Chapitre 3

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Emmitouflé sur son canapé, Guylt ressassait les événements, les yeux rivés sur le journal tout en prêtant attention à la télévision. Pris d'une inquiétude suite à la soirée d'il y avait seulement quelques heures, il n'avait pu fermer les yeux, et était resté éveillé jusqu'au matin.

Le gouvernement avait ordonné peu après le drame de ramener tous les citoyens à leur quartier principal par aéroglisseur ; lui et sa fiancée avaient suivi sans se poser de questions, encore sous le choc. Mais celui-ci avait été plus grand encore lorsqu'ils avaient appris que la scission de Plijeune n'était pas la seule : deux autres quartiers avaient subi le même sort. À Endestria, c'étaient les environs de la tour centrale qui avaient disparu, à Auldnoir, c'étaient les environs de la gare ; il n'était donc plus possible de prendre le train vers le quartier de la vieille ville. D'autres mystérieuses tempêtes étaient ensuite apparues ; il était tout simplement devenu impossible de se déplacer de quartier en quartier sans danger.

Il leva les yeux lorsque la télévision montra une nouvelle fois les deux scissions : comme à Plijeune, on apercevait la panique des victimes qui s'éloignaient, et l'horreur de leurs proches. L'univers avait brisé ces familles et ces maisons. Rendrait-il un jour ce qu'il avait pris ?

Le programme montra ensuite les apparitions des créatures aux orbes pourpres, agressives et prêtes à attaquer, survenant de manière inexpliquée, irrégulière, et-ce n'importe où. On interrogea plusieurs citoyens : certains prônaient l'extrême prudence, d'autres invitaient à vivre avec la menace. Un climat de confusion régnait donc sur la ville, et le reportage montra finalement qu'une grande majorité d'habitants des quartiers à risque n'avaient pas abandonné leur liberté.

Guylt se reconcentra sur son journal :

"La ville est sens dessus-dessous ! De nombreux phénomènes restent inexpliqués. Le maire Bosley nomme ces monstres "Névis". Il crée une unité spéciale pour mettre fin à la menace."

Névis... Ces créatures portaient désormais un nom, et le prononcer le faisait frissonner, pourtant il se le répéta du bout des lèvres, comme pour admettre leur existence. Que se passerait-il s'il en rencontrait ? Jusqu'où pouvaient aller ces monstres ? Il continua sa lecture.

"Seul, l'officier Syd extermine des Névis et arrête des voleurs dans la foulée."

Heureusement, certains parvenaient à résister à la menace ! Elle n'était pas invincible, et il était nécessaire de la combattre. Il n'y avait plus qu'à espérer que la police et le gouvernement géraient la menace avec efficacité, sans trop de blessés ; Guylt ne s'était jamais vraiment intéressé à la politique, mais il attendait désormais du maire Bosley une réponse à la crise et d'assumer son rôle de chef.

Ses pensées se tournèrent vers Vira, calfeutrée dans son propre appartement. Après leur retour celle-ci s'était éclipsée, le teint blafard, la tête et le cœur lourds. Les caresses de son petit-ami ne l'avaient pas apaisé : alors elle lui avait sèchement prié de la laisser, prière qui tournait encore dans la tête de l'amoureux. Mais il ne pouvait pas lui en vouloir. Il ne pourrait jamais lui en vouloir.

Il sortit de sa réflexion au son de la porte qu'on ouvrit : sa mère apparut dans l'encadrement. Les traits tirés par la fatigue, elle le rejoignit rapidement. Mère et fils se prirent dans leurs bras.

— Guylt ! s'exclama-t-elle, soulagée. Tu n'as rien !

— Non ! Toi non plus, heureusement.

— Lorsque j'ai vu les images, j'ai paniqué... Tu étais là-bas, à Plijeune ! Je ne peux que remercier le ciel que tu sois là sain et sauf. Je n'ai même pas pu t'appeler, j'ai dû continuer de travailler à l'hôpital, on a eu plus de patients que d'habitude.

Lettre perdue, promesse non tenue ~ Gravity RushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant