Chapitre 7

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                   ELIAS

Je le décoiffais en ébouriffant sa tignasse brune. S'il n'avait pas porté ces vêtements qui ne ressemblaient à rien, du moins sur des jeunes de notre âge, je peux dire sans hésiter qu'il était beau. Déjà, rien que la façon dont j'avais laissé ses cheveux le mettait à son avantage.

Levy n'était pas simplement beau à l'extérieur, il était beau de partout. D'une intelligence et d'une gentillesse rares. J'avais envers lui un instinct de protection que j'étais incapable de définir. Si les autres élèves l'avaient regardé un peu mieux au lieu de ne voir que les accoutrements ridicules que sa mère lui faisait porter, et son air triste, ils auraient agi autrement. Mais finalement, tant mieux pour moi. Je ne voulais pas qu'ils se rendent compte à quel point il était intéressant et solaire et tentent de se l'accaparer. Je souris à cette pensée. J'avais seize ans, l'âge où la sève commençait à monter. Enfin... cela faisait déjà deux ans qu'elle débordait du pot. Mais là, j'étais monté sur piles chaque fois qu'il était devant moi.

    Parce que j'en étais amoureux. J'aimais les filles aussi, j'étais déjà sorti avec deux d'entre elles. Mais leurs minauderies ne m'intéressaient pas. J'aimais les filles, mais j'adorais Levy et c'était toute la différence.

    Levy en revanche n'essayait jamais de se rapprocher de qui que ce soit. Je me demandais si ce n'était pas intentionnel de la part de sa mère de l'habiller et le coiffer comme un épouvantail pour le mettre à l'écart des autres élèves en les faisant fuir. Dans mon égoïsme, je me réjouissais presque de la situation.

Levy était à moi. Je ne me lassais pas de le regarder, mais il ne s'en rendait même pas compte.

La matinée s'écoula lentement, rythmée par les deux heures de maths, suivies du cours de philo. Je m'installais avec mon plateau-repas assis à une table du réfectoire un peu en retrait, en attendant l'arrivée de Levy. Nous n'étions pas dans la même classe et selon les cours, nous avions un décalage au moment des repas. Je regardais Rémy qui s'avançait vers moi un plateau en main.

— La place est libre ?

— Non ! lançai-je.

— Ah, ton pote va arriver.

— Oui, tu sais bien que je mange avec lui chaque fois que c'est possible.

— Euh... je peux me joindre à vous ?

Je le regardai d'un air dubitatif, me demandant en quel honneur il voulait manger avec nous précisément ce jour-là. Je n'étais dans cette ville que depuis un an et demi et je m'y étais fait quelques amis dont il avait fait partie. Mais depuis que je l'avais vu regarder Levy et se moquer de lui, je l'évitais comme la peste. Le meilleur moyen de savoir ce qu'il cherchait était encore de lui poser la question.

— Non !

Il se balança sur ses deux jambes, et m'adressa un sourire auquel je ne répondis pas. Personne ne s'était permis de faire un tour pendable à Levy depuis la dernière rentrée, mais il ne faudrait pas grand-chose pour que cela recommence. Je voyais bien les regards moqueurs qu'ils lui adressaient quand nous arrivions le matin, et ça m'énervait. Il ne disait rien, mais il s'en rendait compte et ça me faisait de la peine.

Je repoussai mon plateau et regardai Rémy droit dans les yeux.

— Pourquoi vouloir manger avec nous aujourd'hui ?

— Écoute Elias, nous étions potes toi et moi, mais depuis...

— Depuis que tu continues à regarder Levy de travers ! C'est ce que tu veux dire ?

— Ce n'est rien putain !

— Pour toi ce n'est rien ! mais as-tu essayé de te mettre à sa place ?

Jusqu'à ce qu'il cesse de pleuvoir (DISPO SUR AMAZON) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant