La Maison Aux Cinq Voix

Chapitre 22

Le récit d'Erina

Quand ils arrivèrent tous au sous-sol, ils se rendirent dans la pièce du fond et ce qu'ils y virent les sidéra. Devant eux se tenaient les spectres d'Erina et sa famille.

- Mon Dieu ! s'exclama Emma.

- C'est pas croyable, renchérit Oliver, complètement éberlué.

- Bonjour à toutes, les salua Ava.

Elle se tourna ensuite vers les autres.

- Je crois qu'elles ont des choses à nous dire. Je vais leur servir d'intermédiaire.

- Vous voulez dire que vous allez parler à leur place ? demanda Julian.

- Oui. Elles ne peuvent pas s'exprimer par elles-même. Ce ne sont que des esprits, et les esprits ne parlent pas. Ils peuvent se matérialiser, mais c'est tout, et c'est quelque chose qui ne se produit que très rarement.

Elle s'adressa de nouveau aux entités.

- Est-ce que l'une d'entre vous souhaite s'exprimer par mon entremise ?

Ava ferma les yeux et quand elle les rouvrit, elle était comme en transe. Elle commença à s'exprimer avec une voix qui n'était pas la sienne. Elle était plus grave et dotée d'un fort accent allemand.

- Je m'appelle Erina Hoffmann, et voici mes filles. L'aînée se prénomme Adalia et est âgée de quinze ans, la cadette, Lydia, a treize ans, et la benjamine, Elsa, a dix-huit mois. Et voici Lena, ma sœur. Nous sommes toutes mortes ici, dans cette pièce, il y a maintenant quarante-huit ans.

Ava sortit momentanément de sa transe et s'adressa à Emma.

- Chère Emma, je vais avoir besoin de votre aide, lui dit-elle.

- Pour quoi faire ?

- Pour poser des questions à Erina.

- Quel genre de questions ?

- Toutes celles qui vous sembleront appropriées.

- Je vois... C'est d'accord.

- Bien.

Ava ferma les yeux et quand elle les rouvrit, elle était de nouveau en état de transe. Elle ne parlait pas, alors Emma se lança avec une première question.

- Erina, je m'appelle Emma, et j'aimerais vous poser quelques questions si vous me le permettez.

- Bien sûr, dit Erina en utilisant la voix de la médium.

- Merci. Pourquoi nous avoir choisis pour vous manifester après toutes ces années ?

- C'était écrit.

- Comment ça ?

- Il y avait une grande amitié entre ma fille Lydia et cette femme, dit l'esprit en se servant du doigt d'Ava pour le pointer sur Mélinda. Il était écrit qu'elle viendrait dans cette maison pour nous délivrer de cet endroit duquel nous sommes prisonnières depuis si longtemps.

- Que s'est-il passé ? Racontez-nous.

- C'était le soir du 6 juin 1971. Mon époux venait de rentrer d'un voyage d'affaires en Allemagne, d'où nous sommes originaires. Nous étions tous les deux dans le jardin, mais son comportement était étrange. Son regard était empli de haine. Durant le dîner, il avait commencé par nous insulter et nous faire des reproches à toutes. Il criait et nous étions effrayées. Quand nous nous sommes retrouvés tous les deux dehors, il a continué à m'insulter. Je ne comprenais pas ce qui lui arrivait, ni ce que nous avions bien pu faire pour le mettre dans une telle colère, lui qui était d'habitude si doux et si gentil. Le lendemain matin, quand je l'ai rejoint dans la cuisine pour prendre mon petit-déjeuner, il m'a regardé froidement, et sans un mot, il m'a tendu une tasse de thé. Dès la première gorgée, je me suis sentie très fatiguée, et je crois que je me suis endormie presque aussitôt. Quand je me suis réveillée, j'étais attachée sur cette chaise, ici, derrière ce mur, avec ma sœur et mes trois enfants. Elles étaient également attachées, et quand elles se sont réveillées à leur tour et que nous avons compris que nous étions prisonnières, nous avons crié de toutes nos forces pendant des heures, des jours, peut-être. Mais au bout d'un moment, nous n'avions plus assez d'énergie, et j'ai vu ma sœur et mes filles s'éteindre les unes après les autres, puis ce fut mon tour.

Ava sortit alors de sa transe. C'était le signe que le récit d'Erina était terminé. Après qu'Emma ait raconté à la médium ce que lui avait révélé Erina, Ava s'adressa à cette dernière.

- Merci beaucoup de nous avoir fait confiance et de nous avoir raconté votre histoire, Erina. Maintenant que nous savons tout, nous allons vous aider, je vous le promets. Nous résolverons cette affaire et vous pourrez enfin toutes reposer en paix. Il me faudrait simplement une petite information. J'ai besoin de connaître le prénom de votre époux. Vous pouvez vous servir de ma voix pour le dire aux autres.

Une nouvelle fois, Ava ferma les yeux et quand elle les rouvrit, Erina parla à travers elle.

- Il s'appelle David.

La médium sortit de sa transe et se tourna vers Emma.

- Elle a dit qu'il s'appelait David.

- Très bien. Y a-t-il autre chose que vous voudriez nous dire avant de repartir ?

Ava se tourna vers les autres.

- Je crois que Lydia a un message pour vous, Mélinda. Souhaitez-vous l'entendre ?

- Bien sûr, répondit cette dernière.

Quand la médium fut à nouveau en état de transe, c'est cette fois-ci Lydia qui parla à travers elle. Il sortit de sa bouche une petite voix douce et cristalline.

- Mélinda, meine kleine blume... Tu as été une fantastique amie pour moi. J'aurais aimé te connaître plus tôt. Je ne t'oublierai jamais, et je te protègerai toujours...

Ava sortit de sa transe. Mélinda était très émue, et quand les esprits disparurent, elle s'effondra dans les bras d'Emma.

- Calme-toi, maman, la consola-t-elle.

- Nous sommes tous très éprouvés par ce qui vient de se passer. Je vous propose de remonter.

Quand ils furent tous réunis au salon, Emma prit la parole.

- Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant ?

- Il va falloir que vous alliez voir la police pour tout leur raconter. Il faut absolument qu'ils retrouvent David Hoffmann et que ce dernier leur donne la raison pour laquelle il a tué toute sa famille. C'est le seul moyen pour elles et leurs âmes de trouver le repos.

- Nous irons au commissariat dès demain matin, dit Emma. Allons nous coucher, maintenant.

- Oui, je suis épuisée, dit Mélinda.

- Nous le sommes tous, renchérit Ava.

Ils montèrent donc tous se coucher avec le sentiment d'avoir vécu une expérience unique qui ne se reproduirait sans doute jamais.