LEVY
Nous venions de rentrer du week-end. Trois jours merveilleux passés avec Elias à Cairn. Seuls. Ma mère n'était rentrée que deux heures avant notre retour. Cette maison ancienne avait été celle de mes grands-parents. Je l'adorais, ma mère non. J'y avais passé les meilleurs moments de ma vie avec ce vieil homme qui avait été mon exemple, mon héros, le pilier de ma vie que j'avais perdu 4 ans plus tôt. J'avais hérité de la maison, mais surtout de son bien le plus précieux, Sa cornemuse. J'utilisais celle qu'il m'avait offerte pour mes cours de musique, et la sienne, très ancienne je la gardais religieusement rangée dans son étui. Il ne la sortait qu'une fois par an, pour en jouer sur le site de Culloden. Je lui avais fait la promesse qu'à chaque date anniversaire, si cela m'était possible, j'irais jouer avec son instrument sur ce site sacré pour les Écossais des Highlands. Jusque-là, je n'avais jamais failli à ma parole. Depuis 4 ans, chaque année, je jouais devant la stèle des clans Jacobites, espérant que de là où il était, il m'écoutait et était fier de moi.
Nous nous précipitâmes à l'intérieur pour nous abriter. La pluie commençait à tomber dru et à frapper contre les vitres de ma chambre dans laquelle nous nous étions réfugiés. Le vent rugissait et les branches des arbres pliaient sous la force de la tempête. La lumière s'éteignit brusquement. Je me recroquevillai sur mon lit et allumai la lampe-torche que je gardais dans le tiroir la table de chevet. J'éclairai machinalement vers le sol en cherchant du regard le morceau de parquet recollé sous lequel je cachais mes trésors autrefois. Celui que mon père avait utilisé pour...
Les larmes commencèrent à courir le long de mes joues. Des tremblements me secouèrent.
— Eh ! s'écria Elias en se coulant contre moi. Pourquoi tu pleures ? C'est l'orage qui te fait peur ? Ce n'est que de l'eau, le monde ne va pas s'effondrer.
— Je ne suis pas tombé ce jour-là, hoquetai-je.
— Ah non ?
— Non. J'ai menti. C'est mon père qui m'avait fait ça. Il me frappait souvent, toujours quand ma mère était absente. Alors je cachais les bleus qu'il me faisait. Jusqu'à ce que je me rende compte qu'il lui faisait la même chose. Elle aussi cachait les hématomes sous des manches longues l'été en se plaignant qu'elle avait froid. Ce jour-là, je dessinais sur mon lit quand il est arrivé. Son haleine empestait l'alcool et le tabac. Il voulait savoir ou était ma mère. Je ne le savais pas et quand il a vu sur mon lit le dessin que j'étais en train de faire et qui représentait le torse nu de Brad Pitt, il a laissé tomber sa cigarette au pied du lit, m'a agrippé et m'a balancé par terre. Il m'a piétiné les mains. J'ai hurlé de douleur quand il a commencé à me frapper à coups de pied. Pendant ce temps, sa cigarette est tombée de sa bouche a mis le feu aux rideaux, c'est pour cela que je n'en ai plus dans ma chambre. J'essayais de me relever pour fuir, mais je ne pouvais pas. Il a pris le morceau de parquet cassé et m'a frappé à la cuisse. C'est à ce moment-là que ma mère est arrivée et a éteint le feu avec l'une de mes vestes. Quand il a entendu ma mère crier et appeler la police, il a compris qu'il était fini. Il a mis quelques vêtements dans un sac, a pris les billets qu'ils cachaient en haut de leur armoire avant de s'enfuir sans un regard en arrière. Il faisait une tempête terrible, comme ce soir. Depuis, j'ai peur de l'orage et surtout du bruit que fait la pluie quand elle frappe contre les carreaux.
— Levy...
Il me serra contre lui. Il était là, avec moi pour m'écouter, me comprendre. Il était là, tout simplement. Nous restâmes un moment en silence le temps que mes larmes se tarissent en écoutant le sifflement du vent qui rugissait de l'autre côté de la fenêtre.
— Je suis fatigué. Tu veux bien rester ici ? murmurai-je.
J'avais peur, une peur incontrôlable de la tourmente. Je n'avais plus rien à craindre de mon père, il n'était plus là. J'avais peur des souvenirs qui me faisaient plus de mal que les coups que j'avais reçus. J'aurais tout donné pour être un garçon normal comme Elias. Ne plus avoir cette merde collée à mon cerveau qui m'empêchait d'avancer sans résistance. Je n'avais pas demandé à naître. Personne ne m'avait demandé si je voulais exister, c'était comme ça, et j'étais là. La vie m'avait puni avec quelque chose qu'aucun enfant ne méritait de vivre. Au début, je croyais que les coups étaient une normalité, que tous les enfants vivaient la même chose. En grandissant, je compris que ce n'était pas normal. Et que peu importait où il était parti, mon père serait toujours le même monstre.
J'étais épuisé de penser à cela. Un an qu'il avait disparu et les blessures me brûlaient encore. Comme toutes les nuits quand il pleuvait, même si mon corps n'en gardait plus aucune trace.
— Tu trembles. D'accord, je vais rester avec toi.
— Merci.
J'espérais qu'il n'attendrait pas que je m'endorme pour rentrer finir la nuit chez lui. Je me poussai un peu pour lui laisser de la place et nous recouvrir de l'édredon. Le silence qui envahissait la pièce était seulement rompu par ma respiration un peu hachée.
— Ne t'en fais pas, je reste le temps que tu voudras Levy.
Sa voix résonna comme un écho dans le silence, comme s'il avait lu dans mes pensées.
— Jusqu'à ce qu'il cesse de pleuvoir ?
— Oui Levy, jusqu'à ce qu'il cesse de pleuvoir, et même après si tu veux...
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Jusqu'à ce qu'il cesse de pleuvoir (DISPO SUR AMAZON)
Storie d'amoreL'Écosse n'était pas la destination rêvée d'Elias. Malheureusement, quand on a 15 ans, on n'a pas d'autre choix que de suivre ses parents. Il rencontre Levy, son voisin, un ado triste et renfermé. Une amitié inconditionnelle naît entre eux. Mais le...