hmm certes, mais je pense que l'épouse de l'homme doit savoir où est sa place.

— C'est-à-dire ? demanda Alice, sourcils froncés.

— Elle doit savoir montrer quel est son rang, elle représente le titre de son époux et doit donc se taire. Ou en tout cas attendre que son mari lui autorise à discuter.

C'en était trop pour Alice. Elle s'inclina, le remercia pour la danse et sortit de la piste en plein milieu de la musique. La jeune fille refusait qu'un homme insulte les femmes de cette façon. Elle rejoignit ses parents et se cala entre eux, les bras croisés. Son cavalier, déconfit de se retrouver seul, partit lui aussi de la piste de danse, sous les regards moqueurs de ses camarades. Il salla les rejoindre et leur expliqua la situation en pointant du doigt Alice.

S'étant emportée, Alice n'avait pas pensé aux commérages qu'il pourrait y avoir sur elle. Sa mère, voyant le fils du marquis de Cartney discuter avec ses amis tout en les regardant, se tourna vers sa fille pour lui demander :

— Alice, pourrais-tu me dire ce que tu as fait à ce jeune homme pour que tous affichent un sourire moqueur ?

— Il pense que son épouse devra rester à ses côtés, penser et dire exactement tout ce qu'il dit. Tel un perroquet.

— Et j'imagine que tu lui as dit que tu n'étais pas de cet avis, soupira la vicomtesse.

Sa fille de vingt-et-un ans redressa fièrement la tête en approuvant. Peu importe que tous parlent dans son dos. Elle était fière d'avoir été éduquée par son père qui lui avait enseigné le fait de penser par elle-même. Elle savait sourire et charmer beaucoup d'hommes. Elle savait feindre l'ignorance et l'innocence que les jeunes nobles recherchaient. Mais si l'un d'entre eux osait critiquer le rôle d'une épouse en la rabaissant, alors elle n'hésitait pas à se montrer très loquace.

Pourtant, Alice devait faire face à un autre souci : le marquis de Cartney avait beaucoup d'influence. Et tous les jeunes gens qui lui avaient demandé une danse n'arrivaient pas. Ce fut donc pendant une bonne demi-heure qu'Alice ressentit ce que beaucoup d'autres jeunes filles avaient ressentis elles aussi : faire tapisserie. Aussi, lorsqu'un grand jeune homme, châtain avec un costume bleu foncé s'approcha d'elle et s'inclina, elle ouvrit en grand la bouche ne sachant que dire.

— Mademoiselle, me feriez-vous l'honneur de danser avec moi ? murmura-t-il d'une voix si profonde qu'elle en trembla.

La jeune fille fixa la main tendue devant elle et ce n'est que parce que sa mère la poussa légèrement que la sienne se posa dessus. Les doigts longs et fins de l'homme emprisonnèrent ceux d'Alice. Ensemble ils s'avancèrent vers la piste de danse avec beaucoup d'autres danseurs. Une valse avait été annoncée. Aussi, le beau châtain plaça sa main au creux de ses reins et la rapprocha imperceptiblement de lui. Elle posa sa main sur son épaule tandis que de l'autre, elle attrapa son jupon pour éviter de se prendre les pieds dedans. Alice releva son visage pour le regarder droit dans les yeux. Elle n'arrivait pas à se concentrer sur ses pas tellement elle était hypnotisée par les yeux bleus électriques qui se trouvaient face à elle. Le visage de ce garçon était impassible, son menton était droit, une fossette apparaissant au milieu. Sa barbe avait dû être rasée de près ce matin car les poils commençaient déjà à repousser.

Alice continuait d'admirer son cavalier tandis que ce dernier la guidait facilement au rythme des notes qui s'échappaient des instruments. Son visage n'affichait aucune émotion, même en regardant au fond de ses yeux, elle n'arrivait pas à voir s'il était heureux de la faire danser ou au contraire si elle se débrouillait comme un manche. Un, deux, trois... Un, deux, trois,... C'était ce que se répétait dans sa tête Alice, ne sachant que dire. Et lorsque la musique s'arrêta, il s'inclina devant elle et lui prenant la main, il la baisa en disant :

— Veuillez m'excuser, je ne me suis pas présenté. Je suis le duc de Camburry.

— Enchantée mylord, je suis...

— Lady Alice Cross. J'ai entendu parler de vous et de vos... Talents, avoua-t-il non sans un demi-sourire.

Il la remercia pour cette danse en s'inclinant devant elle de nouveau puis quitta la piste pour récupérer son manteau et partir de la soirée, non sans avoir jeté un coup d'oeil à la jeune fille qui retournait voir ses parents. Décidément, le marquis de Cartney s'était trompé. Lady Cross était comme toutes les autres : en quête d'un époux. Et ce ne serait pas lui : de cela, il en était sûr.  

  

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Le Duc de CamburryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant