Chapitre 4. Je t'ai vu au beau milieu d'un rêve...

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Elle le vit, là, juste en face d'elle, assis seulement à quelques enjambées de là où elle se tenait, aussi immobile qu'une statut de sel.

Son cœur se mit à battre la chamade sans qu'elle ne puisse exactement se l'expliquer. Iris n'était pas complètement certaine que ce soit lui. Le jeune homme avait l'expression ahurie de quelqu'un qui vient d'avaler de travers et qui est en train de s'étouffer. Figé, il la dévisageait comme s'il voulait l'imprimer dans sa mémoire.

Il portait une chemise noire légèrement déboutonnée et retroussée au niveau des manches. Bien qu'Iris ne pût vraiment le distinguer parce qu'il était assis, il semblait grand et bien bâti. Ses cheveux châtains étaient coupés court sur les côtés et plus longs sur le dessus de la tête, laissant s'échapper quelques mèches rebelles. Un peu la même coupe que Roméo, remarqua-t-elle.

Il paraissait plus âgé que dans ses rêves. Sa mâchoire davantage carrée, plus virile ne le rendait que plus beau. Mais ce qui retint le plus l'attention de la jeune femme fut les yeux en amande du jeune homme. Ils brillaient d'un éclat, à la fois malicieux, et pénétrant, qui transperça Iris jusqu'au plus profond de son âme.

L'homme de ses cauchemars partageait sa table avec des jumelles. L'une habillée très court et l'autre plus élégante ainsi qu'avec un garçon aux cheveux noir-ébène et aux yeux rieurs. Les deux sœurs portaient des longs cheveux raides d'un blond presque blanc. Elles fronçaient les sourcils de la même manière qui les faisaient paraître encore plus semblables qu'elles ne l'étaient déjà.

Les sœurs jumelles fixaient tour à tour leur ami et Iris d'un air dubitatif. Le garçon aux yeux rieurs qui se trouvait juste à côté de lui fit mine de se lever, mais l'homme dont elle rêvait l'empêcha d'aller plus loin le retenant fermement par l'avant-bras, les yeux toujours rivés sur Iris. À en juger par leurs allures décontractées et les tatouages barbares qui habillaient l'avant-bras du garçon aux yeux rieurs, ils venaient du nouveau Paris. Tous les quatre dégageaient une aura étrange, néanmoins très attirante.

– Tu les connais ? s'enquit Soan en la tirant doucement par le coude.

Iris sursauta, ayant totalement oublié la présence du grand blond, puis secoua la tête, incapable de parler ni de détourner le regard du garçon de ses cauchemars. Rapidement, la foule se resserra et la vision se dissipa.

Elle fut prise d'une envie irrépressible de le retrouver, de savoir qui il était. Si c'était un mannequin de publicité ou si elle l'avait connu avant. Parce qu'il restait cette option, cette espérance folle et au vu de l'expression ébahie du jeune homme, Iris pouvait nourrir l'espoir de croire qu'il la connaissait peut-être avant qu'elle n'ait son accident.

La jeune femme devait à tout prix lui parler. Elle se fraya un chemin parmi la foule et planta là Soan qui l'observa s'éloigner l'air désemparé. Poussant tous ceux qui entravaient sa route, elle arriva enfin tant bien que mal à la table où ils étaient assis quelques secondes plus tôt, mais celle-ci était à présent désertée. Iris jeta un coup d'œil aux alentours, mais il n'y avait plus aucune trace de lui, ni de ceux qui l'accompagnaient.

En revanche, aussi incongrue que soit sa présence dans ce bar, le magnifique chat blanc siégeait sur leur table, fixant Iris de son regard clairvoyant. Voyant qu'elle l'avait aperçu, il sauta à terre et se dirigea vers la sortie. Avant de passer les portes battantes, il se retourna, vérifia qu'elle l'observait bien, puis disparut comme il était apparu.

