Chapitre 32

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Mais cette fois, la jeune fille ne resta pas là les bras ballants et le visage rempli d'incompréhension. Elle sortit rapidement de sa chambre afin de rattraper son inconnu. L'attrapant par le bras, elle le stoppa dans son avancé vers la porte d'entrée et le retourna sèchement vers elle:
   "-Tu vas arrêter de m'agresser comme ça dès que je te pose une question ?!
    -Ferme-la, je fais ce que je veux.
    -Non ! Non tu ne fais pas ce que tu veux bordel ! J'ai des sentiments vois-tu et j'en ai marre qu'à partir du moment où monsieur n'est pas content, il s'énerve et m'envoi chier, je ne suis pas un objet et j'en ai marre que tu me considères comme tel. Je peux comprendre que tu ne veuilles pas me parler de certaines choses mais tu n'es pas obligé de me parler comme ça, tu pourrais le dire de façon plus gentille et ça serait mieux pour tout le monde parce que là j'en...
    -Ils nous ont abandonné ! "
Un gros blanc suivi cette parole et Lou fixa le jeune homme face à elle avec des yeux exorbités. Elle voulut dire quelque chose mais le jeune homme l'interrompit aussitôt:
   "-Pas la peine d'en rajouter, j'ai pas du tout envie d'entendre des << Je suis tellement désolée pour toi, c'est trop triste >> et que sais-je encore. J'en ai rien à foutre et honnêtement, je suis bien content qu'aujourd'hui ils soient morts. "
Et sur ces dernières paroles, il quitta définitivement l'appartement. Peu après que le bruit d'une porte claquant se fit entendre, Lou se laissa tomber au sol, le visage sans expression. D'un coup, elle se sentit coupable... Elle qui trouvait sa vie minable, que devait-elle alors penser de celle de son inconnu ? Abandonné par ses parents, envoyé à l'orphelinat, adopté par un dealer et la mort de son frère... En 10 ans, il avait vu sa famille exploser pour au final perdre définitivement ses proches. Qui sait ce qu'il se serait passé si les gars n'avaient pas été là pour lui ? Peut-être serait-il mort à l'heure actuelle ? La jeune fille préféra ne pas y penser car connaissant son imagination, elle savait qu'elle partirait une nouvelle fois dans des hypothèses complètement folles. Elle finit tout de même par se ressaisir mais toujours perturbée, alla simplement se poser dans le canapé. Laissant divaguer ses pensées, elle commença à s'imaginer ce qu'allait devenir sa vie désormais. Que se passerait-il si ses parents divorçaient réellement ? Et si sa mère l'avait en fait abandonnée comme l'avaient fait les parents de son inconnu ? Un larme roula sur sa joue et s'écrasa sur son pyjama. Elle prit soudain conscience qu'elle était terrifiée. Elle avait fait de son mieux pour ne pas penser à ses histoires familiales mais au fond, elle se doutait qu'elle ne pourrait pas les fuir éternellement et sans l'avoir remarqué, elles venaient de s'écraser à ses pieds l'empêchant à présent de faire semblant que tout allait bien. Ne sachant pas quoi faire, ne sachant plus quoi penser, elle se précipita dans sa salle de bain et s'arrêta devant son miroir, fixant son visage. La peau pâle, des cernes sous les yeux, des cheveux ternes, elle avait tenté de tout refouler au fond mais, même si son esprit en était capable, son corps lui, faisait suinter la douleur qu'elle gardait pour elle par les moindres pores de sa peau. Elle commença à trembler, tentant de se contrôler mais soudain, elle explosa. Sa peine devint colère et elle attrapa tout ce qui lui tombait sous la main pour les lancer contre cet objet reflétant ce qu'elle tentait de faire disparaître, elle. Son image la dégoûtait, elle se répugnait, elle voulait fuir, ne plus jamais se voir, voir cet horreur qu'elle était. Le bruit des objets percutant les débris de miroir était fracassant mais elle s'en fichait, tout ce qu'elle voulait c'était le réduire en poussière, peu importe les superstitions à ce propos. Lou finit par s'arrêter lorsqu'elle remarqua que le sol était désormais rempli de miettes brillantes et éclata en sanglots sans trop savoir pourquoi. Elle se laissa tomber sur le carrelage se fichant complètement d'être coupée, tout ce qu'elle voulait, c'était pouvoir enfin pleurer en paix... Elle pleura à n'en plus finir, se mettant même à hurler et frappant du poing. A chaque fois que sa main rencontrait le sol, elle sentait des débris rentrer dans sa chaire mais elle s'en fichait, cette douleur n'était rien comparée à celle qu'elle ressentait intérieurement. Elle pleura une bonne partie de la matinée, accroupie par terre, sans s'arrêter. Quand elle se calma enfin, elle s'essuya les joues et décida de descendre manger quelque chose, ne jetant même pas un regard vers le désastre qu'elle laissait derrière elle. Une fois dans la cuisine, elle prit un morceau de pain qu'elle tartina de confiture et le mangea, assise en tailleur sur le canapé. Elle reprenait peu à peu conscience et commença à culpabiliser par rapport à ce qu'elle venait de faire si bien qu'une fois sa tartine terminée, il lui fallut un certain temps avant d'oser monter voir son carnage. Lentement, elle se dirigea vers l'escalier, monta les marches et s'avança vers la porte de sa salle de bain. Du bout des doigts, elle appuya sur la clinche lui permettant ainsi d'admirer son "œuvre". Le mur sur lequel était accroché le miroir était désormais apparent, des éclats brillaient sur presque l'entièreté du sol, des bouteilles et flacons en tout genre étaient éparpillés partout dans la pièce, même sa brosse à dents y était passée et se trouvait désormais dans la douche. Mais ce qui accrocha le plus son regard fût les tâches d'un rouge intense à un endroit en particulier, là où elle s'était écroulée... Se sentant de nouveau trembler, elle respira un grand coup tout en fermant les yeux, amena ses bras devant elle et ouvrit les paupières d'un coup. De multiples coupures parsemaient sa peau laissant ainsi le sang s'évader et ruisseler à sa guise. Retournant ses mains, paumes vers le plafond, elle contempla les point brillants incrustés dans sa peau et les fit miroiter à la lumière de la lampe. Elle soupira, s'insultant mentalement de cet excès de colère et se laissa glisser contre le chambranle de la porte tout en enfouissant la tête dans ses genoux, ne voulant pas encore affronter cette triste réalité.

