Chapitre 8

93 20 13
                                    


                                 LEVY

    Il y avait du monde devant la maison des parents d'Elias. Des policiers, accompagnés de deux  personnes que je n'avais jamais vues. Je me tenais devant la fenêtre de la cuisine inquiet. Je savais qu'ils étaient partis en week-end et j'attendais avec impatience son retour. J'avais décidé de prendre le taureau par les cornes et d'aller lui parler. Nous devions partir le lundi suivant dans la maison de Cairn avec ma mère. Il était hors de question de quitter Inverness sans revoir Elias, et lui expliquer que je n'avais pas compris pourquoi il m'avait embrassé sur la bouche. Je fuyais depuis ce jour-là. Qu'est-ce qu'il m'avait pris de lui faire ça ? Ma mère sortit et me fit signe de ne pas bouger alors qu'elle se dirigeait vers la voiture de police. J'attendis, paniqué.

    Elle discuta avec les deux hommes et quand je la vis se couvrir la bouche de ses mains, je compris qu'il était arrivé quelque chose de terrible. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Je voulais que ma mère revienne et me rassure en me disant que tout allait bien, mais je savais d'avance que ce ne serait pas le cas. Je fis demi-tour et partis m'enfermer dans ma chambre, me rongeant les ongles en soulevant les rideaux pour regarder par la fenêtre. Mes yeux se levèrent machinalement vers celle devant laquelle Elias venait tous les matins me faire un signe pour partir au lycée. Je ne l'attendais plus depuis longtemps. Et pourtant, personne ne me manquait autant que lui. J'étais redevenu tel que j'étais à son arrivée dans le quartier, un asocial. Je restais seul chez moi, et m'arrangeais pour ne jamais le croiser, même au lycée. Une semaine après le baiser, je voulais lui parler et m'excuser de ma réaction. Mais je n'osais pas, j'avais honte. Et plus les jours passaient, moins j'avais de courage pour le faire. 

    Nous avions passé les dernières épreuves du bac quelques jours plus tôt et attendions les résultats. Nos parents se voyaient toujours, et en ce qui me concernait, ma mère ne m'avait jamais demandé pourquoi Elias et moi ne nous parlions plus. Je restais à la maison à écouter de la musique. Je ne sortais que pour aller à la bibliothèque ou à mes cours de cornemuse.

    Ma mère frappa deux petits coups à la porte et entra sans attendre. L'expression livide de son visage me confirma à lui seul que quelque chose de grave s'était passé.

— Elias ? Prononçais-je la peur au ventre.

— Elias est à l'hôpital chéri, mais ses parents...

    Elle essuya les larmes qui coulaient sur les joues avec un mouchoir qu'elle tenait entre ses doigts crispés.

— Ils sont morts tu veux dire ? Les deux ? Et Elias qu'est-ce qu'il a ?

    J'étais tétanisé. La panique déferla en moi en me tordant les boyaux.

— Je ne sais pas exactement chéri, mais d'après son oncle, il est hors de danger.

    J'essayai de rassembler mes esprits. Je ne songeais qu'à une chose, qu'allait devenir Elias sans ses parents ? J'espérais du plus profond de mon cœur qu'il ne serait pas renvoyé en Irlande. Mais je savais qu'Elias ne reviendrait jamais dans sa maison . Je m'en voulais tellement de ne pas lui avoir parlé plus tôt. Il ne méritait pas un tel rejet de ma part. Je regardai vers sa fenêtre en pleurant. Je me levai de mon lit d'un bond pour agripper les rideaux  en tirant dessus comme un fou. La tringle lâcha, et s'écrasa au sol, ôtant de devant mes yeux la barrière opaque que j'avais érigée entre Elias et moi. 

    Les obsèques de Mr et Mme Wash furent tristes. A part les quelques personnes qu'ils fréquentaient à l'église, et qui assistaient à tous les enterrements, il n'y avait personne. Souvent, je me demandais si c'était la peur de ne pas atteindre eux-mêmes le paradis qui faisait assister les gens aux obsèques d'inconnus. Ma mère y était aussi, évidemment, ainsi que l'homme qui d'après ma mère s'avérait être le frère de la mère d'Elias et allait le prendre chez lui. Moi, elle ne m'avait pas demandé d'y assister et je n'avais pas cherché à y aller non plus. J'étais trop triste, et le seul qui m'intéressait était Elias, rien d'autre. J'avais 16 ans, et j'étais suffisamment égoïste pour ne penser qu'à ce qui m'intéressait en faisant abstraction du reste. Elias, était ma seule priorité ce jour-là.

Jusqu'à ce qu'il cesse de pleuvoir (DISPO SUR AMAZON) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant