Chapitre 7

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Ils n'avaient pas pensé que donner un nom et une adresse alors qu'ils étaient recherchés était très stupide.

Karma indiqua à la livreuse qu'il allait arriver puis raccrocha. Comment agir ? Il ne fallait pas paraître suspect ! Et surtout, Nagisa ne devait pas être vu. Et si c'était un subterfuge de la part d'une policière ? Peut-être que leurs téléphones avaient été mis sur écoute ? Karma se flagella mentalement. Il ne devait pas devenir parano ! Il proposa à Nagisa de se cacher le temps qu'il récupère la commande.

Pendant que le carmin s'approchait de la porte d'entrée, Nagisa alla rapidement et en silence se cacher dans la chambre, s'assurant que son image ne se reflétait nulle part à l'intérieur de la maison. Karma ouvrit la porte normalement et du regard, vérifia la présence de sa livraison. Une fois trouvée, il offrit son plus grand sourire de façade à la livreuse. La jeune femme lui tendit la commande et repartit après les formules de politesses habituelles. Il tint fermement le sac, lança un regard circulaire à la rue qui se présentait à lui puis referma la porte.

Jamais il n'aurait pensé qu'une chose, en soit, si banale qu'une livraison à domicile puisse devenir si flippante. Il donna un tour de clef dans la serrure et les laissa à l'intérieur. Karma utilisa le nom de code de Nagisa : "Troisième sexe" ; pour l'informer que le danger était écarté. Ces noms de codes imposés n'étaient utilisés que lors de missions, ils avaient fini par s'y habituer, que cela ne leur en déplaisent. L'interpellé arriva, exaspéré :

« - Arrête avec ce pseudo ridicule... geignit-il

- Quoi tu ne l'aimes pas ? Ricana son interlocuteur.

- Non et tu es le mieux placé pour le savoir. »

Le ton employé était plein de reproches. Karma savait qu'ils ne lui étaient pas vraiment destinés mais cela ne l'empêcha pas de se sentir coupable. Ces accusations étaient tournées contre la mère de Nagisa. La plaisanterie avait assez duré. Il poussa les manettes le plus loin possible sur la table basse et sortit le contenu du sac. Pour accompagner le repas, Karma zappa les chaînes télévisées jusqu'à tomber sur le journal d'informations nationales. Il ne supportait pas le silence qui accompagnait la solitude. Vivre avec la télévision allumée était alors devenu une habitude. Quand les sons se propageaient dans la maison celle-ci devenait vivante, lui apportant une sensation de chaleur réconfortante, rassurante. C'était devenu une nécessité pour Karma. Il avait besoin que la télévision propage du bruit, des paroles, des images dans les pièces de sa maison.

Karma retourna s'assoir sur le canapé. Il se tourna vers son ami et s'excusa pour le surnom dont il l'avait affublé en lui caressant le visage de la main avec tendresse. Nagisa le regarda faire sans rien dire, surpris de ce geste. Il n'était pas encore habitué aux contacts doux et réconfortants. Le pouce qui survolait sa joue, lui décrocha un frisson d'appréhension en frôlant sa plaie. Il craignait que Karma ne lui fasse mal, même si c'était accidentel.

Il finit par se détendre, acceptant ce que lui apportait cette caresse cajolante. Il profita de la chaleur que lui donnait ce contact réconfortant. C'était agréable. Il s'autorisa à s'égarer dans les sensations que lui prodiguait sa main contre sa joue, arrêtant de réfléchir pour tout simplement profiter de l'instant présent. Mais celui-ci fut brisé par Karma qui retira sa main.

Pensifs et en silence ils entamèrent leur repas. Nagisa ressassait les émotions ressenties pendant leur dernier échange en mangeant, un air béat sur le visage.

Karma finit par couper ce silence :

« - Tu as reçu une réponse de ta mère ? »

Surpris par le sujet de la question, Nagisa avala de travers et manqua de s'étouffer. Une fois la quinte de toux passée, il déposa son plat et ses baguettes, s'essuya les mains dans une serviette et alla chercher son téléphone resté sur la table de la cuisine. Il revint avec l'appareil en main et d'un hochement de tête confirma la présence de nouveaux messages de sa mère. Nagisa les lut à voix haute :

De fille à filsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant