Jack F., Elsa et moi

Kristoff

Jack détestait l'été, bien sûr. Qui avait besoin de lui en cette saison ? Et contrairement à Nord et tous les autres, il était si impatient qu'elle finisse qu'il cherchait n'importe quel prétexte pour geler quelque chose ou lancer une bourrasque de vent glacé sur les passants en short et jupette, ce que je regardais d'un mauvais œil sachant que Nord m'avait chargée de le surveiller. C'est pourquoi je ne fus pas étonnée lorsque, lors d'une de nos séances intensives de vol, mon bourreau me dit qu'Elsa lui avait proposé d'aller visiter son palais.

« Tu veux venir avec nous ? Me demanda-t-il alors que je secouai lentement mes ailes pour les détendre.

-Si on fait une pause avant d'y aller, je serai ravie. C'est loin ?

-Un peu. C'est vers le nord d'Arendelle, jusqu'à ce qu'on voit que de la glace, dit-il en haussant nonchalamment les épaules.

De mon côté, j'eus soudain en tête des images de centaines de kilomètres de banquise, de tempêtes de neige constantes, le froid mordant contre mes épaules, mon visage, et ma chute, comme celle d'un moucheron dans l'immense paysage blanc.

-Je pense que je vais décliner l'offre pour le moment, répondis-je, hésitante.

Face à mon incertitude, la bonne humeur de Jack s'envola et il me regarda dans les yeux, soudain paniqué à l'idée de ne pas partir.

-Tu es sûre ? Si c'est à cause du froid, je te porterai, je te protégerai, pas de problème !

Comme il ne cessait de trépigner, de tournoyer et de me distribuer des caresses pour me faire céder, je souris puis portai un regard vers le lac stagnant et désert.

-On risque de s'absenter longtemps, dis-je en l'observant. Mais vas-y, toi ! Rajoutai-je face à l'air sombre de Jack. Va te défouler un peu, ça te fera du bien. T'es trop souvent dans mes pattes, de toute façon.

-Et j'y reviendrai aussitôt que possible. » Répliqua Jack en retrouvant sa bonne humeur et en m'embrassant longuement.

Après quoi, lentement, il s'éloigna de moi et partit dans une direction dans les nuages jusqu'à ne plus être visible. Lorsque je le quittai des yeux, je retournai tranquillement à mon sanctuaire et profitai de ma propre solitude pour confectionner des statuettes à bases de roseaux et d'algues, une d'homme, et une de femme, lorsque j'aperçus un voyageur errant sortir du bois.

A sa vue, je laissai accidentellement mon ouvrage m'échapper des mains et couler dans la vase. Agacée, je m'envolai en direction de ce énième passant et l'observai. C'était un homme adulte élégamment vêtu de longues bottes noires cirées, d'un pantalon blanc d'écuyer, d'une veste à petits boutons de cuivre étincelants et d'une épée à pommeau d'ivoire qu'il portait sur le côté de sa ceinture. Il avait l'allure d'un prince. Sa démarche, droite et mesurée, était aussi lente et son expression contrariée. Lorsqu'il s'assit péniblement sur un banc au bord de la rive, il maintint sa tête contre ses poings fermés, les sourcils froncés en une expression d'intense réflexion. Des moustiques en profitèrent pour orbiter autour de son crâne avec un son nasillard, enivrés par l'odeur de gel de ses cheveux. D'un geste sec de sa main gantée de blanc, le pseudo-prince tentait de les chasser en vain. Lorsque quelques-unes de mes amies grenouilles sortirent de l'eau verte et se proposèrent pour lui rendre le service de le débarrasser de ses hôtes en coassant joyeusement, il se leva et poussa un grognement en les chassant à coups de pieds. Bien sûr, j'invitai alors le reste de leurs consœurs à se retirer immédiatement vers le fond des eaux et à ne plus l'importuner. Intrigué, il les observa soudain quitter la rive en un mouvement uniforme. De même, je manipulai quelque peu l'air au-dessus de son crâne et, en un claquement de doigt, les moustiques partirent à leur tour rejoindre les herbes hautes, en direction de leurs prédateurs. Toujours éberlué, le prince n'entendit plus un seul bourdonnement vers son oreille. Comme je le voulais, son air maussade avait complètement disparu mais, maintenant, il paraissait incertain et attentif à tout ce qui se passait autour de lui.