Après être sorti en claquant la porte, il s'était hâté de rentrer dans sa voiture et de retourner chez lui. Ses mains étaient crispées sur le volant et il sentait son sang bouillir sous sa peau. Même si cela faisait déjà 10 ans, se remémorer l'abandon de ses parents faisaient toujours aussi mal. Il n'avait jamais su pourquoi et ne le saurais jamais et au fond, c'était peut-être cela son plus grand regret. Il avait toujours voulu montrer que ça ne l'atteignait pas et qu'il se fichait complètement de ce qu'il s'était passé mais bien évidemment, cela était un pur mensonge. Comment est-ce possible de ne pas garder la marque d'un tel acte ? Il aurait aimé savoir ce qu'il avait bien pu faire pour que ses parents le rejettent, le laissent tomber, ainsi que son frère. C'était un jeune garçon turbulent mais comment lui en vouloir? C'était normal à son âge. Et puis, ce n'était pas un mauvais garçon non plus. Certes il n'avait pas toujours fait les bons choix et était un prodige pour s'attirer des ennuis mais il ne dépassait jamais les limites et restait toujours très respectueux... Contrairement à aujourd'hui, où les limites du convenable avaient été bafoué depuis bien longtemps déjà. Il y a des moments comme ça où on se sent lâcher prise, on a besoin d'aide, celle de ceux que l'on aime. Mais parfois, ceux dont nous avons le plus besoin ne sont malheureusement plus là. Le jeune garçon saisit son portable pour envoyer un bref message à Matt lui annonçant qu'il ne viendrait au final pas avec eux passer la journée sur leur bateau, puis continua de rouler. Lorsqu'il s'arrêta, le jeune homme resta un certain temps sans bouger, regardant la grande grille face à lui. Il finit par sortir, s'avança pour ouvrir la barrière et s'avança sur le sentier. Après quelques minutes de marche, il s'arrêta, ferma les yeux tout en soufflant un grand coup pour ensuite les ré ouvrir et prononcer d'une faible voix:
   "-Salut frangin... "
Il observa les lettres dorées gravées dans la pierre puis s'assis sur le bord de la tombe en soupirant:
   "-Tu me manques... Déjà 3 ans que tu es parti, tu t'imagines ?! C'est passé tellement vite... Et je n'arrive toujours pas à croire que ça s'est réellement passé... Je me demande si tu me vois et m'entends réellement où si je suis juste un con qui parle à un morceau de pierre. Tu sais, j'espère encore que tu es fier de moi mais au fond, je sais pertinemment que ce n'est pas le cas. Tu ne voulais pas que je tombe dans le monde de la drogue et j'ai sauté à pieds joints dedans... Et le pire c'est que j'ai entraîné Matt, Drew et Jake dedans aussi, je suis un ami indigne je crois. Tu voulais que je fasse des études et que j'ai un bon emploi, une bonne situation et voila où j'en suis, j'ai la bonne situation mais disons que niveau emploi, j'aurais pu trouver mieux. Je me demande comment on vivrait si tu étais toujours là, ce qu'il se serait passé pour nous. C'est con mais j'ai l'impression de n'être encore qu'un gamin là, qui cherche le réconfort de son frère...que je ne pourrai malheureusement plus trouver. J'ai besoin de toi... Comme si je n'en avais pas déjà assez bavé quand papa et maman sont partis, il a ensuite fallu que ça soit ton tour. C'est égoïste parce que dans un sens je t'en veux d'avoir fait comme eux, tu ne l'as pas choisi mais tu m'as quand même abandonné. Je t'en veux mais je t'aime quand même, tu restes mon frère et je sais que si tu avais eu le choix, tu n'aurais jamais voulu que ça se passe comme ça, il me faut juste le temps de faire mon deuil et d'accepter que tu es vraiment mort. Ne pense pas que je te mets à égalité avec les parents, car c'est totalement faux. Tu resteras à jamais mon frère alors que eux...ce n'étaient plus que mes géniteurs et rien d'autre. Je me demande si tu as eu l'occasion de parler avec eux là-haut, enfin si c'est vraiment possible. Mais si oui, j'espère que tu sais au moins pourquoi ils ont fait ça…et j'espère le savoir un jour aussi. Si j'avais pu faire en sorte d'échanger leur vie contre la tienne, je l'aurais fait sans aucun doute. Je serais prêt à donner n'importe quoi pour que tu reviennes, pour que tu arrives derrière moi et me dise << hey p'tit frère c'était une blague, je suis toujours en vie !>> mais ce n'est pas possible... Je dis ça mais au fond, j'espère quand même qu'en me retournant tu seras là et que tu te moqueras de moi en me disant que j'ai l'air d'une guimauve. "
Un silence se fit, durant lequel le garçon ferma les yeux, un sourire étirant ses lèvres en se remémorant les souvenirs de son enfance. Rouvrant les pupilles, les traits de son visage devinrent tristes et tout en se relevant, il souffla:
   "-J'espère que tu es heureux là-haut, tu me manques... "
Passa une dernière fois ses doigts sur les quelques mots gravés, puis quitta les lieux, le visage baissé afin de cacher les quelques larmes qu'il avait réussi à retenir jusque là.