Iris porta ses mains à ses cheveux. Était-elle folle ? Avait-elle eu une hallucination ? Sans vraiment savoir pourquoi, elle avait toujours eu peur de devenir aliénée, mais en cet instant précis, elle commençait à se demander si ce n'était pas vraiment le cas. Les flashes photographiques, les cauchemars, un chat qu'elle était la seule à remarquer et qui semblait vouloir communiquer avec elle, il y avait de quoi se poser des questions.

Elle retrouva sa table où Soan avait rejoint Maël. Lucas et Roméo semblaient être partis s'amuser.

Le grand blond évita son regard.

– Je sors un moment, je ne me sens pas très bien.

– Tu veux que je t'accompagne ? s'empressa-t-il de lui proposer, reprenant espoir.

– Non merci, j'ai besoin d'être un peu seule. Au cas où, tu vois...

Elle mima l'envie de vomir et s'en alla d'un air entendu. Le garçon se rassit, la mine renfrognée avant de jouer avec sa paille d'un air penaud. Iris ne put s'empêcher de ressentir de la peine pour lui. Elle avait tellement attendu qu'il s'intéresse à elle et le jour où cela se produisait, c'était comme si son envie de lui s'était évaporée.

Une fois dehors, la jeune femme sentit son corps s'imprégner de l'air hivernal. Elle ne portait rien d'autre que sa petite robe en coton rouge, mais bizarrement, la brise glacière lui fit le plus grand bien. À l'intérieur du bar, l'air devenait irrespirable. Ses cheveux blonds collaient à ses tempes et elle en était certaine, le peu de maquillage qu'elle avait pris soin de s'appliquer avait probablement coulé sous ses yeux.

Iris courut jusqu'au trottoir, tournant la tête de part et d'autre à la recherche d'un indice. Tout à coup, elle fut prise de panique. Et s'il était parti ? Si elle ne le revoyait plus jamais ? Ou pire encore, si elle l'avait imaginé ? Des sueurs froides se déversèrent le long de sa colonne vertébrale à cette pensée.

Bouleversée, la jeune femme faillit s'effondrer en larmes quand elle vit une des jumelles adossée au mur à une trentaine de pas d'elle. La fille était grande et très fine. Dans un nuage de fumé, elle porta à ses lèvres une cigarette longue et entièrement blanche.

Iris fut prise d'un accès d'euphorie. Elle n'avait pas rêvé et il n'était pas parti, du moins, elle avait encore une trace de lui.

La fille tourna son regard bleu sombre vers elle. Ses yeux fortement maquillés d'un épais trait d'eye-liner lui attribuaient un regard félin. La fumeuse lui fit signe de la rejoindre. Iris fit volte-face, mais il n'y avait personne d'autre qu'elle sur le trottoir. Tout le monde semblait avoir déserté l'entrée. Qu'avait-elle à perdre en y allant ? De toute manière, il était trop tard pour reculer. Iris devait savoir si ce garçon l'avait connue par le passé. Aurait-il le pouvoir de lui révéler qui elle était vraiment ?

Elle s'avança d'un pas décidé vers la jumelle qui lui faisait face, mais celle-ci se mit à marcher en direction opposée, s'enfonçant petit à petit dans la pénombre d'une ruelle perpendiculaire à l'axe dans lequel se trouvait l'Animus.

Iris trouva cette attitude louche et commença à trembler malgré elle. Pourtant, la jeune femme savait qu'elle irait jusqu'au bout. Quelque chose de plus fort que l'angoisse la poussait à suivre cette fille qu'elle ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam.

– Qui es-tu ? la héla-t-elle d'une voix tremblante.

Mais la fille continuait à s'enfoncer dans la nuit sans un regard pour elle. Iris décida de tenter autre chose :

– Attends ! Ton ami, le grand brun, je...

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase car elle reçut un coup vif à l'arrière du crâne. La jeune femme crut entendre un cri rauque, puis plus rien.

Amnésia : l'Enfant de la Lune (Sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant