Amnésia : l'Enfant de la Lune (Sous contrat d'édition)

Chapitre 13. Focus

 Iris, assise en tailleur sur le lit de Roméo, scrutait son visage blême dans la pénombre de sa chambre. La faible lumière de la lampe de chevet se reflétait sur la peau satinée de son frère, accentuant le côté anguleux de ses traits. En fin de compte, lui raconter qui elle était réellement ne lui avait pas paru si difficile. En revanche, le silence qui avait suivi cet aveu s'était avéré bien plus terrible à supporter. Roméo n'avait posé aucune autre question, si bien qu'Iris n'eut pas à lui parler des Defensors, de Félix et des légendes.

Toutes sortes d'émotions s'étaient succédées sur le visage de son frère adoptif, à tel point qu'Iris ne savait plus où donner de la tête. Il avait d'abord parut inquiet, puis amusé, terrorisé, et enfin, atone. Il était à présent livide, son expression ne traduisait plus rien. Seules quelques gouttes de sueur, qui perlaient sur son front, trahissaient l'étendue de sa confusion face à cette confession.

– Dis quelque chose, je t'en prie ! l'implora Iris sans oser s'approcher de lui.

Le garçon la fixa de ses yeux vides. Ce n'était plus la personne joviale et ouverte d'esprit qu'Iris connaissait si bien. Son frère était devenu une coquille vide. Elle entreprit de le secouer, ne supportant plus de le voir dans cet état végétatif.

– Roméo ? Est-ce que ça va ? Je t'en supplie, parle-moi !

– Il faut que je dorme, décréta-t-il d'une voix blanche.

Sans dire un mot de plus et déchirant le cœur de sa sœur, il lui tourna le dos, et s'enroula dans ses couvertures, adoptant une position fœtale.

Cette nuit-là, Iris ne ferma pas l'œil, trop absorbée par tout ce qui s'était passé ces trois derniers jours. Elle se leva le matin, le cerveau anesthésié par le manque de sommeil. Traînant des pieds jusqu'à la cuisine, elle découvrit que tout le monde était déjà parti. Son frère travaillait pour une petite agence d'édition et Clara dans un grand cabinet d'avocat, et même si cela impliquait de partir tôt le matin, ils avaient toujours mis un point d'honneur à déjeuner ensemble.

À la vue des sièges vides, la gorge d'Iris se serra. Les larmes menacèrent, mais elle respira un grand coup et celles-ci refluèrent. La jeune femme déjeuna par réflexe, effectuant des gestes machinaux. Sur la route de l'école, elle manqua l'accident de peu, n'ayant pas vu que le feu était rouge et comme si cela ne suffisait pas, tourna pendant plus d'une demi-heure à la recherche d'un Hangar vide. Aucun doute, aujourd'hui n'était pas son jour.

À midi, Iris se rendit compte qu'elle avait boutonné lundi avec mardi et qu'elle avait oublié de se maquiller. La jeune femme soupira longuement, la mine abattue, décidant qu'il ne servait plus à rien de se battre. Sur le chemin de la cafétéria, Paolo la sermonna sur son manque de sérieux en cours. Ou alors, c'est ce qu'elle crut comprendre.

– Laisse-moi deviner ! Ta sale tête, tu la dois à une folle nuit d'amour avec le bellâtre d'avant-hier midi ? la taquina Paolo, une moue narquoise scotchée sur ses lèvres pulpeuses.

Quelle commère celui-là, s'agaça Iris. Cependant, l'image fugace de deux corps nus serrés l'un contre l'autre lui fit monter le feu aux joues sans attendre. Paolo prit cette soudaine coloration des pommettes d'Iris pour un oui implicite.

– Iris Castel ! Avec un Dieu Grec ?! Raconte ! je veux tout savoir, s'extasia-t-il en appuyant sur chaque mot et en tapotant des mains avec excitation.

Comme à chaque fois qu'il s'enthousiasmait, Paolo ne contrôlait plus du tout son accent hispanique qu'il tenait de ses grands parents. Iris ne put s'empêcher de rire.

– Ce n'est pas ce que tu crois Paolo, il ne s'est rien passé. Disons que c'est quelqu'un que j'ai connu avant mon accident...

Le jeune homme ouvrit des yeux ronds et plaqua une main immense et basanée contre sa bouche.