Elle ne pouvait plus faire marche arrière, ce qui est fait est fait et il lui était impossible de revenir dans le passé pour changer les choses. Se relevant, la jeune fille se décida enfin à tout nettoyer. Après environ 1h30, le sol de la salle de bain était débarrassé des morceaux de miroir et tout était rangé. Le plus gros problème maintenant était de savoir que faire pour retirer les morceaux incrustés dans la peau de l'adolescente. Elle prit une pince à épiler et enleva quelques débris mais certains étaient trop petits pour qu'elle puisse faire quoi que ce soit. Elle décida alors de ne plus y toucher et parti dans sa chambre s'allonger sur son lit afin de lire tranquillement un livre. Elle voulait, l'espace de quelques heures, s'évader dans un autre monde, un endroit complètement différent, elle voulait simplement fuir sa vie durant un moment. Après environ 30 minutes, sa lecture fût dérangée par des bruits assourdissants venus de l'extérieur. Lou se leva alors et s'avança jusque sa fenêtre afin de voir ce qu'il se passait. Regardant vers la rue, elle aperçut une ambulance ainsi qu'un camion de pompier et plusieurs voitures de police rouler à toute vitesse sur l'avenue. Elle retourna ensuite à sa lecture pour repartir dans ce monde imaginaire qu'elle aimait tant.

