ELIAS
Il avait eu besoin presque d'un mois pour cesser de se comporter comme un animal perdu quand il venait me voir. J'avais fait semblant d'oublier qu'il se cachait de moi le jour de notre arrivée dans le quartier. Lui, faisait celui qui ne donnait aucune importance à son comportement. Je n'avais aucun ami ici, et doutais d'en avoir avant l'entrée au lycée et Levy était le seul avec lequel j'avais des contacts.
Il était d'une intelligence rare, et avait une capacité hallucinante à imaginer des choses. Il m'avait aidé à emménager ma chambre en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire et m'avait fait visiter le quartier. Je jouais de la guitare un après-midi dans ma chambre quand il ouvrit la porte. Il avait les mains derrière le dos et je voyais dépasser un étui qui semblait contenir un instrument de musique.
— Qu'est-ce que tu caches, lui demandai-je en penchant la tête pour tenter de voir.
— Moi aussi je fais de la musique, mais tu vas trouver ça ringard.
Je le regardai fixement en souriant.
— Tu joues d'un instrument et tu ne m'as rien dit depuis un mois que je suis là ?
— Euh... c'est un vieil instrument, mon grand-père m'en a fait cadeau pour mes huit ans. Tu ne vas pas te moquer ?
— Levy, tu m'énerves à la fin ! montre-moi ça ! pourquoi devrais-je me moquer d'un musicien ?
— Parce que je ne suis pas très populaire dans mon lycée, pas populaire du tout. Et j'en ai assez qu'on se fout de ma gueule. Je peux compter les amis sur les doigts d'une main et ce sont ceux qui font de la musique avec moi. À l'école je n'ai personne, et ils me font la vie impossible. Je ne suis pas sûr de vouloir te le montrer.
Je me demandais la raison pour quelle il avait des problèmes à l'école. Il n'avait pas l'attitude de quelqu'un de marginalisé. Je supposai que c'était dû à son aspect physique, à sa stature en dessous de la moyenne de son âge et à l'expression apeurée de son visage qu'il affichait à toute heure.
— Quand nous entrerons au lycée, je te garantis que s'ils te font la moindre réflexion je leur pète un bras, OK ? J'irais les prévenir d'entrée. Peut-être que nous serons dans la même classe de seconde. Allez, montre-moi.
Il hocha la tête en mordillant sa lèvre inférieure et posa l'étui sur la chaise de mon petit bureau pour l'ouvrir lentement, me demandant s'il comptait me faire attendre jusqu'à Mathusalem.
— Voilà, murmura-t-il en tenant dans ses mains la plus belle cornemuse que j'avais jamais vue.
Elle était vraiment magnifique. Le sac de l'instrument était recouvert d'un tissu de tartan rouge et quadrillé de trois lignes vertes. Le grand, et les petits bourdons ainsi que le tube d'insufflation étaient noirs et paraissaient neufs.
— Elle est belle ta cornemuse Levy.
— Mon papy m'en a fait cadeau avant de mourir. Je l'accompagnais tous les ans à Culloden rendre hommage à ses ancêtres. Tu veux que j'en joue un peu ?
— Ah oui ! Fais-moi voir ce que ça donne.
Il se plaça devant moi les jambes écartées, et cala la poche sous son bras. Il plaça le porte-vent entre ses lèvres et commença à souffler et à pianoter sur le chanter. Il ferma les yeux. Le son se répercuta contre les murs de ma chambre. et je souris hypnotisé par la musique enivrante et le garçon aux cheveux bruns ébouriffés. Il avait l'air d'un ange même avec son short passé de mode et son polo bleu qui avait connu des jours meilleurs. Je fermai les yeux pour écouter la mélodie. Moi qui n'écoutais que les groupes de rock qui pétaient les oreilles, je me surpris à apprécier cette musique qui prenait aux tripes, qu'il m'offrait comme un cadeau, et qui sortait d'un autre temps.
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Jusqu'à ce qu'il cesse de pleuvoir (DISPO SUR AMAZON)
RomanceL'Écosse n'était pas la destination rêvée d'Elias. Malheureusement, quand on a 15 ans, on n'a pas d'autre choix que de suivre ses parents. Il rencontre Levy, son voisin, un ado triste et renfermé. Une amitié inconditionnelle naît entre eux. Mais le...