Fermant la grille derrière lui, l'inconnu se glissa dans sa voiture et s'élança sur la route. Venir ici lui avait fait beaucoup de bien mais il se sentait en même temps chamboulé. Il n'avait pas l'habitude de se confier de cette façon, d'aborder ses sentiments. Mais c'était son frère, et il avait ressenti le besoin de venir lui parler, même s'il ne s'agissait plus que d'une tombe désormais. Le jeune garçon prit alors conscience que malgré le temps passé et ses impressions, la mort de son frangin était encore bien présente dans sa mémoire et qu'y penser était toujours aussi douloureux. Il aurait voulu que cette souffrance s'estompe rapidement mais ce n'était pas possible. Il restait un humain et même le pire d'entre nous, peut connaître la souffrance. Le deuil n'est pas facile, il met du temps et la première étape à celui-ci est avant tout d'accepter que l'être aimé n'est plus. Le jeune homme le savait mais entre le savoir et le pouvoir, il y a un grand pas. Il pensait pouvoir y arriver seule et surtout, il pensait y être arrivé seul mais il venait de prendre conscience que ce n'était absolument pas le cas, loin de là, et qu'il avait besoin d'aide. Il changea soudain de trajectoire et roula en direction d'une adresse bien précise. Vers une personne bien précise, celle dont il allait avoir besoin, celle qui allait l'aider à traverser ces moments douloureux. Roulant à toute vitesse sur la quatre bandes, son regard était vague. Ses pensées se bousculaient, encombraient son esprit. Et d'un coup, plus rien. Noir complet, silence total. Il fût soulagé de ne plus entendre tous ces bruits dans son crâne et voulut rouvrir les yeux afin de retrouver la lumière. Mais lorsqu'il tenta, le noir était toujours bien présent. Il réessaya mais de nouveau, ce fût un échec. Une espèce de grésillement se fit alors entendre, devenant de plus en plus assourdissant et il voulut hurler pour le faire disparaître mais ses lèvres restèrent closes. Il tenta de se débattre mais ses muscles refusèrent. Il commença à paniquer, ne comprenant pas ce qu'il lui arrivait, il avait l'impression de sentir la sueur perler sur son front mais sa peau était sèche. Soudain, les grésillements furent remplacés par des vagues bruits répétitifs. Il tenta de se concentrer sur ces nouveaux sons et finit par les identifier. Il eut l'impression que son corps se paralysait lorsqu'il comprit ce qu'il se passait et se rendit alors compte que ce n'était en fait pas qu'une impression, il était bel et bien paralysé.

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Tadam !!! 

Je suis désolée pour ce retard !! :X Le chapitre n'est pas super long, je suis désolée mais promis je vais poster la suite rapidement. Je sais que l'attente a été longue, mes plus sincères excuses, mais j'espère que vous ne serez pas déçu... 

N'hésitez surtout pas à voter et commenter, pour me dire  ce que vous en avez pensé que ça soit le craquage de Lou, les paroles d el'inconnu sur la tombe de son frère ou encore la fin du chapitre, ça fait toujours plaisir d'avoir vos avis les chatons ;) 

Bisous bisous 

#INAD

Ne vous fiez pas aux apparences...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant